Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
La confusion sémantique, arme idéologique
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- Écrit par : Patrick Juignet
Idéologie n’est pas philosophie. L'idéologie opère, entre autres, par la corruption du langage. Nathalie Heinich note qu’elle opère par « entrisme sémantique, grâce auquel des mots à la connotation éminemment progressiste sont détournés vers des causes qui le sont beaucoup moins ».
Comme l’écrit Samuel Fitoussi, « la confusion sémantique – celle que dénonçait Orwell en 1946 – permet à des idées régressives, empaquetées dans des mots positivement connotés, de se déguiser en combats apolitiques et universels, de gagner du terrain grâce aux idiots utiles bien intentionnés. Et au wokisme de s’institutionnaliser, jusqu’à se confondre avec la neutralité » (S. Fitoussi, Woke fiction. Comment l’idéologie change nos films et nos séries, Le Cherche-Midi, 2023, p. 322).
Par exemple, Nathalie Heinich indique qu’il faut se méfier désormais du mot diversité, « car au-delà de sa connotation sympathique, ouverte, accueillante, il signifie de fait l’imposition d’une vision communautariste de la citoyenneté, où les individus doivent être traités en tant que membres d’une « communauté » et non pas comme membres d’une nation, voire de la commune humanité ».
Fait suite, dans son article « L’entrisme sémantique du wokisme », l’analyse fine d’une liste des mots détournés de leur signification à des fins idéologiques.
Heinich, Nathalie. L’entrisme sémantique du wokisme. 2023. Télos. https://www.telos-eu.com/fr/societe/culture/lentrisme-semantique-du-wokisme.html
L’ignorance en sciences
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- Écrit par : Patrick Juignet
Au plus simple, on peut définir l’ignorance comme l’absence de savoir.
L'ignorance, si elle est consciente d'elle-même, peut être le point de départ d'une enquête scientifique. Mais elle n'est jamais suffisante. Il faut qu'elle s'accompagne d'une volonté et d'une possibilité de connaitre. Le chercheur identifie un domaine vis-à-vis duquel le savoir est pauvre ou inexistant, ce qui l'amène, le cas échéant à entreprendre une recherche. Cette forme d'ignorance est partielle, car il faut quand même arriver à désigner ce qui est inconnu, et donc en avoir une prescience.
L'ignorance peut être systématique, car certains domaines ne sont pas intégrés ou pas intégrables dans les cadres conceptuels, méthodologiques ou institutionnels de la science en cours. C'est le résultat de limitations dans les approches de recherche, de biais dans la sélection des sujets étudiés, ou encore de contraintes financières ou éthiques qui limitent les questions pouvant être posées. Sur un plan cognitif, l'absence de recherche peut venir du refus de la nouveauté, de l'impossibilité d'envisager ce qui contredit le paradigme accepté.
L'ignorance peut aussi concerner un savoir existant dans un domaine scientifique donné. La raison principale de l’ignorance est alors l’absence de transmission du savoir. S’interroger sur l’absence de transmission d’un savoir inexistant est absurde et sur l’absence de transmission d’un savoir inutile et périmé est de peu d’intérêt. Par contre, il est important, du point de vue de l'évolution des sciences et de la préservation de leur qualité, de comprendre pourquoi certains savoirs utiles, tombent dans l’oubli ou deviennent marginaux.
La biologisation de la psychiatrie
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- Écrit par : Patrick Juignet
Une nouvelle approche en psychiatrie se développe, dénommée Research Domain Criteria. Elle repose sur le présupposé selon lequel les maladies mentales seraient des maladies du cerveau. Cette thèse réductionniste ramène la psychiatrie à une neuroscience. Les RDoC sont en principe compatibles avec le pluralisme explicatif. Cependant, le point de vue réductionniste domine et les recherches se cantonnent aux explications biologiques.
C'est ce que note Élodie Gratreau dans ses travaux sur les enjeux épistémologiques du projet des Research Domain Criteria (1)
Le présupposé réductionniste est double, d’une part ontologique, et d’autre part explicatif, le premier entraînant le second. Des auteurs ont critiqué comme une erreur logique le passage du réductionnisme ontologique réductionnisme explicatif. Il n'y a pas vraiment d'erreur de raisonnement, car le réductionnisme implique une clôture causale du domaine considéré. Il ne peut donc y avoir d'autres types de causes prises en compte par d'autres disciplines.
Le véritable problème vient du déni de l’existence d’un niveau psycho-cognitif chez Homme pouvant jouer un rôle dans les troubles mentaux. Si le support neurobiologique est d’évidence nécessaire, il n'est pas démontré à ce jour qu'il soit suffisant pour expliquer les conduites humaines. L'existence d'un niveau psycho-cognitif et représentationnel est plus probable que l'hypothèse inverse (2).