La philosophie pratique concerne le domaine de l'action humaine. Elle se différencie de la réflexion sur les connaissances (épistémologie) et sur ce qui existe (ontologie, métaphysique), etc. Au terme traditionnel de « pratique » un peu restreint, nous préférons celui de "pragmatique", qui élargit le champ. Envisager un problème sous l’angle pragmatique, c’est se placer du point de vue de l’action, individuelle et collective, que ce soit dans la vie ordinaire ou dans l’application des savoirs élaborés (philosophiques ou scientifiques). Elle concerne ce que font les humains. Il s'agit en même temps de comprendre l'action spontanée et de guider l'action réfléchie.
Aristote, dans l'Éthique à Nicomaque, définit la philosophie pratique comme une discipline qui cherche à orienter l'action vers la vertu et le bien-vivre. La philosophie pratique a selon Aristote un but prescriptif ou normatif : elle cherche à guider les actions humaines. La morale, définie comme l'ensemble des règles guidant les conduites humaines, est une philosophie pratique : elle prescrit des actions ou des attitudes. Mais la pragmatique dépasse très largement le domaine moral. Elle n’est pas essentiellement prescriptive, mais d’abord descriptive et réflexive. Les relations des individus humains entre eux, les interactions avec ce qui les entoure (la socioculture et les écosystèmes naturels), demandent d’abord à être décrits et expliqués avant de prétendre agir.
Les bonnes manières d'agir ne peuvent être les mêmes selon la situation individuelle et historique de chacun. Selon la place dans la hiérarchie sociale, les fins et les moyens ne sont pas les mêmes. Quel que soit le but visé, les moyens de l'atteindre sont différents d'une personne à l'autre et ils varient selon les circonstances sociales et historiques. Surmonter les contradictions dans lesquelles la vie humaine est sans cesse prise demande des stratégies variables.
L'abord pragmatique concerne également la culture. Elle est le fruit d’une action collective, vis-à-vis de laquelle on peut agir. La production idéologico-culturelle est plus ou moins adéquate. Un savoir adéquat sera utile et intéressant. S’il est inadéquat, il sera trompeur et aliénant. Elle concerne les sociétés et leurs organisations particulières selon des politiques. La philosophie pragmatique apporte une réflexion sur ce sujet et peut faire des propositions.
Elle concerne aussi la manière dont l'espèce humaine organisée en société s'insère dans l'environnement terrestre : selon quelle finalité avec quelles conséquences. Ce qui est particulièrement d'actualité au XXIe siècle, alors que les effets de l'activité techo-industrielle sont massifs et destructeurs pour la biosphère.
Une pragmatique est mise en œuvre par les sciences appliquées. C'est le cas dans la médecine et l'ingénierie qui appliquent les résultats de diverses sciences fondamentales. Ces disciplines doivent considérer de multiples interactions, des facteurs nombreux ou difficiles à identifier, des effets possiblement contraires aux buts recherchés. La philosophie pragmatique peut servir à affiner la réflexion, car la complexité des problèmes rend l'erreur facile, ainsi qu'à interroger leur finalité en faisant le lien avec l'éthique.