La philosophie pratique concerne le domaine de l'action humaine. Elle se différencie de la réflexion sur les connaissances (épistémologie) et sur ce qui existe (ontologie, métaphysique), etc. Au terme traditionnel de « pratique », un peu restreint, nous préférons celui de "pragmatique", qui élargit le champ. Envisager un problème sous l’angle pragmatique, c’est se placer du point de vue de l’action, individuelle et collective, que ce soit dans la vie ordinaire ou dans l’application des savoirs élaborés (philosophiques ou scientifiques). Elle concerne ce que font les humains. Il s'agit de comprendre la situation pour de guider l'action réfléchie. L'Anthropologie d'un point de vue pragmatique (1798) d'Emmanuel Kant est fondatrice quant à cette manière de philosopher. En amont de la pragmatique, on trouve une éthique qui en détermine la finalité.
Aristote, dans l'Éthique à Nicomaque, définit la philosophie pratique comme une discipline qui cherche à orienter l'action vers la vertu et le bien-vivre. La philosophie pratique a selon Aristote un but prescriptif ou normatif : elle cherche à guider les actions humaines. La morale, définie comme l'ensemble des règles guidant les conduites humaines, est une philosophie pratique : elle prescrit des actions ou des attitudes. Mais la pragmatique dépasse très largement le domaine moral. Elle n’est pas essentiellement prescriptive, mais d’abord descriptive et réflexive. Les relations des individus humains entre eux, les interactions avec ce qui les entoure (la socioculture et les écosystèmes naturels), l'évaluation de ses propres capacités, demandent d’abord à être explicités, avant de prétendre agir !
La bonne manière d'agir selon un choix éthique ne peut être les mêmes selon la situation individuelle et historique de chacun. Selon la place dans la hiérarchie sociale, les fins et les moyens ne sont pas les mêmes. Quel que soit le but visé, les moyens de l'atteindre sont différents d'une personne à l'autre et ils varient selon les circonstances sociales et historiques. Surmonter les contradictions dans lesquelles la vie humaine est sans cesse prise demande des stratégies variables. L'éthique doit se décliner selon des pragmatiques adaptées. Du point de vue individuel, elle aboutit à un mode de vie ou un art de vivre.
L'abord pragmatique concerne également la socioculture. Celle-ci est le fruit d’une action collective, vis-à-vis de laquelle on peut agir. La production idéologique est plus ou moins adaptée et souvent biaisée. Or un savoir inadéquat est trompeur et aliénant. La philosophie pragmatique, en apportant une réflexion rationnelle et argumentée, peut aider à faire des propositions. Elle s'arrête à la porte de la politique qui, devenant partisane, perd son statut philosophique. La réflexion pragmatique concerne aussi la manière dont les sociétés s'insèrent dans l'environnement terrestre : selon quelle finalité avec quelles conséquences. Ce qui est particulièrement d'actualité au XXIe siècle, alors que les effets de l'activité techo-industrielle sont massifs et destructeurs pour la biosphère.
Enfin, le concept concerne aussi les sciences appliquées. C'est le cas dans la médecine et l'ingénierie qui appliquent les résultats de diverses sciences fondamentales qui ne disent rien sur la bonne manière de les utiliser. Ces disciplines doivent considérer de multiples interactions, des facteurs nombreux et difficiles à identifier, des effets possiblement contraires aux buts recherchés. La réflexion pragmatique sert à surmonter la complexité des problèmes et à guider l'action.
Le point de vue pragmatique ne correspond pas au pragmatisme Anglo-Saxon.