Les sens des deux termes, éthique et morale, est si fluctuant et interchangeable qu’il est difficile de les départager. Quoi qu’il en soit, il est important de distinguer la réflexion sur le bien et le mal de celle portant sur les règles de conduite. Les enjeux sont très différents.

La désignation du bien et du mal propose les finalités à poursuivre qui sont jugées favorables ou défavorables pour les hommes. Les définitions du Bien et du Mal varient, mais elles aboutissent à des principes généraux. L'énoncé raisonné de ces grands principes et leur nécessaire hiérarchisation (car ils ne sont pas tous parfaitement compatibles) forme ce que l'on nommera plutôt l'éthique. Dans ce débat doit s'inviter l'hypothèse d'une Loi commune à tous les hommes, qui s'imposerait du fait de la capacité à penser humaine. On doit aussi considérer les évolutions civilisationnelles (comme l’avènement des droits de l’Homme), qui s’imposent à tout débat philosophique. 

Le domaine des règles de conduite est différent, puisqu’il s’agit d’édicter ce qu’il faut faire et ne pas faire. On parle alors plutôt de règles morales ou de choix moraux. Les règles ont un aspect prescriptif et normatif. Il existe entre les deux domaines de réflexion des relations à interroger. Il n’est pas possible de s’en tenir au schéma simple selon lequel du bien découlerait des règles de conduite donnant un mode de vie enviable (comme le font à tort de nombre de philosophies traditionnelles).

En effet, pour d’autres les règles de conduite sont considérées soit comme une conséquence de la vertu (Aristote), ou comme un impératif démontrable (universalisme kantien appelé aussi déontologisme), ou comme relatives à leurs conséquences quant au bien et au mal (conséquentialisme dont la version la plus connue est l’utilitarisme). Les conduites imposent de choix. Notons que le terme moral dérive du latin mores qui désigne les mœurs. En prétendant énoncer des règles morales, la philosophie est confrontée au problème de la relation de ces règles avec les lois juridiques, avec les règles religieuses, et enfin avec les normes sociales et éducatives préexistantes.

Il est préférable de distinguer fermement l'éthique de la morale, c'est-à-dire les raisonnements concernant les valeurs et leur hiérarchisation, d'avec les préceptes à visée d'application pratique.

Si une réflexion éthique est sans conteste du domaine philosophique, il est contestable que la prescription de règles de conduite en fasse partie. On doit laisser à chacun la responsabilité et le choix des modalités d’application (aux choix moraux) les plus adaptés. Le philosophe est mal placé pour juger de la diversité des circonstances et d'autre part, une éthique de la responsabilité demande de ne pas définir de norme pratique universelle. C'est au droit qu'il revient d'imposer des normes. Le philosophe peut cependant, en restant dans son rôle, indiquer le lien entre l'éthique et les manières appropriées aux circonstances de l'appliquer, tout en tenant compte des conséquences.

 

Voir aussi : Choix moral