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Vers un modèle unitaire de la scientificité
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- Écrit par : Patrick Juignet
- Catégorie : Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
Dans une thèse soutenue en 2024, Jeremy Attard s'est intéressé à deux problèmes épistémologiques. D'une part, la démarcation scientifique, qui consiste à identifier ce qui distingue intrinsèquement un ensemble scientifique d'un autre non scientifique ou pseudo-scientifique. D'autre part, le problème de l'unité épistémologique des sciences, qui consiste à se demander si toutes les disciplines à vocation scientifique peuvent être vues sous un jour unifié.
Ces deux problèmes ont soulevé de nombreux débats ayant mis en évidence un ensemble important de difficultés. Le terme « scientifique » désigne des méthodes empiriques, des constructions théoriques et des pratiques de recherche si hétérogènes qu’il semble voué à l’échec d’en chercher une définition aisée à circonscrire. De plus, les objets des disciplines scientifiques sont eux-mêmes de nature très diverses, ce qui semble rendre pareillement caduque toute recherche d’un concept unique de science qui pourrait s’appliquer indépendamment de la discipline en question.
Jeremy Attard soutient la possibilité d'un modèle unique de la scientificité. Pour défendre son propos, l'auteur a mobilisé deux types de réponses. D’une part, des réponses de principe, où il s'oppose aux arguments théoriques soutenant l’impossibilité de définir la scientificité en général, et la nécessité pour les sciences sociales de jouir d’une définition à part. D’autre part, il montre que l’approche dite « analytique » en sociologie ne semble pas nécessiter d’épistémologie alternative à celle ayant cours, par exemple, en physique ou en biologie. Il s’agit d’un contre-exemple pour la thèse soutenant que la sociologie ne peut pas jouir du même type d’épistémologie que les autres disciplines.
On notera toutefois que la sociologie analytique est un courant très limité de la sociologie. La Querelle des méthodes, qui a débuté à la fin du XIXe siècle, est toujours d'actualité. La possibilité pour l'histoire, l'économie, les sciences de l’Homme, de la société, de la culture, etc., d'avoir des méthodes et des objets propres tout en restant dans le concert des sciences est problématique. Associer représentations et causes, chercher des lois générales ou des modèles explicatifs, sans renoncer, ni au sens, ni à la diversité des manifestations concrètes, semble possible, mais reste le sujet d’âpres discussions en ce début de XXIe siècle.
Enfin, l'auteur a élaboré un modèle unitaire de la scientificité en se concentrant sur une unité d’analyse bien circonscrite : les modèles. Il distingue deux aspects : une composante empirique, qui a pour vocation à identifier des régularités dans la réalité auquel on a accès, et une composante théorique, à visée explicative et classificatoire. L'auteur propose de construire formellement une échelle de scientificité globale dans lequel se combinent la maximisation d’une certaine quantité d’informations (définie sur la composante empirique) et un critère d’invariance structurelle défini sur la composante théorique.
Voir : Vers un modèle unitaire de la scientificité https://philpapers.org/archive/ATTVUM-2.pdf et Définition de la Querelle des méthodes https://philosciences.com/methodenstreit