Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
L'existence du social
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- Écrit par : Patrick Juignet
L’Homo sapiens a développé des sociétés de plus en plus vastes et complexes. À partir du XVIIe siècle et surtout au XIXe siècle avec la naissance de la sociologie, on s'est intéressé au social pour lui-même (autrement que par le législatif et le politique). Les diverses approches socio-anthropologiques de cette époque donnent peu d’indications sur ce qui constitue le social, ce qui le fait exister. La question fondamentale, à savoir sur quoi reposent les sociétés humaines, reste en suspens. À cette question difficile, plusieurs réponses ont été apportées au XXe siècle, mettant en avant des aspects différents.
Savoir s'il est légitime de supposer une forme d’existence réelle qui soit constitutive des sociétés humaines (ou pas) est le rôle de l'ontologie. On peut prendre cette question sous la forme suivante : peut-on supposer une existence réelle de ce qui constitue les sociétés humaines ? Y a-t-il une existence du social, au même titre que celle du physique, ou celle du biologique ? Une manière d'avancer sur cette question, consiste à interroger la possibilité d'un niveau d’organisation autonome, susceptible de générer les divers aspects sociaux empiriquement constatés.
La réflexion ontologique montre que le social est lié aux capacités intellectuelles humaines, ce qui le relie au culturel et au politique. S'il est possible de les distinguer, il est impossible de les dissocier.
Voir l'article : Ontologie du social
L’extrême droite et l'immigration
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- Écrit par : Patrick Juignet
Une montée en popularité de l’extrême droite de type populiste se produit partout en Europe. En arrière-plan, se profile la stagnation économique européenne, qui se traduit par une baisse du pouvoir d’achat d'une partie de la population. L’autre difficulté, l’immigration, est mise au premier plan par ces partis qui en ont fait leur cheval de bataille. C'est ce qui va nous occuper ici.
Parler de l'immigration en général est inadéquat. L’immigration n’est pas envisageable d’un bloc. La différenciation minimale à faire concerne l’arrivée de personnes d’autres pays désireuses de vivre en paix, d'avec l'arrivée en masse de populations voulant imposer leur culture et leur religion. Les difficultés surgissent lorsqu'un grand nombre de personnes s'opposent à la culture et aux mœurs du pays d'accueil. Quand les personnes immigrées s'accommodent avec la culture du pays dans lequel elles arrivent, il n'y a que peu de heurts.
Les problèmes posés par l'absence ou l'insuffisance d’intégration ont été niés par les partis politiques traditionnels. Face à ce déni, la partie de la population qui en souffre s'est tournée vers ceux qui en tiennent compte : les partis populistes d'extrême droite. L’absence de réponse, voire la stigmatisation des inquiétudes concernant l’identité culturelle, profite à ces partis qui affirment apporter une réponse.
Mathématisation de la nature ou du temps ?
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- Écrit par : Patrick Juignet
Après Zénon, Platon et Aristote s’étaient attaqués à l’énigme du mouvement. C’est au XVIIe siècle seulement qu’on put enfin la résoudre. Peut-on, comme Koyré, ramener cette Révolution scientifique à la mathématisation de la nature ? Archimède avait déjà mathématisé la statique, mais pour passer à la dynamique, il fallait étendre ce formalisme au temps. Cela nécessitait le développement préalable de nouveaux concepts physiques, en particulier l’inertie.
Quelles furent, dans ce processus, les contributions respectives de Copernic, Kepler, Galilée et Newton, et d’un philosophe comme Descartes ? La conscience des heures égales, qui avait accompagné la diffusion des horloges mécaniques, a-t-elle joué un rôle dans la décision de prendre le temps comme variable ? Cette science moderne est-elle d’origine chrétienne, comme le prétendent Kojève et tant d’auteurs ? Qu’en est-il du monde arabe, de la Chine ?
Ces interrogations soulèvent bien des débats. En analysant le rôle fondamental, mais aujourd’hui encore méconnu, de la période hellénistique dans la genèse de la science moderne, et en réexaminant la découverte du principe d’inertie ainsi que sa relation au temps, l'ouvrage La mathématisation du temps De la science hellénistique à la science moderne entend proposer une vision plus juste de la Révolution scientifique. L'essai de Jean-Pierre Castel et Jean-Claude Simard met en évidence son origine hellénistique, archimédienne, puis marchande, via notamment le temps des marchands. Il réfute en conséquence la thèse de son origine chrétienne, thèse qui a pourtant pignon sur rue, tant chez les théologiens que chez les philosophes, les historiens, voire les psychanalystes, et même chez certains scientifiques contemporains.
Les auteurs remettent en cause la caractérisation habituelle de la Révolution Scientifique par la mathématisation de la nature. En effet, Euclide avait déjà mathématisé l’espace et Archimède les masses. Pour passer de la statique à la dynamique, c’était cette fois-ci non pas la nature, mais le temps qu’il fallait mathématiser. Or une nouvelle conception du temps, un temps laïcisé, abstrait et uniforme, avait émergé dans les cités marchandes médiévales, concomitamment avec l’invention de la diffusion des horloges mécaniques. La découverte par Galilée du principe d’inertie avait alors fourni, via les mouvements inertiels, l’étalon d’un temps dès lors mesurable, et donc mathématisable.
Castel Jean-Pierre Simard Jean-Claude, La mathématisation du temps De la science hellénistique à la science moderne, Vrin / Presses de l’Université Laval – 2024.