Même s'il existe des arguments scientifiques sérieux pour réfuter l'efficacité de l'hydroxychloroquine comme traitement de la COVID-19 (Fiolet et al. 2020), la polémique est toujours vivante. Le problème dépasse ce cas particulier ! Cette affaire de croyance nous ramène au problème de règne culturel de la post-vérité avec cette forme particulière et pernicieuse de relativisme pour laquelle toutes les opinions se vaudraient.
Le cas Raoult a transformé un débat scientifique banal en une controverse publique où les médias, les commentateurs publics et même les supporters de club de football (l'Olympic de Marseille) sont intervenus, comme s'ils avaient des compétences égales à celles des scientifiques spécialisés. Tout un chacun s'est considéré légitime à prendre des positions dans un débat scientifique difficile, sans argument scientifique.
Ils y ont été encouragés par Raoult lui-même qui s'est autorisé à faire des déclarations péremptoires fondées sur des études très insuffisantes (petit test de laboratoire in vitro et aucune étude clinique). C'est un procédé typiquement charlatanesque (vanter une potion magique dont on est l'inventeur) qui décrédibilise l'autorité de la science déjà bien mal en point. Par chance, la communauté scientifique a résisté et des études sérieuses ou pu être menées.
À l’ère de la post-vérité et des réseaux sociaux les citoyens en quête de repères errent dans un dédale d’opinions infondées, de croyances illusoires. Un mouvement idéologique informel diffuse une conception délétère où la science n’a pas plus de valeur que la croyance ou la religion. Or la science a vocation à donner des informations les plus justes possibles, c'est-à-dire adéquates à la réalité. Pour ce faire, elle applique une méthode qui a des exigences fortes. Connaître les tenants et aboutissant de la méthode scientifique éviterait de croire que « tout se vaut » (Paul Feyerabend) en matière de connaissance efficace. Pour les connaître, il faudrait qu’ils soient largement enseignés.
En matière de médecine, ces informations sont ensuite utilisées pour mettre en œuvre les politiques de santé publique qui ne sont pas du ressort des scientifiques, mais des autorités administratives et politiques. Elles aussi ont été délégitimées par des déclarations contradictoires, mais, elles aussi, ont résisté et, après des hésitations, finalement mené une politique adaptée, tout au moins en Europe.
Aux USA, le point culminant a probablement été atteint avec cette phrase de Donald Trump : « j'ai appris que la Covid était contagieuse ». Autrement dit, avant de l'avoir lui-même contractée, il ne croyait pas à la contagiosité (unanimement reconnue). Comment le citoyen moyen pourrait-il se renseigner sérieusement et croire les autorités compétentes si leur président exhibe sans vergogne son ignorance en public et doute des évidences ?
La contestation-déconstruction post-moderne a ouvert le porte à la post-vérité et au populisme, façon dictature des tribuns du café du commerce, qui règnent grâce au web.
Webographie :
Fiolet, T., Guihyr, A., Rebeaud, M. Mulot,M., Peiffer-Smadja, N. and Mahamat-Saleh, Y. 2020. “Effect of hydroxychloroquine with or without azithromycin on the mortality of COVID-19 patients: a systematic review and meta-analysis”, Clinical Microbiology and Infection, https://doi.org/10.1016/j.cmi.2020.08.022.
Juignet, Patrick. De la postmodernité à la post-vérité. Philosophie, science et société. 2020. https://philosciences.com/251.