Rapprocher énaction et linguistique a quelque chose de paradoxal. Cela a été tenté par Maturana (1978), Maturana et Varela (1994) et a ensuite fait l’objet de reprises dans un certain nombre de travaux en linguistique et en sémiotique (Linell, 2009), (Cowley, 2011), (Thibault 2011), (Kravchenko, 2012), (Raimondi, 2014), (Bottineau, 2012, 2017), Love (2007, 2017), au travers de la notion de languaging.
Signifiant initialement un type de coordination comportementale récursive, le terme anglophone languaging en est venu à désigner plus génériquement l’activité de langage, par opposition aux langues historiques qui en sont le produit. Dans ce cadre la parole n’est plus conçue comme la mise en œuvre d’un système abstrait qui lui préexisterait, mais comme une activité au sein de laquelle émergent des régularités métastables. La notion permet de lier plusieurs principes caractéristiques de l’énaction, notamment l'interactionnisme, la praxéologie et l'émergentisme.
La notion de languaging est un point d’entrée pour discuter des liens entre énaction et linguistique. Le couplage des comportements serait la base de la communication. Les structures cognitives émergeraient des schèmes sensori-moteurs et celles de la communication aussi. Il s'organiserait un couplage interactif entre les interlocuteurs une coordination des interactions. À un degré de plus, une coordination des coordinations donnerait le languaging.
Francisco Varela et suiveurs se prononcent contre l'idée de représentation, qui selon eux correspondrait à la copie d'un élément présent dans l'environnement. Il laissent aussi de côté la référence à une langue préexistante. Aucune distinction n'est faite entre indice, symbole et signe. Sémantique et syntaxe sont absentes. Nulle part, il n'est question de sens, de signification en encore moins de concepts ou de pensée. C'est une approche comportementale qui peut s'appliquer aux animaux, mais dont on ne voit pas comment elle pourrait rendre compte de la communication humaine dans ses formes un peu élaborées.