Le concept d'altricialité désigne la caractéristique des espèces dont les nouveau-nés naissent immature et dépendant. Ce terme est utilisé en zoologie et en biologie du développement pour désigner la nécessité de soins parentaux et sociaux prolongés après la naissance. Chez les humains, l'immaturité prolongée a pour cause les contraintes évolutives liées à la bipédie (conformation du bassin) et à l'augmentation de la taille cérébrale. Le fœtus ne peut atteindre un développement complet avant la naissance, si bien que les nouveau-nés humains sont dans un état de dépendance extrême et nécessitent des soins parentaux soutenus.

La suite du développement est très lent et demande au minimum 15 ans pour arriver à un adolescent relativement autonome. Le concept  a été utilisé en psychologie du développement et en anthropologie, pour expliquer les dynamiques sociales, les comportements coopératifs et l'attachement. Cette longue dépendance et la soumission aux adultes entraine des effets pathologiques sur le plan psychique que la psychanalyse a mis en évidence.

C'est principalement au biologiste et philosophe suisse Adolf Portmann (1897-1982) que l'on doit la popularisation du concept. Il a noté que les humains se distinguent d'autres espèces par une période prolongée d'immaturité et de dépendance prolongée après la naissance. Contrairement aux autres mammifères, dont les petits acquièrent rapidement une certaine autonomie, l'être humain connaît une longue période de dépendance et de développement qu'il appelle du terme imagé de  « gestation sociale ».

Pour Portmann, cette situation favorise deux phénomènes clés : – Le développement cérébral et culturel : la longue période d'immaturité permet à l'humain d'assimiler des compétences complexes, notamment culturelles, grâce à une interaction prolongée avec les adultes et l'environnement social. – L'importance de l'apparence et de la communication : Portmann suggère que chez les humains, les traits juvéniles (comme la rondeur du visage ou les grands yeux) servent à susciter une attention et des soins parentaux, contribuant à l'établissement de relations sociales profondes.

L'altricialité n'est pas seulement une contrainte biologique, mais une opportunité évolutive. En permettant une plasticité comportementale et cognitive. Elle ouvre la voie à la créativité, à l'émergence du langage et à l'élaboration de formes culturelles complexes. Ce point de vue renvoie aux analyses d'André Leroi-Gourhan sur l'évolution humaine et l'importance de la technique et de la socialité dans l'ontogenèse humaine. Il permet de comprendre la réflexion de Sarah Blaffer Hrdy sur l'importance de l'attachement et de la coopération ou encore l'une des lignes de force de la socialisation qui est la transmission culturelle selon Bernard Lahire.

L'altricialité est un concept important pour comprendre l'humanisation. Il permet de rassembler des notions éparses comme la prématurité, la dépendance, l'Hilflosigkeit (détresse) la néoténie (persistance, à l'âge adulte, de traits juvéniles). Le concept explique les comportements sociaux complexes, la coopération et la transmission culturelle, mais aussi les particularités psychologiques et psychopathologiques des humains.