Les psychothérapies psychanalytiques

 

Cet article est consacré aux psychothérapies permettant une mobilisation active du psychisme et donc une évolution de la personnalité. Elles sont dites psychanalytiques en référence à la psychanalyse qui en fournit le fondement théorique. Une psychothérapie de ce type ne peut être entreprise qu'après un diagnostic de personnalité permettant de penser qu'elle est pertinente.

 

Pour citer cet article :

Juignet, Patrick. Les psychothérapies psychanalytiques. Philosophie, science et société. 2017. https://philosciences.com/psychotherapies-psychanalytiques.

 

Plan de l'article :


  1. Les principes directeurs
  2. Le cadre est indispensable
  3. L’éthique de la pratique psychanalytique
  4. Les différentes techniques
  5. Efficacité et validité de ces approches

 

Texte intégral :

1. Les principes directeurs

Nous allons expliciter les deux principaux moyens qui sont l'utilisation de la capacité de penser de chacun et la dynamique relationnelle dite « transférentielle ».

La pensée

Penser est le premier pilier de la thérapeutique. Nous en distinguerons deux aspects : mentaliser les mécanismes psychiques et reconnaître ses propres conduites. D'un point de vue empirique, ce que l'on nomme ordinairement « pensée » associe des processus psychiques, cognitifs et langagiers. De cette association nait une pensées conscientes, manipulables et communicable. La pensée est dynamique, car les processus cognitifs et les formes langagières (verbales ou imagées) s'épaulent mutuellement dans le temps de formation de la pensée. Par opposition, nous dirons que manier des formes syntaxiques  sans contenu (verbalisme, langage creux) n'est pas penser.

Du point de vue pratique, le concept d'inconscient renvoie à l’absence de perception de son propre fonctionnement psychique. L’un des principaux enjeux de la psychothérapie psychanalytique est d’y donner accès en favorisant la mentalisation (la pensée consciente). Il s’agit de forger des représentations conscientes verbales ou imagées ayant un rapport direct et authentique avec le psychisme. Il ne s'agit donc pas d'intellectualisations ou de rationalisations défensives. C’est le seul moyen d'avoir une connaissance et une prise sur les fonctionnements affectivo-économiques et cognitivo-représentationnels du psychisme. À terme, le sujet acquiert une capacité de mentalisation constante et définitive qu'il pourra mettre en œuvre tout au long de sa vie.

Au-delà des souvenirs et divers contenus mémorisés liés aux circonstances et symptômes, le travail portera sur les processus eux-mêmes. Le sujet prendra ainsi conscience des mécanismes cognitifs non rationnels qui guident ses raisonnements, croyances et conduites. Une partie du travail de mentalisation porte sur les processus cognitivo-représentationnels qui traitent les informations du domaine relationnel et affectif. Ce traitement par des processus cognitifs est contraignant au sens où il produit des enchaînements fixes et stables dont les conclusions s’imposent au sujet. Les élucider et les rendre conscients en les verbalisant permet de desserrer cette contrainte.

Divers aspects de la vie courante comme les attitudes face à la vie, des tendances relationnelles récurrentes, certains traits de caractère, bien qu'ils puissent l'être facilement, sont méconnus du sujet. Il s'agit d'en favoriser la saisie, comme dans la psychothérapie généraliste de soutien, mais ici, en plus, on y associe une déconstruction des défenses qui empêchent leur reconnaissance (déni, refoulement, dénégation). On aura un bénéfice direct, car le patient se rend compte de son caractère et de ses attitudes et peut ainsi les réguler, mais on aura aussi un bénéfice à long terme par la mise à plat des défenses, ce qui empêchera la reformation ultérieure des illusions.

Combinée avec la mentalisation des processus psychiques, cette connaissance de soi apporte, dans un premier temps et avant même tout changement profond, une distanciation apaisante et une meilleure connaissance et maîtrise de soi. Elle permet de se représenter comment on est soi-même et comment se déroulent les événements de la vie relationnelle. Cette représentation donne une distance et elle est utilisable pour apporter des correctifs.

Le transfert

La relation est le second pilier de la thérapeutique. Elle est nommée relation transférentielle dans le cadre thérapeutique. Elle seule apporte l'énergie nécessaire pour remanier les effets négatifs de la psychogenèse.

C'est parce que la personnalité psychique se construit au cours de la vie relationnelle qu'il est pensable de pouvoir la modifier. C'est ce qui explique que, sur le plan thérapeutique, ce soit dans une relation (transférentielle) que le psychisme peut se remanier. L'évolution, comme on l’a vu, se fait selon des phases structurantes. Ce sont précisément ces mouvements structurants qui, s’ils peuvent être rejoués, vont amener des transformations psychiques notables.

Le transfert est le second pilier de la thérapeutique. En disant cela, nous nous séparons des pratiques qui méconnaissent le rôle de la dynamique transférentielle dans la restructuration psychique. Le transfert désigne la relation entre le patient et l’analyste en tant qu'elle est fortement investie et qu'elle prend une forme particulière. C'est le transfert qui instaure une dynamique qui peut être utilisée pour que les interprétations deviennent des faits pouvant avoir une efficacité. Dans le transfert se reproduisent les relations parentales et en particulier celles qui sont restées prégnantes. Le transfert est généralement inconscient : il donne des effets qui sont potentiellement perceptibles, mais dont on ne s'aperçoit pas. Le maniement du transfert ne se fait pas seulement par les interventions (dans le transfert) ou les interprétations (du transfert), mais aussi par la gestion du contre-transfert et la mobilisation en soi des modalités relationnelles nécessaires au patient.

Pour qu’un remaniement se fasse, il faut éviter la répétition. Les notions de reproduction et de répétition sont deux autres concepts majeurs pour la thérapeutique. Les scénarios relationnels se rejouent dans le transfert engendrant des mouvements émotionnels nombreux et divers. Pour qu'un changement s'opère, il faut une répétition qui, en même temps, contienne l’amorce d’un changement et évite la pure et simple répétition. Cette dernière fige un peu plus la modalité répétée, ce qui est contraire à l'enjeu thérapeutique. En particulier, il y a reproduction de mouvements pulsionnels que la règle permet de canaliser et de faire évoluer. Il s’y ajoute les procédés thérapeutiques de réparation. Certaines phases structurantes ratées peuvent être rejouées et une construction thérapeutique s'effectue (parfois avec une création directe d'éléments structurants totalement absents). De nouveaux schèmes psychiques relationnels se mettent en place. En effet, nous considérons que, dans la plupart des cas, il n’y a pas de reconstruction spontanée après la déconstruction analytique et qu’il donc faut nécessairement procéder à une construction active de nouveaux schèmes.

2. Le cadre est indispensable

Par le terme de « cadre », on désigne les conditions permettant une mobilisation du psychisme en toute sécurité. Ce dispositif, qui comporte divers aspects complémentaires, instaure un lieu où le fonctionnement psychique apparaît et peut être mobilisé. L'existence d'un cadre et son respect conditionnent la possibilité de la pratique psychanalytique. Abstinence, neutralité, pérennité, confidentialité sont les mots-clés de la définition du cadre.

La règle d'abstinence consiste dans l'interdiction de toute relation effective sexuelle, amoureuse ou agressive entre le thérapeute et son patient. L'abstinence reproduit la loi commune (interdit de l'inceste et du meurtre) qui est fondatrice pour la structuration psychique. Cette règle permet le déroulement pratique en endiguant les passages à l’acte qui la rendraient impossible. La raison de l’abstinence est très simple : la satisfaction pulsionnelle, en s’inscrivant dans la répétition, bloquerait l’évolution thérapeutique cherchée. L’interdit canalise les poussées pulsionnelles et permet leur élaboration et leur transformation. Il ne porte pas sur la poussée pulsionnelle, bien au contraire, puisqu’elle doit se produire, mais sur sa satisfaction agie. Une telle action bloquerait d’autant plus l’évolution qu’elle serait une transgression et ferait perdre le rôle structurant pour le psychisme de l’ordonnancement légal (voir l'article : Ordre symbolique et loi commune).

La neutralité implique l'absence d'intervention directe dans la vie du patient de la part du psychanalyste. La neutralité impose une attitude réservée de la part de l'analyste, mais contrairement à ce que l'on imagine parfois, elle n'entraîne ni hauteur, ni froideur. En effet, elle doit permettre de ne pas être pris dans le fonctionnement psychique du patient de façon à permettre une dynamique évolutive. Elle nécessite pour être maintenue une attitude appropriée qui est active et non abstentionniste. Par la neutralité, la psychanalyse diffère des autres techniques. Il n’y a pas de conseils ou d’intervention directe sur la meilleure manière de diriger sa vie. Elle respecte la liberté de choix et s’oppose en cela à toutes les techniques de manipulation du comportement qu’elles soient rééducatives, comportementalistes ou systémiques.

La confidentialité est également indispensable pour permettre une libre expression. Elle fait partie de la neutralité. Le secret médical est garanti par la loi. Le secret organise la relation en mettant à l’abri des normes sociales moralisantes et il permet de se situer dans un espace différent du champ social habituel.

La pérennité, c'est le fait de maintenir le cadre constant. Il s'agit d'offrir au patient tant sur le plan du lieu que de l'accueil quelque chose de durable, stable et solide. C’est la condition d’une alliance thérapeutique qui s’installe dans la sécurité et la liberté. Une sécurité de fond est nécessaire à un travail analytique, elle correspond à la sécurité intérieure de base qui autorise un développement psychique heureux. C’est elle qui permet au transfert de base de se maintenir et d’évoluer vers sa forme finale libérée de toute influence parentale.

Note : Les pratiques qui ne respectent pas ce cadre ne peuvent être des psychothérapies, car les relations concrètes arrêtent la dynamique de la cure et induisent une répétition sans évolution. La maîtrise du transfert et son orientation thérapeutique rendent indispensable un cadre strict. Rappelons que le psychisme, en tant qu’il est pulsionnel, peut entraîner des manifestations violentes, ce qui exige des précautions. Le cadre découle directement de la constitution du psychisme au sens où il permet une modification prudente et raisonnée de celui-ci.

3. L’éthique de la pratique psychanalytique

Il s'agit de miser sur l'avenir. Entre l’individu tel qu’il est, et son devenir possible, une dynamique peut s’instaurer. La pratique psychothérapique cherche à mettre en œuvre cette dynamique. Elle suppose possible une évolution, un épanouissement individuel, ce qui sous-entend de favoriser la progression afin d’atteindre le degré d'évolution maximale et non de rester à une forme immature. Une évolution psychique allant à son terme permet un mieux-être et des possibilités de création, d'adaptation et de réalisation meilleures. L'évolution se heurte à la volonté individuelle (les résistances) et sociale (les normes).

La démarche s’inscrit dans le respect de la loi commune considérée comme un ordonnancement humain fondamental. La loi commune n'a pas seulement une dimension sociale, elle structure le psychisme d’une manière qui est essentielle et cela doit absolument être préservé dans la pratique. Par contre, la psychothérapie est indifférente aux normes sociales et, souvent, elle est même en rupture avec les conventions sociales. Le cadre joue ce double rôle d’instaurer un respect de la loi commune, mais aussi d’abriter des pressions sociales.

En effet, les normes sociales ne sont pas favorables à un fonctionnement psychique harmonieux, car elles sont parfois excessivement répressives ou parfois déstabilisantes, car trop libérales. Cela s’explique par la différence entre la loi normative et Loi constitutive. Dit rapidement, le constitutif est structurant, le normatif ne l'est pas nécessairement : selon les cas il est neutre, ou refoulant, ou déstructurant. Le praticien doit rester étranger à ce que demande l'idéologie sociétale du moment au sens où il ne la méconnaît pas, mais ne s'en fait pas l'agent.

L’engagement du psychothérapeute est singulier même s’il utilise un savoir général. Il met une connaissance générale au service d’un cas particulier en vue d’obtenir une évolution et un mieux-être. Il y a là un engagement qui privilégie l’individu sur les enjeux sociaux, ce qui signifie que la pratique psychothérapique n’est pas un traitement de masse visant l’adaptation.

La psychothérapie analytique permet à certaines personnes d'aller vers l'épanouissement de leurs potentialités et vers une diminution de leur pathologie. Pour cela, il faut un projet, un contrat entre le thérapeute et le patient explicitant ce but. La guérison ne vient pas de surcroît, et encore moins par hasard.

4. Les différentes techniques

Le procédé classique

La technique

Une psychothérapie psychanalytique est toujours précédée d’entretiens préliminaires. Ils ont pour but d’informer le patient et de lui laisser le temps de prendre une décision. Cette décision est une signature au bas du contrat tacite passé avec son psychothérapeute. Ces entretiens permettent au praticien d’évaluer les contre-indications et de poser l'indication qui l’engagera lui aussi. Cet aspect un peu formel sert de base à l’entreprise en lui donnant un ferme ancrage dans l'ordonnancement symbolique.

Le travail en psychothérapie est toujours lent et progressif, car il ne consiste pas en un traitement directement symptomatique, mais au contraire implique une maturation progressive à laquelle participe le sujet. Il exclut donc une attitude activiste qui viendrait arrêter le processus. Mais, par ailleurs, une attitude attentiste aboutit au même résultat. Seul un bon équilibre entre activité et abstention du praticien permet au colloque singulier de s’installer et de se poursuivre au fil du temps.

À la libre expression du patient répond la neutralité bienveillante de l'analyste. Les conditions pratiques assurent une pérennité et constance du cadre. La stabilité du cadre thérapeutique conditionne la possibilité du traitement. L'interdit du passage à l'acte est posé ainsi que la règle de libre association. La neutralité n'exclut pas la bienveillance, mais par contre elle impose qu’il n’y ait pas de rapport social direct entre l'analysant et l'analyste. Il s'agit de revivre dans le cadre de cette relation thérapeutique les grandes phases structurantes.

La dynamique de la cure et le maniement du transfert

Les remaniements de fond concernant les structures psychiques qui gouvernent les relations se font par l’intermédiaire du transfert et non par un processus intellectuel. L'analyste doit intervenir pour que la répétition transférentielle soit dynamique et non reproductive. La reproduction pure et simple est un risque, car c'est ce qui se produit spontanément. Le praticien doit donc y être attentif. Cette répétition s’amorce, puis elle doit échapper et se transformer en expérience relationnelle nouvelle. Nous dirions avec Widlöcher et Alby (1978) que « la répétition dans le transfert est l'agent essentiel du processus analytique » à condition qu’elle soit évolutive et non répétitive.

Il existe deux visées complémentaires.

La première est plus analytique. Elle a pour visée le dénouement de la triade conflit-défense-symptôme. L’apaisement des conflits entre instances concerne l’opposition du Ça et du Surmoi (conflit névrotique) ou bien du Soi et du Moi (conflit narcissique). Ces processus de transformation sont plus analytiques au sens où leur mise en évidence dans le dialogue analytique suffit à les dénouer et à permettre une recomposition. La fixation évolutive étant levée, la progression reprend spontanément.

La seconde est plutôt reconstructive. Elle cherche le renforcement de l’individuation et de la stabilité narcissique, la structuration du Moi (secondarisation des processus, renforcement de la fonction réalitaire). Il faut construire des aspects qui n’existent pas ou sont embryonnaires et insuffisants. Dans ce cas, les potentialités évolutives n’existent pas, il faut créer les conditions d’apparition.

Ces deux types de visées sont complémentaires, mais ne concernent pas les mêmes personnalités et leur dosage doit être soigneusement adapté.

Les interprétations pour faire avancer le traitement

Les interprétations et interventions sont très nombreuses et se font de diverses manières. Elles se font généralement « dans » le transfert, c'est-à-dire qu'elles sont soutenues par le transfert qui reste inapparent. C’est cependant lui qui leur donne du poids. Dans ce cadre très général, elles sont de divers types.

Au plus simple, les interventions servent à encourager le patient à construire son histoire. Cette construction a une place importante, car elle stabilise en donnant une place. Cette histoire est réaliste, mais aussi mythique au sens d’un récit organisateur général sur la place dans le monde. Le sujet construit son mythe personnel et familial.

Les interprétations portent sur les schèmes relationnels qui échappent au patient de façon à les lui faire saisir. Elles favorisent leur mentalisation. Elles peuvent servir à lutter contre les défenses en les indiquant au patient et en montrant à quoi elles servent. En général, au cours de la cure, elles opposent une résistance au changement. L’interprétation pointe les effets de méconnaissance que cette attitude défensive engendre. Les interprétations font des liens entre des aspects qui, aux yeux du praticien, semblent avoir un rapport entre eux alors que ce n’est pas évident pour le patient.

Une partie des interprétations porte sur les processus cognitivo-représentationnels inconscients ou préconscients de façon à aider le patient à s’en saisir et à les comprendre. Ces mécanismes n’étant pas rationnels, ils demandent souvent une traduction pour être compris. Les processus cognitivo-représentationnels inconscients échappent et sont difficiles à modifier. Ils suivent des enchaînements automatiques dont seul le résultat émerge à la conscience. Le thérapeute essaye de les faire mentaliser en les déconstruisant et en les traduisant de telle sorte qu’ils puissent être maîtrisés et rectifiés.

Les interprétations peuvent porter « sûr » le transfert (au sujet du transfert). Elles consistent à l’énoncer, en particulier pour le faire évoluer. Interpréter le transfert, c’est le décrire puis ramener la situation actuelle à la situation passée ainsi revécue. C'est une action thérapeutique pour éviter la répétition.

Les aménagements techniques

De la nécessité de s'adapter au cas découlent diverses techniques thérapeutiques qui sont en continuité, car « les principes et processus sont comparables » comme le remarque Brusset (1994). La conduite du traitement est radicalement différente selon le type de personnalité, il faut savoir l’adapter.

Dans de nombreux cas, une psychothérapie dynamique en face-à-face est indiquée. Tout en ayant un aspect mobilisateur et dynamique, elle permet des réajustements, un soutien, et s'accompagne d'une prudente modulation du transfert et de l'analyse des résistances. Le face-à-face donne une situation plus conventionnelle et moins propice aux dérives imaginatives déréalisantes. Cet aménagement permet de faire bénéficier d'un traitement dynamique les personnalités organisées sur un mode limite et psychotique en leur évitant des risques de décompensation ou encore des sujets névrosés souhaitant une présence active du praticien. La limitation des ambitions permet des traitements plus courts adaptés à la demande de certains patients.

La cure psychanalytique classique est la plus connue, mais pas la plus pratiquée. Avec son dispositif divan-fauteuil, elle n'est indiquée que pour les personnes que l'on peut rattacher au pôle névrotique ou éventuellement les formes limites avec des réserves. Dans ce cas, le soutien est faible, la dimension transférentielle est favorisée et l'accent est mis sur l'analyse des résistances de façon à obtenir une dynamique maximale. Elle impose de traiter les principales problématiques et, si nécessaire, de produire un réaménagement de celles-ci. La fin des résistances est un repère de l'avancée de l'analyse. L'analyse du transfert aboutit, en phase finale, à une dissolution de celui-ci. Résolument dynamique, la psychothérapie analytique vise une modification du psychisme. Toute analyse bien menée apporte un mieux-être, car la dynamique psychique est orientée dans un sens progressif (et non-régressif ou laissée au hasard). Du point de vue technique, la psychanalyse stricto sensu est orientée principalement et préférentiellement vers le fonctionnement psychique laissant de côté les problèmes concrets.

Les psychothérapies de l'enfant imposent d’importants aménagements du cadre, puisque, dans ce cas, les médias utilisés vont être, outre la parole, le jeu, le dessin, le modelage, etc. La nécessité d'un complément éducatif peut demander une coordination mettant en jeu plusieurs intervenants dont les uns auront un rôle plus éducatif et les autres une visée plus psychothérapique. Des consultations avec les parents et l'enfant, en complément de la psychothérapie individuelle de l'enfant, sont indispensables. La dynamique familiale actuelle ne peut, en effet, être négligée. Pour les jeunes enfants, il est nécessaire d'associer la mère et l'on organise une psychothérapie mère-enfant permettant des modifications et une évolution de la relation.

Avec l’enfant, le début est délicat, car il se voit imposer par ses parents un traitement dont il n’est pas toujours demandeur. Les premières séances servent à montrer à l’enfant qu’il s’agit là d’une occasion qui pourrait lui servir à améliorer ses relations avec l’entourage. Le jeu, qui est l’instrument privilégié en psychothérapie, inclut les dessins, les jouets (représentant êtres humains, animaux, voitures, maisons, etc.), les jeux de rôle improvisés, le modelage, etc.

Le jeu permet à l’enfant de se défendre contre les affects qu’il éprouve dans la situation thérapeutique. Il sert à mettre en scène des situations qui sont l’occasion d’une reproduction non répétitive : il peut prendre des positions différentes de celles qu’il vit au quotidien. Les enjeux sont les mêmes que chez l’adulte : dénouer la triade conflit-défense-symptôme, éviter la fixation évolutive, renforcer l’individuation et la stabilisation narcissique, structurer le Moi. Chez l’enfant, les potentialités évolutives sont importantes.

Les séances devraient être fréquentes (3 séances hebdomadaires), mais c’est souvent impossible et il est courant de voir des psychothérapies d’enfants menées à bien à raison d’une séance par semaine.

5. Efficacité et validité de ces approches

La question de l'efficacité de la psychothérapie dynamique peut être clarifiée et énoncée d'une manière fort simple : elle concerne les traits de caractère, les symptômes, les conduites, les relations et interactions humaines qui sont les manifestations du psychisme. Sur le reste, elle n'a pas d'effet.

Limite de validité

La pratique psychothérapique concerne peu le social au sens strict. Ainsi, l'habitus social, au sens de Pierre Bourdieu (1980), ou encore les composantes purement sociales de la personnalité (issues des adaptations à la situation sociale) sont en dehors du champ. On peut en tenir compte sur un plan pratique en adaptant la technique au milieu socioculturel du patient. La psychothérapie ne donne pas accès à la part de la personnalité qui se forge au long de la vie dans l'activité sociale et le travail, signale justement Gérard Mendel.

Elle ne concerne pas non plus les capacités cognitives qui ne sont pas saisies en tant que telles, faute des concepts et des techniques appropriées. Une amélioration de la santé psychologique va entraîner une amélioration des performances intellectuelles et des capacités d'apprentissage, mais celles-ci ont une dynamique propre dont ne s'occupe pas la psychothérapie dynamique.

Elle n'agit pas sur les états causés par des modifications neurobiologiques, comme les démences ou les maladies multifactorielles comme la schizophrénie. Une fois en place, ces troubles s’assoient sur des modifications neurobiologiques sur lesquelles la psychothérapie n'agit pas. Elle peut toutefois aider, mais dans une perspective d'étayage et de guidance, ce qui n'est pas le sujet de cet article.

Limite d’efficacité

Le changement dépend de la potentialité d'évolution et de la possibilité de mettre en œuvre les moyens psychothérapeutiques. L'évaluation implique un diagnostic précis et une appréciation des potentialités dynamiques. La dynamique du changement psychique vient de la motivation créée par la distorsion entre les aspirations du sujet et ses possibilités actuelles. Elle est créée par le désagrément et la souffrance ressentie (angoisse, dépression). Elle s’appuie sur une dynamisation issue des pulsions libidinales. Il est nécessaire que celles-ci soient suffisamment fortes. En l’absence de possibilités dynamiques, il n’y aura pas d’efficacité du traitement.

Les remaniements demandent du temps et une dynamique transférentielle puissante, ce qui n'est pas toujours possible. Le procédé a donc des limites. De plus, tout ne peut pas être réparé. La genèse du psychisme est aussi une explication des limites de la thérapeutique : ce qui a été édifié peut être modifié, mais dans une certaine mesure seulement, car certains manques sont irréversibles. Certains éléments de la structure psychique, trop précocement figés, ne peuvent être modifiés ou, lorsqu’ils sont complètement absents, ils ne peuvent être construits. Si les bénéfices envisageables sont faibles ou nuls, il convient alors de ne pas entreprendre un traitement inutile.

Lorsque l’indication est bien posée et le traitement bien conduit, on obtient généralement les résultats escomptés.

Conclusion

La psychothérapie psychanalytique peut se définir comme une pragmatique, c'est-à-dire une conduite complexe dans laquelle l’action pratique se guide sur la théorie et répond à des principes éthiques qui définissent le but. Le but fixé ici est de soigner, d’obtenir des résultats thérapeutiques et le moyen est l'alliance entre théorie psychanalytique et sa mise en jeu pratique. Le moyen demande la mise en relation entre théorie et pratique, ce qui n’a rien d’évident. Deux types d’apprentissages s’imposent, l’un clinique pour reconnaitre ce qui se passe et l’autre thérapeutique pour avoir les attitudes et donner des interprétations permettant qu’une dynamique psychique se produise. Faute de quoi c’est autre chose : au mieux un dialogue socratique, une conversation entre amis, un monologue flottant, au pire, un délire à deux ou un endoctrinement sectaire. Comme dans toute pragmatique, on peut faire servir la pratique psychanalytique à d'autres buts que le soin.  Il est possible de décider que « la psychanalyse ne soit pas respectable – ni épistémologiquement, ni éthiquement, ni socialement » (Castel Pierre-Henri, À quoi résiste la psychanalyse ?,  Paris, PUF, 2006, p. 110.) 

Note : Une psychothérapie dynamique (psychanalytique) ne peut être conduite de la même manière selon le type de personnalité, car les enjeux ne sont pas du tout les mêmes. À ce sujet, voir les trois articles correspondants :

Psychothérapie des personnalités névrotiques

Psychothérapie des personnalités intermédiaires

Psychothérapie des personnalités psychotiques

 

Bibliographie :

Alby J.-M., Widlocher D. (1978), « Théorie de la technique et processus analytique », in Encyclopédie Médico-Chirurgicale, 37810 F 20, Paris, 1978.

Bouvet M. (1955), Résistance et transfert, Paris, Payot, 1976.

Brusset, B. (1994), « Psychanalyse et psychiatrie », in Encyclopédie Médico-Chirurgicale. 37 810 F 50, Paris, Éditions techniques, 1994.

Collectif, (2000) « Évaluation des psychothérapies », in Pour la recherche, Paris, FFP, N° 25, Juin 2000.

Freud S. (1904), La technique psychanalytique, Paris PUF, 1975.

Klein M. (1953), « La technique psychanalytique du jeu : son histoire et sa signification », in La psychiatrie de l’enfant, n°1, 1981.

Lacan J. (1953), « Variantes de la cure-type », in Écrits, Paris, Seuil, 1966.

Lébovici S. (1985), « Indications et contre-indications de la psychanalyse », in Encyclopédie Médico-Chirurgicale. 37811 A 10. Paris, Éditions techniques, 1985.

Lester Luborsky, Principes de psychothérapie analytique. PUF, Paris, 1996.

Mendel G. (1988), La psychanalyse revisitée, Paris, La découverte, 1988. « La société n'est pas une famille » in Sciences humaines, N°41, 1994.

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L'auteur :

Juignet Patrick