Le terme de paradigme, avancé par Thomas Samuel Kuhn dans son livre La structure des révolutions scientifiques, concerne les sciences et correspond à un modèle qui s’impose pendant un temps donné. Le paradigme ne concerne pas que la théorie, il vise aussi les méthodes, la conception ontologique de base, les manières de voir. Un paradigme naît d’une découverte scientifique universellement reconnue qui, pour un temps, fournit à la communauté de chercheurs des problèmes types et des solutions adaptées.
Le mot paradigme, qui donne l’idée d’un modèle à suivre, est bien adapté pour décrire ce qui se passe dans les sciences, car la force normative, quoique régulée par la rationalité, y est aussi importante qu’ailleurs. Un paradigme a une dimension collective qui produit des effets pratiques dans la conduite des recherches et dans la gestion institutionnelle de la science normale.
Certains définissent même le paradigme comme « un système de croyances ». Dans toutes les disciplines, l’histoire nous montre une volonté de poursuivre et de répéter la méthodologie jugée valide. Les savoirs sont repris collectivement et institutionnellement selon une expression collective simplifiée, ce qui présente l’avantage d’une intégration simplificatrice transmissible, mais, par ailleurs et à certains moments, constitue un frein à l'avancée des recherches.
Pour Thomas Kuhn, les changements de paradigme sont assez radicaux et il parle de « révolution scientifique ». Les concepts changent, certaines des vérités admises ne le sont plus, les méthodes se modifient, les conceptions ontologiques sous-jacentes évoluent, le travail des étudiants et des chercheurs change et finalement, c'est une nouvelle manière de voir le monde qui apparaît. Il y a une incompatibilité ("incommensurabilité") entre les paradigmes.
Le concept de paradigme a été précisé par Thomas Kuhn sept ans après la première édition de son ouvrage. Il a alors proposé un nouveau terme, celui de "matrice disciplinaire", pour dénommer ce qui fait l’objet d’une adhésion du groupe scientifique, alors que celui de paradigme désignerait plutôt les aspects exemplaires présents au sein de cette matrice.
Il lui a paru souhaitable de dégager le concept de paradigme de celui de « communauté scientifique » dont le sens est sociologique. Ce que partage une communauté scientifique et qui explique la communication entre ses membres, c'est leur « matrice disciplinaire », dont les divers composants forment un tout.
Il semble qu'actuellement le paradigme de la science moderne (analytique et réductionniste) soit progressivement remplacé, dans certains domaines, par une manière de voir différente. Depuis le milieu du XXe siècle, la manière d'envisager le monde sur un mode analytique et linéaire tend à être remplacée par une manière de voir globale, systémique, qui insiste sur les interactions, les structures, les équilibres. La compréhension causaliste linéaire du déterminisme évolue vers une conception plus souple admettant la récursivité et l'aléatoire.