« Méthode, méthode que me veux-tu ? Tu sais bien que j'ai mangé du fruit de l'inconscient ».
Cette phrase de Gaston Bachelard se trouve en exergue de son livre La poétique de la Rêverie. Elle note l'agacement de l'imaginaire, nourri de motivations inconscientes, face à une méthode importune qui voudrait s'imposer. La réplique est amusante. Elle indique une irresponsabilité tranquille : tu sais bien que, si je divague, je n'y peux rien, car j'ai mangé du fruit (défendu ?) de l'inconscient. L'imaginaire demande à la méthode (la rationalité) qu'elle le laisse tranquille.
Bachelard attribue cette phrase à Jules Laforgue (Moralité légendaires, Mercure de France, p. 5). Ce dernier a en fait écrit
« Méthode, méthode, que me veux-tu ? Tu sais bien que j'ai mangé du fruit de l'inconscience ! ».
Laforgue met cette réplique dans la bouche d'un Hamlet parodique qui divague. Il s'agit pour le personnage de vivre sans méthode, hors de tout impératif. Au passage, il ridiculise l'impératif catégorique kantien en parlant d'un « impératif climatérique » ce qui n'a pas grand sens. L'inconscience fait ici allusion à l'ignorance ou l'indifférence quant aux conséquences de ses actes.
La phrase originelle, serait de Paul Valéry :
« Méthode, méthode, que me veux-tu ? J’ai mangé du fruit du doute ».
Elle apparaît dans les "Cahiers", qui sont constitués des notes prises chaque jour de 1894 à 1945. La signification est toute différente. La méthode rationnelle ne convainc pas l'auteur qui est habité par le doute. Le doute ressemble dans cette formulation à une sorte de péché intellectuel, un fruit défendu. On notera que le doute peut aussi être rationnel et faire partie de la méthode. Il est rationnel de douter méthodiquement de tout ce qui incertain, confus, obscur, affirmé sans démonstration.