Il y a deux siècles, le problème de la génération spontanée était encore irrésolu. Il mobilisait la philosophie, la biologie, la chimie et la médecine. Ce que l'on sait moins, c'est que la problématique de l’origine de la vie a été étroitement liée à l’histoire de la fermentation à la fin du XVIIIe et pendant tout le XIXe siècle. Deux grands paradigmes, à savoir la théorie chimique et la théorie physiologique, ont été proposés pour expliquer la cause et les mécanismes de la fermentation encore inconnus.

Les chimistes considèrent la fermentation comme un phénomène de catalyse dans lequel le ferment décompose le sucre pour produire de l’acide carbonique et l’alcool. D’autres chimistes tels que Liebig, soutiennent qu’elle est un phénomène de contact. Ils considèrent le ferment comme une substance morte d’origine végétale ou animale qui communique, par le contact, un mouvement de corruption à la matière fermentescible. 

Quant à la théorie physiologique, elle considère que la levure est composée de globules vivants et organisés. De Cagniard-Latour à Louis Pasteur, en passant par Turpin et Béchamp, la fermentation est présentée comme un phénomène « corrélatif d’un acte vital ».

L’une des grandes controverses (scientifiques génération spontanée contre transmission vitale) s'alimente de cette opposition concernant la fermentation. La théorie chimique est compatible avec l’hypothèse de la génération spontanée alors que la thèse vitaliste du ferment réfute la génération spontanée.

Pendant ce temps, le développement de la biologie s'est poursuivi. La théorie des germes (théorie microbienne) parvient à vaincre l’hypothèse de la génération spontanée. Toutefois, l'observation de la fermentation sans cellules vivantes par Edouard Buchner ruine les prétentions de la théorie des germes concernant la fermentation. La théorie des microzymas (substances qui seraient responsables des réactions chimiques au niveau microscopique) tente de se poser en arbitre de la controverse. 

La théorie microbienne de la maladie a connu finalement un destin heureux grâce aux succès de la vaccination, malgré les critiques ou réserves des médecins. Le « mythe » pastorien s’est construit autour de ces succès.

Source : Yacuba Kone, Fermentation et génération spontanée : de Pierre Jean-François (1775-1840) à Antoine Béchamp (1816-1908), Thèse 2024.