Depuis quelques années, il est fait grand bruit autour de l'intelligence artificielle. Même nos gouvernants s'intéressent au problème. L’écho grandissant que reçoivent les masses de données (Big Data en anglais) et l’apprentissage qualifié bizarrement de "profond" (Deep Learning en anglais), masque leurs limitations. On les pare de vertus imaginaires, au point de laisser entendre qu’elles transformeront l’humanité pour la rendre plus juste et surtout plus parfaite, au point, peut-être, de l’aider à conquérir si ce n’est l’immortalité, tout au moins une plus grande longévité.
Ces techniques reposent sur l’induction, c’est-à-dire sur le raisonnement qui va du particulier au général. En conséquence, elles sont soumises aux limitations logiques de toute induction. Elles permettent de détecter des corrélations qui ne correspondent pas toutes à des relations de causalité, et qui s’avèrent parfois trompeuses. Elles ont donc des limites assez précises annonce Jean-Gabriel Ganascia.
Certains auteurs, comme Catherine Malabou, invitent à dépasser la tension entre intelligence (considérée comme « naturelle » et associée au cerveau humain) et automatisme (considéré comme artificiel et associé au cerveau synthétique). Pour elle, l’intelligence consiste en un « mécanisme capable d’interrompre sa propre routine — (la répétition rigide de ses habitudes) — sans pour autant devenir autre chose qu’un automatisme — (un processus autonome) » (p. 136-137). L'automatisme serait commun à l'intelligence humaine et artificielle.
La reformulation que l'on peut proposer de cette question est la suivante : l'intelligence en tant que capacité cognitive est-elle produite directement par les systèmes neuronaux ou les systèmes électroniques ou bien faut-il supposer une couche intermédiaire purement cognitive ?
En ce qui concerne l'intelligence artificielle, on a la réponse : elle est produite directement par les systèmes électroniques, c'est-à-dire qu'elle est le fruit d'un programme reproduit par l'électronique. En ce qui concerne l'intelligence humaine, il n'est pas sûr qu'elle puisse être rapportée directement à sa base neurochimique et qu'il ne faille pas supposer un niveau intermédiaire de type cognitivo-représentationnel pour en expliquer les performances. Si cette interface cognitive est nécessaire, la question de la différence entre l'homme et la machine se pose tout autrement : les machines se complexifieront-elles suffisamment pour produire ce niveau cognitif autonome ?
Bibliographie :
Jean-Gabriel Ganascia, Le Mythe de la Singularité. Faut-il craindre l'intelligence artificielle?, Paris, Seuil, 2017.
Catherine Malabou, Métamorphoses de l’intelligence. Que faire de leur cerveau bleu ?, Paris, PUF, 2017.
Voir l'article : De l'homme-machine au cerveau-machine