Le terme d'esprit est polysémique et difficile à employer sans provoquer de confusion. Même en s'en tenant aux époques moderne et contemporaine, il est impossible de définir l'esprit de manière simple et univoque, car c'est une notion qui dépend totalement de l'auteur et du contexte.
L'esprit désigne généralement une forme d’existence immatérielle, spirituelle, transcendante, qui n'est pas factuelle (phénoménale), mais substantielle ou dérivée comme attribut de la substance. Dans cette optique métaphysique et religieuse, l'esprit est en rapport avec le divin, l'Idéalité absolue, entités auxquelles l'homme accéderait partiellement.
Le terme désigne aussi des aspects de l’activité humaine empiriquement identifiables qui peuvent être individuels ou collectifs. À titre individuel, l'esprit est diversement nommé mental, pensée, subjectivité, il correspond à des états, événements et processus qui vont de la sensation à la pensée abstraite en passant par les divers types de représentations concrètes.
À titre collectif, l’esprit est produit par l'ensemble des hommes en tant qu’espèce et/ou corps social. C’est une création collective impersonnelle, une mentalité de groupe, une caractéristique socio-historique ; on parle alors de l'esprit d'une époque, d’état de la pensée (par exemple, les trois états d’Auguste Comte) ou de mentalité (Lucien Lévy-Bruhl, Émile Meyerson, Hélène Metzger, etc.) ou encore d'a priori historique et d'épistémè (Michel Foucault). Les termes « esprit » ou « Esprit » servent ainsi à évoquer les aspects collectifs et historiques de la pensée humaine.
Dans la philosophie d'inspiration cartésienne, l’esprit est la substance non étendue, non matérielle, qui se manifeste chez l'homme par la pensée. Pour Hegel, l'Esprit se réalise dans le monde culturel et social et dans l'histoire. Il se traduit dans l'ensemble des lois régissant la conscience collective et il se concrétise dans la culture (art, littérature, philosophie), ainsi qu'en politique (dans l'État). Avec l'école spiritualiste française, l'esprit est un principe transcendant pourvu d'une existence autonome. À cet ensemble de propositions, les matérialistes répondent que l’esprit n’existe pas, que c’est une fiction, et les béhavioristes que c’est une supposition sans fondement, un « fantôme dans la machine », pour reprendre l’expression de Gilbert Ryle.
Le terme d'esprit renvoie tantôt à une substance métaphysique, tantôt simplement à la pensée et à la cognition humaine, il est tantôt individuel et tantôt collectif, il est tantôt pourvu d’une existence autonome, tantôt considéré comme produit par la pensée humaine. D'un point de vue empirique c'est une catégorie inutilisable, car rassemblant des éléments hétérogènes. D'un point de vue ontologique, supposer une substance propre à l'esprit est improuvable.
On a assisté au cours des XIXe et XXe siècles à une progressive sécularisation et déspiritualisation de l'esprit, pour y voir une capacité intellectuelle de l'homme (intelligence, pensée, représentation) vivant en société. Afin d'éviter des malentendus, il serait préférable de placer ces capacités dans la catégorie du cognitif, terme qui n'est pas source d’ambiguïtés métaphysiques, comme celui d'esprit.