Emmanuel Kant le premier a signalé dans la Critique de la raison pure que nous connaissons la réalité par l’expérience qui est « un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître produit de lui-même ». C’est l’amorce d’un constructivisme empirique pour lequel la réalité naît de l’interaction à visée de connaissance entre l'Homme et son environnement.
Le constructivisme s’est véritablement développé avec la psychologie de la connaissance, dont Jean Piaget a été le pionnier. Cet auteur a montré que le savoir, et aussi les capacités à connaître, se construisent progressivement chez l’enfant, dans un jeu d'interaction réciproque avec ce qui l'entoure (par assimilation et accommodation). C’est ce que recouvre le terme de constructivisme. Il inclut, par conséquent, une remise en question du réalisme empirique supposant des choses présentes et connue d'évidence par la perception.
C'est à Gaston Bachelard que l’on doit le développement d'une épistémologie constructiviste. Gaston Bachelard considère que la science construit ses objets qui ne sont pas des choses déjà présentes. Elle les construit dans un projet qui les remanie au fil des avancées théoriques et de l’évolution des méthodes. Dans les sciences : « Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit », écrit-il dans La Formation de l'esprit scientifique en 1938.
Globalement, pour le constructivisme épistémologique, la réalité scientifique est construite par la méthode au sens d'une pratique encadrée. Le champ de la réalité mis en évidence (objectivé) dépend de cette méthode et en arrière-plan des théories utilisées. L'expérience organise une interaction avec le Monde et le résultat dépend de cette interaction. La science ne perçoit pas des choses déjà là, elle interagit grâce à ses observations et expérimentations.
La réalité est toujours construite, que ce soit par l'expérience ordinaire ou par l'expérience réglée par la méthode scientifique. Cependant l'expérience bute sur un réel indépendant qui résiste, exerce ses contraintes, et donc la modèle. Constructivisme et réalisme sont complémentaires. Faute de quoi on tombe dans un hyper-constructivisme qui fait de la réalité une fiction. Ce qui n'est pas le cas.
Le constructivisme en sociologie est d'un autre type. Il est apparu dans les années 1960, en opposition à ce que l'on a appelé le réalisme social, doctrine selon laquelle les faits sociaux ou anthropologiques, auraient des caractéristiques objectivables indépendantes des circonstances. Le constructivisme dans les sciences sociales considère au contraire que ce sont les dynamiques sociales et les acteurs sociaux, au travers de leurs discours et de leurs actions, qui produisent les faits sociaux ; ce qui introduit une dépendance de ceux-ci aux conditions historiques et civilisationnelles. Il s'agit de tenir compte de la production des faits sociaux par les acteurs et les institutions.
Le constructivisme peut prendre une tournure excessive et inadaptée, aboutissant au déni de l'existence autonome des référents concrets. Il s'agit là d'une forme extrême que l'on trouve dans l'idéologie hyper-constructiviste que l'on peut nommer constructionnisme pour la différencier du constructivisme épistémologique. Ce constructionnisme post-moderne nie l'objectivation de la réalité et la possibilité d'une vérité d'adéquation (y compris dans les sciences). L'idée d'une production socio-politique du savoir au sujet de représentations elles-mêmes construites relativise une réalité devenue incertaine.