Le terme civilisation cumule deux sens. Le premier, apparu dès le XVIIe siècle évoque une évolution positive des mœurs et des savoirs. Le second, apparu du XIXe siècle, désigne un vaste ensemble social et culturel historiquement daté.
Au XIXe siècle, on parle des « grandes civilisations » qui sont des organisations politiques, économiques, techniques, culturelles et religieuses, occupant un territoire géographique durant une période historique. C'est en ce sans que Paul Valéry a écrit l phrase restée célèbre : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » (La Crise de l’esprit, 1919)
De manière plus dynamique et plus anthropologique, on entend par civilisation, le processus de transformation qui accroit progressivement le degré de sociabilité et l’étendue de la culture. C’était la vision du XVIIIe siècle. C'est une conception dynamique et positive, parfois liée à l'idée d'une finalité. Cependant, dans la longue durée, les mouvements civilisationnels peuvent s’arrêter et même régresser.
D'un point de vue de l'anthropologie culturelle, culture et civilisation ne sont pas clairement séparées. L’entrée de l’Homme dans le processus de civilisation (culture) s’est fait par le langage, les règles de base (Loi commune), apparues chez l’Homo sapiens. Puis la civilisation au sens d'une évolution culturelle s’est développée. Norbert Elias propose trois axes de description :
1. L’évolution des interdépendances entre les groupes humains. Le progrès les augmente et les complexifie. Cette évolution conduit vers la composition d’entités politiques sans cesse plus larges. À cet égard, la genèse de l’État occupe une place centrale.
2. Au cours du processus civilisationnel, l’économie psychique individuelle s’affine. La répression et la sublimation des pulsions (d’agression, sexuelles et nutritionnelles) favorisent la pacification des relations interpersonnelles et engendrent la civilité ; ce qui se traduit par les manières de se conduire et de ressentir plus douces, plus soucieuses d'autrui (une évolution des mœurs). La tendance à une maîtrise sans cesse plus raffinée et nuancée de soi-même permet le relâchement maîtrisé typique des sociétés permissives.
3. Les représentations collectives du monde changent, deviennent plus réalistes et raisonnables, les aspects scientifiques prennent de l’ampleur, les arts et la culture s'émancipent par rapport aux religions.
Toutes les civilisations ne suivent pas le même mouvement. Dans certaines l’évolution s’arrête et d’autres s’effondrent et disparaissent. Ce qui a été acquis peut se perdre et les tendances régressives peuvent dominer plus ou moins massivement et plus ou moins longtemps. La puissance économique et technique, la résistance aux agressions guerrières, l’adaptation aux changements environnementaux, sont des facteurs permettant la persistance d’une civilisation.
Les acquis civilisationnels sont sans cesse à reconstruire individuellement et collectivement. Individuellement, par l’éducation qui transmet et accomplit en raccourci le processus civilisationnel. Collectivement, par le maintien d’institutions qui contribuent à l’élargissement des interdépendances, la diffusion du pouvoir et à la transmission du savoir, et la préservation de l'environnement.
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