Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
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- Écrit par : Patrick Juignet
- Catégorie : Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
Le vingt et unième cours de Jacques Bouveresse au Collège de France de l'année universitaire 2008-2009 pose un problème épineux : que faire à l’égard de doctrines philosophiques dont on est convaincu qu’elles sont fausses ? Pour y répondre, il se réfère à Willard Van Orman Quine. Quine, dit Bouveresse, n’a aucun doute sur le fait que la philosophie doit être considérée comme ayant pour objectif la recherche de la vérité, au sens usuel du mot « vérité », ce qui la rapproche de l'esprit scientifique. Cela soulève évidemment la question de savoir de quelle façon on doit se comporter à l’égard de thèses et de doctrines philosophiques dont on est convaincu, comme cela arrive tout de même assez souvent, qu’elles sont fausses et même absurdes. Sur ce genre de question, Quine se montre finalement modéré :
" Il faudrait une représentation équilibrée des philosophies rivales, insiste-t-on. Certes, si l’on retient uniquement l’histoire et la sociologie de la philosophie ; ou l’histoire et la sociologie de la religion. Mais pour qui s’adonne à la philosophie dans un esprit scientifique, comme à une quête de la vérité, pratiquer la tolérance envers une philosophie mal pensante serait aussi absurde que pour un astrophysicien tolérer l’astrologie, et aussi immoral que pour un fondamentaliste fanatique tolérer la doctrine unitarienne" (W.V.O. Quine, Quiddités. Dictionnaire philosophique par intermittence).
Mais, justement, la philosophie ne semble réellement comparable ni à la science, ni à la religion, poursuit Bouveresse. Il peut exister, parfois, entre une doctrine philosophique et une autre des différences radicales au point qu'elles qui semblent comparables à celles qui existent entre l’astrophysique et l’astrologie.
Cependant le philosophe qui estime être dans la position sérieuse et rationnelle de l’astrophysicien, ne dispose pas, il s’en faut de beaucoup, de preuves empiriques comparables aux siens pour affronter son adversaire avec l’espoir de le réduire au silence – pour ne rien dire du fait que l’astrophysicien qui accepte la confrontation avec l’astrologue, en ayant à sa disposition de meilleures armes que celles du philosophe, n’a lui-même que peu de chances de convaincre son interlocuteur.
Sommes-nous acculés à un relativisme philosophique ? Tout savoir philosophique serait-il impossible à démontrer ? Une philosophie cherche l’équilibre entre des considérations multiples, plus ou moins conciliables, afin de trouver une cohérence adaptée à la complexité de la réalité. La philosophie aborde des problèmes complexes à enjeux multiples et de ce fait les démonstrations sont difficiles. Cependant, certaines philosophies sont rationnelles, argumentées, appuyées sur des savoirs empiriques réputés vrais et par là acquièrent une crédibilité.
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- Écrit par : Patrick Juignet
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Jean Audouze, Georges Chapouthier, Denis Laming, Pierre-Yves Oudeyer. Mondes mosaïques : Astres, villes, vivant et robots, Paris, Éditions du cnrs. 2015.
Astres, villes, vivant, robots : quatre objets d’études apparemment profondément différents les uns des autres ont des points communs.
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- Écrit par : Patrick Juignet
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Ce billet fait suite à la parution du livre Le corps et l'esprit - Problèmes cartésiens, problèmes contemporains.
Certes, c'est un livre qui intéressera surtout les spécialistes de Descartes, mais le problème du rapport entre corps et esprit reste d'actualité pour l'ensemble de la philosophie. Se pose alors l'intéressante question de savoir si c'est le même problème qui préoccupa Descartes. Pensons-nous la même chose lorsque nous entendons avec la même expression ?
Dans son article introductif « Cartésianisme et philosophie de l’esprit », Sandrine Roux s'intéresse à la relation de la philosophie avec son histoire et s'interroge sur la (bonne) manière de se référer aux auteurs du passé.
A ce sujet, on peut évoquer quatre possibilités. Voyons-les successivement :
* Présupposer des problèmes éternels et des façons de penser toujours identiques.
* Se centrer sur l'auteur et reconstituer au plus près ce qu'il a voulu dire selon la façon de penser de l'époque.
* Se situer dans une reconstruction rationnelle comme le fait la philosophie de l'esprit, ce qui revient à « lire les philosophes du passé comme s'ils étaient nos contemporains ».
* Supposer une communauté d'expérience et de pensée suffisante avec l'auteur concerné pour que nous puissions dialoguer ? Aujourd'hui, les enjeux « sont-ils sensiblement les mêmes qu'à l'âge classique » (p. 21) ?
Avec Descartes, nous entrons dans le problème corps-esprit, devenu dominant dans l'épistémè moderne. Descartes ouvre une époque, car, comme le dit Sandrine Roux, « le cartésianisme introduit à cet endroit une rupture décisive et un questionnement nouveau » (p. 6). Ce problème prend des formes différentes, mais il est omniprésent. La philosophie de l'esprit contemporaine n'aurait pas tort et Gilbert Ryle parlerait à juste titre du « mythe cartésien » et de la « doctrine reçue », car la distinction corps/esprit contemporaine serait à peu de chose près le problème de Descartes. Si nous sommes encore pris dans le schéma corps/esprit, ce n'est pas parce que nous subissons l'influence de Descartes, mais, bien plutôt, parce que nous pensons selon les mêmes schémas que lui.
Le corps et l'esprit - Problèmes cartésiens, problèmes contemporains. Ed. des archives contemporaines, Paris, 2015.