Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
L’extrême droite en Europe
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- Écrit par : Patrick Juignet
Une montée en popularité de l’extrême droite se produit partout en Europe. En arrière-plan, se profile la stagnation économique européenne, qui se traduit par une baisse de pouvoir d’achat qui est minimisée. L’autre difficulté, l’immigration, est mise au premier plan par ces partis qui en ont fait leur cheval de bataille. Ce thème rencontre une large adhésion populaire.
L’immigration n’est pas envisageable d’un bloc. Il faut bien distinguer l’arrivée de personnes d’autres pays, d'avec la question de la différence culturelle. Ce qui pose véritablement un problème, c’est la différence culturelle et le refus d’intégration par adhésion à la culture et aux mœurs des pays d’accueil. Assurément, si les immigrés se fondaient dans le pays d’accueil, ils passeraient inaperçus et le problème ne se poserait pas, ou faiblement.
Cette absence ou insuffisance d’assimilation/intégration a été constamment déniée. Face au déni tôt ou tard la réalité se manifeste. C’est moins le flux migratoire que l’intégration et l’adhésion des migrants à la culture des pays d’accueil qui provoque des difficultés. La population qui en souffre se tourne de façon rationnelle vers les partis politiques qui en tiennent compte.
Une éthique humaniste conduit à une posture d’accueil. Cependant, elle n'impose en rien un déni des problèmes, ni d’avoir à subir une remise en cause de mœurs et de valeurs, elles aussi humanistes : égalité des sexes, laïcité, démocratie. L’éthique, demande à hiérarchiser et à harmoniser les valeurs. Le besoin d’identité culturelle, les acquis civilisationnels européens, sont légitimes et de plus permettent une cohésion sociale.
L’atteinte répétée à l’identité et aux valeurs se paye aujourd'hui par une réaction populaire contre l'inaction politique. Elle profite aux partis qui prétendent répondre au problème posé. Par ailleurs, ces partis prônent un nationalisme et un autoritarisme, dont les conséquences nocives ne sont pas perçues.
La Suède est à cet égard exemplaire. Elle est restée longtemps un pays homogène sur le plan ethnique et culturel, ouverte aux étrangers. La social-démocratie suédoise a réussi à créer une société la plus égalitaire possible en encadrant l’économie libérale du pays. Cela a permis un bon développement économique et de faibles différences de classe. L'attitude accueillante envers les migrants a durée une longue période.
Cependant, la politique suédoise a nié les effets sociétaux négatifs causés par cette immigration massive. En septembre 2022, une coalition de droite a gagné les élections suédoises avec le soutien d’un parti d’extrême droite. La Suède pratique depuis la politique migratoire parmi les plus restrictives d’Europe.
Mathématisation de la nature ou du temps ?
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- Écrit par : Patrick Juignet
Après Zénon, Platon et Aristote s’étaient attaqués à l’énigme du mouvement. C’est au XVIIe siècle seulement qu’on put enfin la résoudre. Peut-on, comme Koyré, ramener cette Révolution scientifique à la mathématisation de la nature ? Archimède avait déjà mathématisé la statique, mais pour passer à la dynamique, il fallait étendre ce formalisme au temps. Cela nécessitait le développement préalable de nouveaux concepts physiques, en particulier l’inertie.
Quelles furent, dans ce processus, les contributions respectives de Copernic, Kepler, Galilée et Newton, et d’un philosophe comme Descartes ? La conscience des heures égales, qui avait accompagné la diffusion des horloges mécaniques, a-t-elle joué un rôle dans la décision de prendre le temps comme variable ? Cette science moderne est-elle d’origine chrétienne, comme le prétendent Kojève et tant d’auteurs ? Qu’en est-il du monde arabe, de la Chine ?
Ces interrogations soulèvent bien des débats. En analysant le rôle fondamental, mais aujourd’hui encore méconnu, de la période hellénistique dans la genèse de la science moderne, et en réexaminant la découverte du principe d’inertie ainsi que sa relation au temps, l'ouvrage La mathématisation du temps De la science hellénistique à la science moderne entend proposer une vision plus juste de la Révolution scientifique. L'essai de Jean-Pierre Castel et Jean-Claude Simard met en évidence son origine hellénistique, archimédienne, puis marchande, via notamment le temps des marchands. Il réfute en conséquence la thèse de son origine chrétienne, thèse qui a pourtant pignon sur rue, tant chez les théologiens que chez les philosophes, les historiens, voire les psychanalystes, et même chez certains scientifiques contemporains.
Les auteurs remettent en cause la caractérisation habituelle de la Révolution Scientifique par la mathématisation de la nature. En effet, Euclide avait déjà mathématisé l’espace et Archimède les masses. Pour passer de la statique à la dynamique, c’était cette fois-ci non pas la nature, mais le temps qu’il fallait mathématiser. Or une nouvelle conception du temps, un temps laïcisé, abstrait et uniforme, avait émergé dans les cités marchandes médiévales, concomitamment avec l’invention de la diffusion des horloges mécaniques. La découverte par Galilée du principe d’inertie avait alors fourni, via les mouvements inertiels, l’étalon d’un temps dès lors mesurable, et donc mathématisable.
Castel Jean-Pierre Simard Jean-Claude, La mathématisation du temps De la science hellénistique à la science moderne, Vrin / Presses de l’Université Laval – 2024.
Les coulisses du Monde
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- Écrit par : Patrick Juignet
La Terre plate est entourée de la sphère céleste sur laquelle se meuvent le Soleil, la Lune et les étoiles. Un homme s'aventure et passe la tête au-delà de la sphère céleste. Si la Terre est plate et enserrée dans une sphère, il y a une jonction des deux. Sur ce cercle de jonction, on pourrait aller voir derrière. Le dessin montre dans cet arrière monde des mécanismes, des tourbillons, des nuages, assez simples et étagés selon des sphères. Cet arrière simplifié s'oppose au concret foisonnant et divers du monde terrestre et de la voute céleste. Passant outre une cosmologie datée, on peut penser que cette image illustre la curiosité de l'Homme qui veut aller au-delà des apparences visibles et constatables. On peut supposer que le téméraire pèlerin regarde au-delà de l'Univers connu dans les coulisses du Monde.
Max Weber sur le champ de bataille des Sciences de la culture
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- Écrit par : Patrick Juignet
Occupant une place éminente dans le panthéon contemporain des sciences sociales, Max Weber ne cesse de faire l’objet d’appropriations contradictoires qui tendent à décontextualiser ses recherches. L'article de Max Weber Qu'est-ce que les sciences de la culture ? permet ainsi de replacer la réflexion de Weber dans les débats de son temps. Ce texte publié en plusieurs parties entre 1903 et 1906, qui est contemporain de L’Éthique protestante et L’esprit du capitalisme, montre comment un sujet qui pourrait sembler uniquement technique – la méthode spécifique des sciences de la culture – est indissociable d’enjeux académiques et politiques beaucoup plus larges.
Conférence : Max Weber sur le champ de bataille des sciences de la culture par Wolf Feuerhahn
Le mardi 11 juin, 18h - 19h15
En ligne, lien accessible à tous :
https://cnrs.zoom.us/j/93052422028?pwd=TkZGV0FONDgzSjZNeUQvMUFuQjR1dz09
ID de réunion: 930 5242 2028
Code secret: f468zV
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