Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
Anomie et idéologie
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- Écrit par : Patrick Juignet
La notion d'anomie, utilisée par le sociologue Émile Durkheim, désigne la situation qui survient lorsque les règles sociales sont incompatibles entre elles ou qu'elles sont minées par les changements économiques et idéologiques en cours.
Dans son ouvrage De la division du travail social et le Suicide, Émile Durkheim considère l'anomie comme une pathologie sociale. Cette idée de pathologie sociale est intéressante ; elle contraste avec le relativisme que l'on a vu se développer ensuite en sociologie. Le terme de pathologie note quelque chose de défavorable, qui produit une souffrance individuelle et un dysfonctionnement collectif. Autrement dit fonctionnement et dysfonctionnement social ne sont pas considérés comme équivalents, même si Durkheim revendique une neutralité axiologique pour la sociologie.
Le réductionnisme en psychiatrie
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- Écrit par : Patrick Juignet
Le motif principal du réductionnisme en psychiatrie vient de l’impossibilité de penser de manière rationnelle l’esprit, ou le psychisme, ou le mental, etc, quelle que soit l’appellation. En conséquence, on ne s’occupera que des dysfonctionnements neurobiologiques et le reste sera considéré comme secondaire. Cette approche se concentre sur le cerveau et ses processus biochimiques pour comprendre et traiter les conduites pathologiques et maladies mentales.
Pour le matérialisme tous les phénomènes, y compris la conscience et les troubles mentaux, peuvent être expliqués par des processus physiques et chimiques. Selon cette vue, comprendre le cerveau au niveau moléculaire et génétique serait suffisant pour expliquer tous les aspects de la santé mentale. Accessoirement, le modèle réductionniste semble cadrer avec l'approche médicale traditionnelle des maladies, où la cause biologique est identifiée puis traitée spécifiquement. Mais ceci est une illusion, car dans la médecine organique la chaine causale entre la lésion et le symptôme est démontrée, ce qui n'est pas le cas en psychopathologie dans de nombreuses circonstances. A contrario, on peut montrer l’existence d’un niveau cognitif et représentationnel, et de manière plus large du psychisme, de façon rationnelle et argumentée. Cela sans faire appel ni à l’esprit, ni à une quelconque substance immatérielle !
Voir l'article : Ontologie du cognitif
La confusion sémantique, arme idéologique
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- Écrit par : Patrick Juignet
Idéologie n’est pas philosophie. L'idéologie opère, entre autres, par la corruption du langage. Nathalie Heinich note qu’elle opère par « entrisme sémantique, grâce auquel des mots à la connotation éminemment progressiste sont détournés vers des causes qui le sont beaucoup moins ».
Comme l’écrit Samuel Fitoussi, « la confusion sémantique – celle que dénonçait Orwell en 1946 – permet à des idées régressives, empaquetées dans des mots positivement connotés, de se déguiser en combats apolitiques et universels, de gagner du terrain grâce aux idiots utiles bien intentionnés. Et au wokisme de s’institutionnaliser, jusqu’à se confondre avec la neutralité » (S. Fitoussi, Woke fiction. Comment l’idéologie change nos films et nos séries, Le Cherche-Midi, 2023, p. 322).
Par exemple, Nathalie Heinich indique qu’il faut se méfier désormais du mot diversité, « car au-delà de sa connotation sympathique, ouverte, accueillante, il signifie de fait l’imposition d’une vision communautariste de la citoyenneté, où les individus doivent être traités en tant que membres d’une « communauté » et non pas comme membres d’une nation, voire de la commune humanité ».
Fait suite, dans son article « L’entrisme sémantique du wokisme », l’analyse fine d’une liste des mots détournés de leur signification à des fins idéologiques.
Heinich, Nathalie. L’entrisme sémantique du wokisme. 2023. Télos. https://www.telos-eu.com/fr/societe/culture/lentrisme-semantique-du-wokisme.html
Max Weber sur le champ de bataille des Sciences de la culture
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- Écrit par : Patrick Juignet
Occupant une place éminente dans le panthéon contemporain des sciences sociales, Max Weber ne cesse de faire l’objet d’appropriations contradictoires qui tendent à
décontextualiser ses recherches. L'ouvrage intitulé Qu'est-ce que les sciences de la culture ? offre la traduction de son premier texte épistémologique, inédit en français, accompagnée de documents et de correspondances, et permet ainsi de replacer la réflexion de Weber dans les débats de son temps. Cet article publié en plusieurs parties entre 1903 et 1906, exactement contemporain de L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, montre comment un sujet qui pourrait sembler uniquement technique – la méthode spécifique des sciences de la culture – est indissociable d’enjeux académiques et politiques beaucoup plus larges.
Loin d’être simplement un partisan d’une sociologie « compréhensive » opposée à l’« explication », Weber fait de la compréhension des motivations des agents sociaux une modalité de l’explication causale. Surtout, à travers sa promotion de l’expression « sciences de la culture » (Kulturwissenschaften), il ne se contente pas de garantir une spécificité à ces sciences : il se saisit d’une question toujours très brûlante, celle de la « signification culturelle » du capitalisme, c’est-à-dire de la transformation de l’homme par le mode de fonctionnement de l’économie.
Conférence : Max Weber sur le champ de bataille des sciences de la culture par Wolf Feuerhahn
Le mardi 11 juin, 18h - 19h15
En ligne, lien accessible à tous :
https://zoom.us/j/91499905360?pwd=VC9VM0tzQm1xMEFNcHdELytSQ0I3UT09