Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
Changement climatique
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- Écrit par : Patrick Juignet
En 2017 la revue Bio Science a alerté sur la dégradation de l’environnement. Cette alerte se fondait sur neuf indicateurs mondiaux, dont l'évolution a été suivie de 1960 à 2016. Les résultats sont les suivants :
Le point positif est que le taux d'ozone stratosphérique a diminué grâce au protocole de Montréal (1987). Pour le reste :
- Les ressources en eau douce par habitant ont été divisées de moitié par rapport à 1960.
- Les limites d'une pêche soutenable sont dépassées depuis 1992.
- Les zones maritimes mortes ont augmenté en nombre.
- De grandes superficies forestières ont été perdues entre 1990 et 2015.
- Les espèces vertébrées ont diminué de 58% entre 1970 et 2012.
- Après une courte stabilisation, une nouvelle hausse des émissions de CO₂ a lieu.
- Nous vivons les années les plus chaudes parmi celles connues.
- Les humains pourraient être environ 11 milliards en 2100.
Depuis 2017, tout s’est aggravé sauf le taux d'ozone qui reste bas. Bien que cela soit maintenant connu et reconnu, les actions pour endiguer la dégradation de l’environnement sont très insuffisantes. La raison en est la puissance de la « mégamachine » évoquée dans l’article précédent. L’impossibilité de la freiner conduit à une modification de l’écosystème, dont on voit bien qu’il va provoquer des bouleversements dans la biosphère et dans le climat.
La mégamachine
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- Écrit par : Patrick Juignet
Le livre La fin de la mégamachine retrace les origines et le développement d’un système à la fois technique, économique et politique que Fabian Scheidler appelle la « mégamachine ». Il propose un grand récit socio-anthropologique éclairant.
À l’origine de la mégamachine, l’auteur place la volonté de domination. Cette volonté porte sur l’Homme, sur la matière, et plus généralement sur la nature. On la trouve présente depuis l’Antiquité jusqu'à la période moderne. Elle s’appuie sur le pouvoir physique fondé sur de la violence, le pouvoir socio-économique qui enrôle et dompte (en particulier au moyen de la dette) et le pouvoir idéologique qui légitime l’asservissement. Ces contraintes engendrent une quatrième tyrannie, la tyrannie de la pensée linéaire, c’est-à-dire l’idée d’une relation entre une cause et un effet unique et prévisible, à la manière d’un ordre donné. Ces quatre tyrannies forment les briques de base de la mégamachine.
Ce système produit une accumulation de marchandises au prix de la destruction de l’environnement. Des richesses inouïes côtoient la grande pauvreté, des salariés accablés de travail sont face à des désœuvrés misérables. C’est la conséquence de la gigantesque machinerie économique qui entraîne hommes, matières et animaux dans une course productiviste sans finalité établie.
Le livre de Fabian Scheidler montre comment ce ne sont pas la quête du savoir, l’amour du prochain, la joie de la découverte qui façonnent la trajectoire historique que nous suivons, mais la recherche du profit, l’attrait du pouvoir, la volonté d’asservir. Il fait ressortir la barbarie de la modernité, pour les humains comme pour la nature.
La mégamachine semble tantôt construite selon un plan, tantôt apparaît comme la propriété émergente du réseau des interactions en cours. Le caractère implacable de son développement absurde est bien mis en évidence. L’auteur met en évidence la puissance d’expansion de la mégamachine, sa capacité à se réinventer et à persévérer, quelles que soient les crises qu’elle traverse.
Schneider dénonce un système fondé sur le pillage qui s’est diffusé dans le monde entier. Ce système serait masqué par le mythe de la civilisation occidentale qui prône le progrès, la paix, et valorise le savoir, la culture et la liberté. Cette analyse post-moderne des valeurs humanistes comme masque de la barbarie est contestable. Qu'elles aient pu être utilisées de cette manière est un détournement.
L'humanisme et le libéralisme politique sont les seuls remèdes que nous ayons contre les idéologies qui prônent la force contre le droit, la tyrannie contre la démocratie, l’asservissement contre la liberté. L'humanisme et les Lumières ne sont pas un mythe ! Ce sont des doctrines philosophiques qui peuvent servir d'antidote à la barbarie.
Scheidler Fabian, La fin de la Mégamachine, Sur les traces d’une civilisation en voie d’effondrement, Paris, éditions du Seuil, 2020.
Un Homme pluridimensionnel dans un Univers pluriel ?
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- Écrit par : Patrick Juignet
Une ontologie pluraliste permet de considérer l'Homme en continuité avec l'Univers qui l'entoure. Le pluralisme des niveaux d'organisation permet de penser les capacités intellectuelles humaines en dehors de toute hypothèse métaphysique. Entre les deux niveaux candidats, neurobiologique et cognitif, susceptibles de générer les faits intellectuels, plusieurs arguments plaident en faveur du second. En effet, les caractéristiques connues du neurobiologique ne semblent pas propres à expliquer les faits considérés. De plus, les propositions réductionnistes biologisantes, pour justifier leurs thèses, appauvrissent trop la réalité humaine pour être crédibles. L'argument de simultanéité entre activité neurobiologique et activité cognitive ne vaut pas démonstration de détermination de l'un par l'autre, mais seulement de dépendance.
L’hypothèse ontologique d’un niveau d’organisation de complexité supérieure à celle du niveau neurobiologique n'est pas certaine, mais elle est plausible. Cette proposition évite les deux positions antagonistes prises eu égard aux capacités intellectuelles humaines : soit leur surélévation transcendante (métaphysique), soit leur réduction matérialiste au fonctionnement du cerveau. Avec l'hypothèse d'un niveau cognitif, on évite d'avoir à supposer l'existence de l'esprit comme substance autonome ou sa survenance sur la matière. On débouche sur un problème qui peut trouver une solution, celui de l'émergence d'un niveau d'organisation à partir du niveau neurobiologique. Accepter l'existence d'un niveau cognitif c'est changer de paradigme concernant l'Homme. La question pertinente n'est plus celle des rapports entre le corps et l'esprit, mais celle de l'émergence (ou pas si on la conteste), d'un mode d'organisation spécifique qui explique les capacités à connaître, penser, vouloir, se représenter, agir, et parler, de l'Homme.
Le dualisme est la résultante intuitive de l'expérience spontanée. Beaucoup d'hommes se considèrent selon la dualité corps-esprit et agissent en conséquence. Il y a bien dans la réalité des pratiques corporelles et spirituelles qui existent. Dans ce cas comme dans d'autres, penser rationnellement en tenant compte des acquis scientifiques, c'est penser contre l'évidence intuitive et l'expérience commune ; mais sans pour autant prétendre la supplanter, car elle s'impose de toutes les façons dans la vie courante.
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