Philosophie et actualité
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- Écrit par : Patrick Juignet
Selon John Locke, les idées correspondent à « tout ce qui est l’objet de notre entendement lorsque nous pensons ». Les idées s’interposent-elles entre l’esprit et l'environnement concret (notre perception des choses étant biaisée par les idées), ou correspondent-elles à la manière dont les objets extérieurs apparaissent à notre esprit ? Dans le premier cas, notre entendement est faussé par les idées, car nous ne pouvons pas vérifier leur ressemblance avec l'environnement concret. Inversement, si les idées correspondent à la manière dont les choses se présentent à notre esprit, elles sont une source fiable d'information. Dans le premier cas, un doute sceptique s'installe et dans le second cas c'est l'option empiriste qui prévaut : il existe un environnement concret extérieur à notre esprit et la perception nous permet de le connaître.
Philippe Hamou distingue divers emplois du mot idée, terme dont l'acception est réputée très floue chez Locke. Il distingue une définition empiriste (l’idée comme l’effet de l’impression d’un objet sur nos organes sensoriels), une définition sémiotique (l’idée comme signe d’un état du monde), et une définition purement phénoménale (l’idée comme état de conscience, manière d’être affecté).
Les sept articles d'auteurs différents réunis dans l'ouvrage proposent un débat sur Locke et son Essai sur l'entendement humain autour du thème idées, perception et réalité. Ils articulent l'approche historique et contextuelle, qui vise à restituer l’intention philosophique de Locke avec une approche qui pose le problème en général. L'histoire n’exclut pas la prise en compte de la logique interne des problèmes et les auteurs montrent que l'on peut articuler reconstruction historique et reconstruction rationnelle.
Philippe Hamou, Idées, perception et réalité. Essais sur Locke, Ithaque, Paris, 2021.
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- Écrit par : Patrick Juignet
L’épisode du jour (20 minutes de dialogue) du podcast produit par Iris Deroeux est dédié à la testostérone, une hormone associée à des comportements masculins voire virils est convoquée pour expliquer l’agressivité, l’appétit sexuel, ou encore la compétition.
Pour comprendre ce qu’est la testostérone, ce qu’on en sait vraiment par delà l'opinion, comment elle influence nos corps et nos comportements, la neurobiologiste Catherine Vidal apporte des informations sérieuses. Elle tempère l'idée d'un déterminisme biologique hormonal et, en négatif, montre l'idéologie qui en exagère l'importance.
Un podcast produit par The Conversation France
Écoutable ici : https://play.acast.com/s/les-mots-de-la-science/t-comme-testosterone
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- Écrit par : Patrick Juignet
La notion de Nature est au programme du baccalauréat 2021. Fanny Bernard, professeure de philosophie au lycée Jean-Jacques Rousseau de Sarcelles propose un sujet de dissertation possible pour l'épreuve de philosophie : La nature est-elle une illusion ? Elle le traite dans Les chemins de la philosophie sur France Culture.
Sa proposition de plan est la suivante:
I - Certes, la nature est une réalité évidente
- Opposition nature / artifice (référence à Aristote)
- La nature comme cosmos harmonieux finalisé dans lequel chaque être trouve sa place (référence à Marc-Aurèle)
- La nature humaine : la nature est universelle, par opposition au culturel qui est relatif et particulier (référence à Lévi-Strauss)
II - Mais le concept de nature, cette évidence, est une construction culturelle
- Ce qui nous apparaît comme naturel est en réalité culturel chez l'être humain (référence à Simone de Beauvoir)
- Le mythe de la wilderness : la nature sauvage est inventée par les colons de l'Amérique (référence à Callicott)
- Il y a de la culture dans ce qu'on nomme nature (référence à Dominique Lestel)
III - Donc la nature séparée de l'être humain est une illusion, mais il existe bien une dynamique du vivant qui nous permet de penser l'écologie
- Le dualisme nature/culture est contingent et relatif (référence à Philippe Descola)
- Le “vivant” à la place de la “nature” (référence à Darwin)
- Contre le mythe paternaliste de la nature fragile (référence à Baptiste Morizot)
Écouter le podcast : https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/les-chemins-de-la-philosophie-emission-du-mardi-25-mai-2021
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- Écrit par : Super User
Alors que des crises sanitaires, environnementales, sociales et économiques se succèdent, la parole et les connaissances de scientifiques sont mises en avant dans la légitimation des décisions politiques tout en étant souvent remises en cause dans l’espace public ainsi que sur les réseaux sociaux. Les discours et les pratiques des scientifiques peuvent apparaître instrumentalisés, mal-compris ou inappropriés, selon les contextes.
Désireux d’être utiles, de nombreux membres de la communauté académique s’impliquent sur des sujets de recherche en relation avec des enjeux sociaux. Parallèlement, le pilotage des recherches scientifiques vers les « bons » sujets par des outils incitatifs (financement, postes ciblés), coercitifs (menace d’enquête) ou dissuasifs (sous-financement) se développe. Si l’on considère que l’autonomie des chercheurs est la condition de l’objectivité des faits scientifiques, comment l’articuler avec leur responsabilité sociale et les besoins collectifs de nos sociétés ?
Comment se constituent aujourd’hui les nouveaux savoirs qui allient des communautés scientifiques avec la participation d’individus ou de collectifs extérieurs au monde académique ? Que peuvent dire et faire les différentes sciences, et les scientifiques, qui soit pertinent pour interroger ou résoudre les problèmes contemporains ? Comment sont repris certains savoirs scientifiques impliqués dans des controverses sociales et politiques alors que d’autres passent inaperçus ?
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- Écrit par : Patrick Juignet
Ce qu’on nomme aujourd’hui, en français, « les Lumières » est un objet historiographique complexe au sein duquel se conjuguent l'idéologie, la philosophie, la littérature et l’histoire. Il faut aussi tenir compte de la diversité des langues, des institutions et des sociétés dans lesquelles se sont déclinées les Lumières (Enlightenment, Aufklärung, Illuminismo, etc.).
Un nouveau livre historique de qualité sur l'époque des Lumières nous est proposé, c'est L’héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité, écrit par Antoine Lilti.
Pourquoi les Lumières nous interpellent-elles ? C'est qu'elles évoquent un moment flamboyant de l'histoire des idées qui contraste avec notre époque blasée (issue de la déconstruction post-moderne), marquée par une remontée des religions, de l'ignorance et de l'irrationalité.
« Lumières », « Enlightenment », « Aufklärung », « illustracion» , « Illuminismo », ces termes désignent un vaste mouvement culturel présent en Europe au cours du XVIIIe siècle, dont les historiens contemporains ont voulu montrer la diversité. La diversité des transformations du XVIIIe siècle, pourrait faire perdre de vue l'aspect philosophique, qui a fait postérité et reste intéressant pour nous ; ce qui fait que « ce XVIIIe siècle est encore parmi nous et travaille en nous » disait Alphonse Dupont.
L'auteur nous aide à caractériser les Lumières de façon synthétique. Même si c'est une façon un peu simple de procéder, elle est importante à un moment où les principes avancés par la philosophie des Lumières disparaissent de l'idéologie contemporaine. Listons ces valeurs et principes, que nous rappelle Antoine Lilti : - autonomie fondée sur la raison - tolérance et droits de l’homme - liberté individuelle - modération - justice - liberté d’expression - émancipation adossé à la diffusion du savoir - optimisme réformateur et foi dans le progrès - critique des préjugés et des conventions - prestige de la science - humanisme cosmopolite.
L’auteur aborde son sujet au travers de trois thèmes : l’Universalisme, la Politique et la Modernité. Il évoque dans l'Introduction divers problèmes épistémologiques, dont nous ne retiendrons que celui de l’historicisme :
« Pour certains, les Lumières représentent un ensemble de valeurs et de concepts […] pour d’autres, en revanche, les Lumières […] ne peuvent être comprises qu’au regard des transformations historiques ».
On trouve, au sujet des Lumières, le reproche infondé d’historicisme, supposant que l’approche rationnelle et l’approche historique de la pensée seraient exclusives. Or, on peut admettre que l’évolution civilisationnelle et culturelle fasse apparaître des principes, qui peuvent - aussi - être jugés rationnellement et évalués pour eux-mêmes. Rapporter la pensée à une époque et à sa culture n’exclut pas de juger de son intérêt et de sa valeur. Ce que résume Antoine Lilti : « ces deux conceptions ne peuvent s’émanciper l’une de l’autre ».
Lilti A., L’héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité, Paris, EHESS Gallimard Seuil, 2019.