Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
Un Homme pluridimensionnel dans un Univers pluriel ?
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- Écrit par : Patrick Juignet
Une ontologie pluraliste permet de considérer l'Homme en continuité avec l'Univers qui l'entoure. Le pluralisme des niveaux d'organisation permet de penser les capacités intellectuelles humaines en dehors de toute hypothèse métaphysique. Entre les deux niveaux candidats, neurobiologique et cognitif, susceptibles de générer les faits intellectuels, plusieurs arguments plaident en faveur du second. En effet, les caractéristiques connues du neurobiologique ne semblent pas propres à expliquer les faits considérés. De plus, les propositions réductionnistes biologisantes, pour justifier leurs thèses, appauvrissent trop la réalité humaine pour être crédibles. L'argument de simultanéité entre activité neurobiologique et activité cognitive ne vaut pas démonstration de détermination de l'un par l'autre, mais seulement de dépendance.
L’hypothèse ontologique d’un niveau d’organisation de complexité supérieure à celle du niveau neurobiologique n'est pas certaine, mais elle est plausible. Cette proposition évite les deux positions antagonistes prises eu égard aux capacités intellectuelles humaines : soit leur surélévation transcendante (métaphysique), soit leur réduction matérialiste au fonctionnement du cerveau. Avec l'hypothèse d'un niveau cognitif, on évite d'avoir à supposer l'existence de l'esprit comme substance autonome ou sa survenance sur la matière. On débouche sur un problème qui peut trouver une solution, celui de l'émergence d'un niveau d'organisation à partir du niveau neurobiologique. Accepter l'existence d'un niveau cognitif c'est changer de paradigme concernant l'Homme. La question pertinente n'est plus celle des rapports entre le corps et l'esprit, mais celle de l'émergence (ou pas si on la conteste), d'un mode d'organisation spécifique qui explique les capacités à connaître, penser, vouloir, se représenter, agir, et parler, de l'Homme.
Le dualisme est la résultante intuitive de l'expérience spontanée. Beaucoup d'hommes se considèrent selon la dualité corps-esprit et agissent en conséquence. Il y a bien dans la réalité des pratiques corporelles et spirituelles qui existent. Dans ce cas comme dans d'autres, penser rationnellement en tenant compte des acquis scientifiques, c'est penser contre l'évidence intuitive et l'expérience commune ; mais sans pour autant prétendre la supplanter, car elle s'impose de toutes les façons dans la vie courante.
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Une philosophie d’enseignement et d’érudition
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- Écrit par : Patrick Juignet
Une partie de la philosophie contemporaine consiste à exposer les travaux des auteurs du passé considérés comme importants. C’est la forme majeure de l’enseignement de la philosophie en France. Cette façon de philosopher donne une pensée érudite qui prend la forme d'articles savants, très référencés, montrant les influences des auteurs entre eux, ou bien d'exposés didactiques à usage de étudiants.
Dans ce cadre, la philosophie est l’une des formes de la culture savante qui a pour intérêt de former la pensée, perpétrer le savoir, apporter des outils conceptuels. Ce savoir est indispensable, car personne ne peut prétendre réinventer plusieurs millénaires de réflexion. Cette étude produit un enrichissement intellectuel.
Cette manière de philosopher suscite toutefois une critique : les contradictions se côtoient sans que la validité du savoir soit interrogée et sans qu’un progrès ou une synthèse s’accomplisse. On en reste à la juxtaposition du divers. Chaque auteur est exposé comme s’il détenait la vérité, comme s’il était seul au monde, sans contextualisation épistémique et sans une argumentation critique qui relativise son travail.
Cette philosophie d’enseignement de d’érudition s’édifie selon une reprise discursive organisant un passage continu d'auteur en auteur, ce qui pose un problème important. Ces auteurs appartiennent au passé et sont connus par des textes traduits et retranscrits. Cette philosophie est donc toujours une histoire de la philosophie et devrait en tenir compte, ce qui n’est pas toujours le cas.
Assez souvent, elle néglige les différences de contexte, de langage, les ruptures culturelles et propose un vaste dialogue transhistorique. L’absence de périodisation, qui situerait l’auteur dans son épistémè et dans son époque, avec ce qu'elles ont de spécifiques, mène à des fictions savantes ré-interprétatives vis-à-vis desquelles on peut avoir une réticence.
Une pensée, pour être vraiment ressaisie, doit être restituée au sein des débats qui l’ont fait naître. Une idée prend sens au sein d’un contexte conceptuel et langagier qu’il faut restituer, sauf à l’interpréter faussement et aléatoirement. De plus, les idées ne doivent pas être données telles qu’elles, supposément vraies ou éternelles, sans être évaluées. Toute argumentation peut être considérée par elle-même et critiquée.
Les deux méthodes sont complémentaires. La relativisation au contexte, indispensable pour bien comprendre les idées des auteurs, n'empêche pas de réfléchir à la rationalité et au bien-fondé d'une doctrine. Toutes deux s’opposent à l’exposé intemporel des idées considérées comme des étoiles brillant au firmament des idéalités éternelles.
Évolution de la physique
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- Écrit par : Patrick Juignet
Une théorie physique, même satisfaisante, n’est pas définitive, car elle n'explique pas tout. Par exemple, la loi de Newton, qui reste valide de nos jours, n'explique pas à elle seule la trajectoire de Mercure (observée expérimentalement). Le problème a été résolu avec l’ajout d’une nouvelle théorie, plus générale, celle de la relativité proposée par Albert Einstein.
La physique des particules cherche à comprendre l'organisation (structures et relations) des composants élémentaires de l'Univers. Développée dans la seconde moitié du XXe siècle, le « modèle standard » est considéré comme valide. Il décrit l’électromagnétisme et les interactions nucléaires faible et forte qui relient toutes les particules subatomiques connues. Le modèle standard divise les particules élémentaires en familles : bosons de jauge, boson de Higgs, quarks et leptons ; et donne les relations entre leurs masses et la force des interactions entre elles (dites « couplages »). Le modèle standard repose sur une vingtaine de paramètres libres, en particulier les masses des constituants (dont celle du boson W), ainsi que les « couplages » entre ces constituants, c’est-à-dire leurs propensions à interagir entre eux. Ce modèle est une construction théorique qui ne donne pas les valeurs de ces paramètres (c’est le travail des expérimentateurs de les mesurer), mais il impose des relations entre elles. De multiples tests ont validé les prédictions.
Depuis la découverte annoncée en 2012 du boson de Higgs au grand collisionneur du CERN, on jugeait le modèle standard arrivé au statut de théorie fiable. Mais un nouveau résultat expérimental concernant la masse du boson W vient d’être annoncé par le laboratoire Fermilab situé près de Chicago. La nouvelle valeur diffère significativement des mesures précédentes ainsi que des prévisions du modèle standard des particules. La particule élémentaire concernée ici, le boson W, fait partie de la famille des « bosons de jauge », les particules qui « transmettent » trois des quatre interactions fondamentales de l'Univers (forces électromagnétiques, forces d'interaction forte et faible). La nouvelle mesure de la masse du boson W, si elle se confirme, devrait faire évoluer la théorie standard.
Cette incessante évolution donne à penser que la science est une connaissance qui cherche à être la plus adéquate possible au réel mais qui, du fait de la complexité de ce dernier, y réussit difficilement et doit sans cesse évoluer.