Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
L’ignorance en sciences
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- Écrit par : Patrick Juignet
Au plus simple, on peut définir l’ignorance comme l’absence de savoir.
L'ignorance, si elle est consciente d'elle-même, peut être le point de départ d'une enquête scientifique. Mais elle n'est jamais suffisante. Il faut qu'elle s'accompagne d'une volonté et d'une possibilité de connaitre. Le chercheur identifie un domaine vis-à-vis duquel le savoir est pauvre ou inexistant, ce qui l'amène, le cas échéant à entreprendre une recherche. Cette forme d'ignorance est partielle, car il faut quand même arriver à désigner ce qui est inconnu, et donc en avoir une prescience.
L'ignorance peut être systématique, car certains domaines ne sont pas intégrés ou pas intégrables dans les cadres conceptuels, méthodologiques ou institutionnels de la science en cours. C'est le résultat de limitations dans les approches de recherche, de biais dans la sélection des sujets étudiés, ou encore de contraintes financières ou éthiques qui limitent les questions pouvant être posées. Sur un plan cognitif, l'absence de recherche peut venir du refus de la nouveauté, de l'impossibilité d'envisager ce qui contredit le paradigme accepté.
L'ignorance peut aussi concerner un savoir existant dans un domaine scientifique donné. La raison principale de l’ignorance est alors l’absence de transmission du savoir. S’interroger sur l’absence de transmission d’un savoir inexistant est absurde et sur l’absence de transmission d’un savoir inutile et périmé est de peu d’intérêt. Par contre, il est important, du point de vue de l'évolution des sciences et de la préservation de leur qualité, de comprendre pourquoi certains savoirs utiles, tombent dans l’oubli ou deviennent marginaux.
La biologisation de la psychiatrie
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- Écrit par : Patrick Juignet
Une nouvelle approche en psychiatrie se développe, dénommée Research Domain Criteria. Elle repose sur le présupposé selon lequel les maladies mentales seraient des maladies du cerveau. Cette thèse réductionniste ramène la psychiatrie à une neuroscience. Les RDoC sont en principe compatibles avec le pluralisme explicatif. Cependant, le point de vue réductionniste domine et les recherches se cantonnent aux explications biologiques.
C'est ce que note Élodie Gratreau dans ses travaux sur les enjeux épistémologiques du projet des Research Domain Criteria (1)
Le présupposé réductionniste est double, d’une part ontologique, et d’autre part explicatif, le premier entraînant le second. Des auteurs ont critiqué comme une erreur logique le passage du réductionnisme ontologique réductionnisme explicatif. Il n'y a pas vraiment d'erreur de raisonnement, car le réductionnisme implique une clôture causale du domaine considéré. Il ne peut donc y avoir d'autres types de causes prises en compte par d'autres disciplines.
Le véritable problème vient du déni de l’existence d’un niveau psycho-cognitif chez Homme pouvant jouer un rôle dans les troubles mentaux. Si le support neurobiologique est d’évidence nécessaire, il n'est pas démontré à ce jour qu'il soit suffisant pour expliquer les conduites humaines. L'existence d'un niveau psycho-cognitif et représentationnel est plus probable que l'hypothèse inverse (2).
Eugenio Coseriu, au delà du structuralisme
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- Écrit par : Patrick Juignet
Eugenio Coseriu (1921-2002) est considéré comme l’un des plus importants linguistes de la seconde moitié du XXe siècle. Il est principalement connu en tant que structuraliste et linguiste roman, mais son œuvre est beaucoup plus vaste, comprenant une théorie linguistique complète ainsi que des écrits sur un large éventail de questions, allant de la sémantique, de la syntaxe, de la typologie, de la linguistique variationnelle, du changement de langue, de la pragmatique et de la linguistique textuelle au latin vulgaire, à l’histoire de la philosophie du langage et à l’histoire de la linguistique romane.
Cet auteur donne une priorité absolue du langage. Le langage ne doit être rapporté à une autre faculté (entendement, pratique ou artistique). Par le langage l’homme se construit un monde approprié. La logique est postérieure au langage, et donc on ne peut pas construire de sémantique formelle, fondée sur la logique à partir de laquelle on pourrait déduire le langage. Coserius (influencé en cela par Hegel et l'idéalisme Allemand) insiste sur le fait que l’on parle toujours une langue particulière, ce qui s’oppose à l’universalisme linguistique.
La pensée de Coserius est fondée sur des principes philosophiques solides. Il a aussi bénéficié de cultures académiques diversifiées. Son œuvre nous est présentée par Johannes Kabatek dans un livre rédigé en anglais et intitulé : Eugenio Coseriu. Beyond Structuralism. C'est la première monographie complète sur Eugenio Coseriu. Son objectif est de servir d'introduction à l'ensemble de son œuvre et de sa pensée.
Kabatek J., Eugenio Coseriu. Beyond Structuralism. Berlin, De Gruyter, 2023.