Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
Une philosophie utile à la science
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- Écrit par : Super User
Une connaissance du contexte historique et philosophique confère une indépendance aux préjugés de sa génération, ce dont souffrent la plupart des scientifiques. Cette indépendance créée par la perspicacité philosophique est - à mon avis - la marque de distinction entre un simple artisan ou spécialiste et un véritable chercheur de vérité. (Albert Einstein, Lettre à Robert Thornton, 1944)
En raison du contexte, les scientifiques actuels perçoivent souvent la philosophie comme différente, voire opposée, de la science, alors que la philosophie peut avoir un impact important et productif sur la science.
La contribution de la philosophie prend au moins quatre formes : clarification des concepts scientifiques, évaluation critique d’hypothèses ou de méthodes scientifiques, formulation de nouveaux concepts et théories et promotion du dialogue entre différentes sciences, ainsi qu'entre science et société.
La philosophie et la science partagent les outils de la logique, de l'analyse conceptuelle et de l'argumentation rigoureuse. Cependant, les philosophes peuvent utiliser ces outils avec un degré de minutie, de liberté et d'abstraction théorique que les chercheurs en exercice ne peuvent souvent pas se permettre dans leurs activités quotidiennes.
Dans le contexte scientifique actuel, dominé par une spécialisation croissante et des demandes croissantes de financement et de résultats, seul un nombre très limité de chercheurs ont le temps et la possibilité d'être au courant du travail produit par les philosophes sur la science et encore moins de le lire. Il faudrait mettre en place une collaboration directe institutionnalisée.
L'idée est ancienne. Hermann Helmholtz est l’un des tout premiers à voir dans le criticisme kantien le modèle de ce que doit devenir l’activité philosophique : une activité moins spéculative et beaucoup plus attentive au développement des sciences, avec lesquelles elle doit étroitement collaborer. Il a publié divers articles en ce sens (traduits dans la revue Philosophia Scientiœ). Dans l'ensemble, le néo-kantisme de la fin du XIXe siècle était favorable à une interaction entre philosophie et science.
Why science needs philosophy
Un très utile appel aux Lumières
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- Écrit par : Patrick Juignet
C’est pour lutter contre le pessimisme ambiant que Steven Pinker, professeur de psychologie à Harvard, a écrit son livre Enlightenment Now. Il vient d'être traduit en français par Daniel Mirsky, grâce aux Éditions des Arènes, sous le titre Le triomphe des Lumières. Avec comme sous-titre : pourquoi il faut défendre la raison, la science et l’humanisme ?
Voilà une initiative bien utile en France, pays envahi par le catastrophisme et le scepticisme postmoderne. Chiffres à l’appui, Steven Pinker montre que la santé, la prospérité, la sécurité et la paix sont en hausse dans le monde entier. Ce progrès est un legs du siècle des Lumières animé par des idéaux puissants : la raison, la science et l’humanisme. C’est peut-être le plus grand succès de l’histoire de l’humanité.
Cependant, plus que jamais, ces valeurs ont besoin d’une défense vigoureuse. Le projet des Lumières va à contre-courant de la nature humaine, de ses tendances au tribalisme, à l’autoritarisme et à la pensée magique : autant de biais qui nourrissent les populismes et les dérives religieuses.
Steven Pinker propose ici un plaidoyer pour la raison, la science et l’humanisme. Ces idéaux sont nécessaires pour relever les défis d’aujourd’hui. Le cynisme et le catastrophisme sont dangereux pour la démocratie et la coopération mondiale. Plus que jamais, il faut défendre la raison, la science et l’humanisme, valeurs à opposer à la croyance et à l'ignorance qui connaissent de nos jours un étrange regain. « Enlightenment Now » : oui, nous avons bien besoin !
Pinker S., Le triomphe des Lumières, Paris, Éditions des Arènes, 2019.
Quel usage de la science fondamentale ?
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- Écrit par : Patrick Juignet
Le travail scientifique fondamental n’a pas d'applications techniques immédiates, utilisables dans l’industrie avec un retentissement économique rapide. Mais, il a quand même des effets de ce type à plus ou moins long terme. Donnons des exemples de ce décalage temporel entre les applications et les découvertes initiales.
Albert Einstein a créé des équations pour le laser en 1917, mais ce n’est qu’en 1960 que Theodore Maiman a fait la première démonstration du laser. Isidor Rabi a mesuré la résonance magnétique nucléaire la première fois en 1938. Il a reçu le Prix Nobel de physique en 1944 pour sa recherche, qui a mené à l’invention de l’imagerie par résonance magnétique ou IRM. Mais, le premier examen par IRM sur un patient humain a eu lieu en 1977.
Le dernier prix Nobel de Physique a été décerné en décembre 2018 à Donna Strickland et Gérard Mourou pour des recherches sur les lasers. Les résultats ont changé la façon dont on explique l’interaction des atomes avec la lumière à haute intensité. Cette recherche développée vers 1985 a eu, après une décennie, des applications pratiques dans la découpe fine des matériaux, ce qui a un intérêt en chirurgie ou dans l'industrie
L'idée d'une science fondamentale inutile, car sans sans effets pratiques, est sans fondement. Le vrai problème est ailleurs. C'est celui de savoir quel usage sera fait des techniques découlant des découvertes. Il faut questionner à chaque fois le projet économique et politique pour lequel ces techniques sont utilisées. Se pose aussi le problème des effets sociaux de cet emploi de technologies nouvelles, effets peu prévisibles, le plus souvent déstabilisants. L'utilisation - ou pas - de techniques nouvelles a toujours une dimension économique et sociale ; elle dépend de choix qui sont de nature politique.