Le terme de neutralité axiologique est la traduction française de Wertfreiheit, terme introduit par Max Weber. Le concept wébérien de Wertfreiheit signifie absence de jugement de valeur (l’adjectif wertfrei signifie libre de jugement de valeur). Il a été avancé dans deux conférences prononcées en 1917 et 1919 à Munich.
Julien Freund reprend l’expression axiological neutrality utilisée en 1949 dans la première traduction américaine de l’essai Der Sinn der « Wertfreiheit » der soziologischen und ökonomischen Wissenschaften (« Essai sur le sens de la ‘neutralité axiologique’ dans les sciences sociologiques et économiques ») publié en 1917. Le thème de la neutralité supposée du savant va désormais s’installer durablement, en particulier dans les sciences sociales francophones.
Pour Weber, le chercheur ne doit pas fausser ses données, modifier ses résultats de recherche pour les accommoder à ses propres idéaux normatifs. Modifier les faits n’est pas admissible et ne permet pas d’établir une connaissance fiable. La neutralité éthique de Weber va toutefois beaucoup plus loin : elle interdit l’enseignement, sur la base de travaux de recherche, des jugements de valeur. Pour Weber, le chercheur doit s’en tenir à une description des faits, et éviter les jugements évaluatifs. L’effet immédiat de la neutralité axiologique est d’exiger du chercheur qui soit distant face à toute thèse normative. L’exigence de neutralité de Weber concerne uniquement le domaine académique, comme l’enseignement et la recherche.
Par extension, on peut dire qu'il s'agit d'acquérir une liberté de pensée par rapport aux normes, ou d'une libération eu égard aux opinions sociales et politiques. La neutralité étant spontanément impossible, sa recherche conduit à définir une posture méthodologique. Il s'agit de faire prendre conscience au chercheur en sociologie de l'intervention de ses propres valeurs dans son travail scientifique puis de s'en distancier. Cette posture est la même dans la psychanalyse freudienne. L'exigence d'une analyse préalable, dite didactique, a pour but une distanciation du praticien par rapport à ses propres tendances psychologiques pour les empêcher de biaiser son travail.
L'amélioration de la neutralité dans le domaine des sciences humaines et sociales requiert une plus grande exigence par rapport aux critères scientifiques classiques. Une pratique méthodique objectivante ne suffit pas pour obtenir un bon résultat. Il faut, en plus, contrer activement les biais générés par le chercheur lui-même, car il interagit fortement avec son objet de recherche.
On pourrait souhaiter la même chose dans le domaine philosophique : que le philosophe ait une pleine connaissance des déterminations de sa pensée et s'efforce de s'en distancier.