L'actualité de Keynes
John Maynard Keynes est né en 1883 en Angleterre. Il est l'auteur de la « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », livre majeur pour l'évolution de la doctrine économique. Constatant l'existence de cycles économiques récurrents dans l'économie capitaliste, il a cherché à en analyser les causes et à trouver des remèdes. Ses analyses sont-elles encore d'actualité ?
Pour citer cet article :
JUIGNET, Patrick. L'actualité de Keynes. Philosophie, science et société. 2015. https://philosciences.com/l-actualite-de-keynes.
Plan de l'article :
- 1. Une présentation brève de Keynes
- 2. Ses idées en macroéconomie
- 3. Keynes et la crise de 2008
- 3. Les difficultés de la "relance keynésienne"
- Conclusion : une vision juste à la concurrencer mondiale près
Texte intégral :
1. Une brève présentation de Keynes
L’Anglais John Maynard Keynes reste un auteur controversé. Après une période de gloire durant les années 1950-1970, son apport a été radicalement rejeté par l'école néolibérale. Il s'est attaqué à un problème préoccupant, celui du chômage durable, problème toujours d'actualité en ce début de XXIe siècle.
Fils d’un brillant universitaire et d’une mère dont la forte implication sociale devait faire, à soixante-dix ans, la maire de Cambridge, le jeune Keynes est adoubé par l’un des clubs les plus secrets et élitistes d’universitaires, les Cambridge Apostles. On y combat l’utilitarisme au nom d’une conception esthétisante du "bien" où il croise les philosophes Bertrand Russell et Ludwig Wittgenstein.
Persuadé qu’il faut aider les créateurs à échapper à la loi du marché, il a été l’un des premiers directeurs de l’Arts Council. Mécène, il finance la revue d’avant-garde The Nation and Athenaeum, ancêtre du New Statesman. Côté vie publique, c’est un haut fonctionnaire, recruté très tôt par le Trésor britannique, pour ses compétences exceptionnelles, et l’un des conseillers les plus en vue des décideurs politiques britanniques, lié dans les années 1920 à la gauche du parti libéral.
Suite à la publication de son livre critique Les conséquences économiques de la paix (1919), il devra quitter le Trésor Britannique et se repliera sur son travail universitaire à Cambridge. Durant la Seconde Guerre mondiale, Keynes retrouva sa place au Trésor britannique. Il participa aux négociations qui permirent aux Britanniques d’obtenir l’aide militaire américaine avant même l’entrée en guerre de Washington contre l’Allemagne nazie.
Pendant les trois décennies qui ont suivi la guerre, l'influence de John Maynard Keynes fut certaine. La Grande-Bretagne, les États-Unis, la Suède et la France des Trente Glorieuses suivirent ses principes recettes. La « stagflation », à partir du milieu des années 1970, marqua les limites de la recette keynesienne. Pendant ce temps, le néolibéralisme avait progressé et n'allait par tarder à balayer le keynésianisme.
2. Ses idées en macroéconomie
John Maynard Keynes est considéré comme le fondateur de la macroéconomie avec la publication, en 1936, de La Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie. Dans cet ouvrage, il traite principalement de l’instabilité des grands agrégats et s'intéresse à l’équilibre et aux déséquilibres entre trois marchés liés entre eux : marché des biens, marché du travail et marchés financiers.
Keynes produit une rupture dans le paradigme économique dit « néoclassique » par la prise en compte d'une part, des imperfections de marché (dans la réalité les marchés sont imparfaits et il faut réguler l'équilibre de court terme) et d'autre part, du rôle auto-réalisateur des anticipations et la dimension psychologique des acteurs de l'économie. La synthèse dite néokeynésienne n'a repris de Keynes que les déséquilibres de court terme.
Lecteur de Freud, Keynes a introduit la dimension psychologique dans l'économie. Il a montré qu'il fallait tenir compte de ce que les acteurs économiques ne sont nullement rationnels, mais qu'ils sont mus par leurs passions : la jalousie, le mimétisme, l'envie. Il emploie l'étrange terme "d'esprit animaux". La notion d’esprits animaux est liée à l’incertitude : puisque nous savons très peu de choses de ce qui peut marcher économiquement dans le long terme, nos décisions d’investissement relèvent nécessairement des « esprits animaux », par quoi il entend une impulsion, un besoin spontané d’action.
Selon Keynes, quatre grands principes expliquent le fonctionnement de l’économie :
1 - La demande globale est influencée par de nombreuses décisions, publiques ou privées, dont certaines sont néfastes. Ces défaillances de l’économie de marché doivent conduire les États à adopter des politiques adaptées.
2 - Les prix, et plus particulièrement les salaires, réagissent lentement aux variations de l’offre et de la demande, ce qui crée des pénuries ou des excédents périodiques, surtout dans le domaine de la main-d’œuvre.
3 - Les effets à court terme les plus importants des variations de la demande globale se font sentir sur la production réelle et l’emploi, et non sur les prix.
4 - La variation de la production est égale à un multiple de la hausse ou de la baisse de la dépense qui en est à l’origine.
Sa différence
Les points centraux de l'opposition de Keynes à l'économie classique sont très nombreux.
Il conteste les principes généraux admis par l'économie classique selon lesquels :
- L'économie ne doit pas être comprise en termes d’équilibre, il faut raisonner, au contraire, en termes dynamiques.
- Les économistes traditionnels travaillent à partir du concept de rareté. Or, grâce aux progrès techniques accumulés, les nations développées sont entrées dans une ère d'abondance.
Il conteste en particulier toute idée d'une régulation autonome de l'économie :
- Le principe d'une régulation automatique des marchés (la main invisible d'Adam Smith) est faux
- L'idée que l'offre crée sa propre demande (principe nommé « loi de Jean-Baptiste Say ») est fausse elle aussi.
Les forces du marché, livrées à elles-mêmes, ne produisent pas de situations optimales, comme prétendent les économistes classiques. Elles peuvent engendrer le chômage ou des inégalités de revenus déstabilisatrices pour la société dans son ensemble. De ces deux derniers principes, il s'ensuit que la régulation du système et, en particulier, la gestion de la demande globale incombent à l’État. En période de crise, il doit accroître la demande globale en creusant les déficits, car cela provoque un accroissement de la production supérieur à la hausse des dépenses publiques : c'est le « multiplicateur keynésien ».
Il ajoute des facteurs à prendre en compte dans l'économie, facteurs habituellement négligés.
- L'importance de la monnaie dans l'économie
- La prise en compte du rôle du temps, de l'incertitude et des facteurs psychologiques
Concernant la monnaie, Keynes rompt avec l’analyse des néo-classiques et la séparation des sphères de l'économie concrète et monétaire. Ce n’est pas dans une économie d’échanges réels (c’est-à-dire sans monnaie) qu’il faut raisonner, mais dans celui d’une « économie monétaire de production ». Pour Keynes, la fonction de la monnaie la plus importante est celle de l’unité de compte (A Treatise on Money -1930). Dans la Théorie générale (1936), il insiste sur l'importance de la liquidité. Le temps et l’incertitude, absents du cadre originel des néo-classiques, sont au cœur de la théorie élaborée par Keynes. La monnaie devient alors primordiale, car elle est un « pont entre le présent et le futur ».
Enfin, il estime que microéconomie et macroéconomie sont des domaines à étudier séparément, car l'un ne procède pas automatiquement de de l'autre.
L'engagement de Keynes
John Maynard Keynes est un réformateur du libéralisme économique qui souhaite lutter contre la pauvreté. La pauvreté et les problèmes sociaux sont dus, selon lui, à la mauvaise gouvernance économique qui tient à l’incompétence des responsables administratifs associée à l'intransigeance idéologique pour le free market. L'État doit intervenir lorsque c'est nécessaire pour réguler et corriger les dérives du marché. Les difficultés dans la gestion économique viennent des risques dus à l’incertitude. Cette dernière est normale, car on ignore la situation réelle du moment et les évolutions dues à des facteurs imprévus. Le rôle de l’État est de contrebalancer les crises grâce à une politique monétaire et à l’investissement en grands travaux, équipements sociaux, etc.
Keynes a été un des membres de la délégation britannique aux négociations alliées préparatoires au Traité de Versailles. Suite à cela, il a publié en 1919 un livre Les conséquences économiques de la paix. Il y critique violemment le Traité de Versailles. L’Allemagne étant, avant la guerre, le cœur économique de l’Europe, en la privant de sa flotte commerciale, en s'appropriant les biens allemands à l’étranger, en imposant des réparations démesurées, l’Europe (et la France en particulier) va s’appauvrir et commettre "l’un des actes les plus atroces accomplis par un vainqueur dans l’histoire du monde civilisé."
Selon lui, il faudrait créer, en Europe, une zone de libre-échange dont l’adhésion serait obligatoire pour l’Allemagne, comme pour les nouveaux États issus du démantèlement de l’ancienne Autriche-Hongrie. Maintenir indéfiniment les nations vaincues dans la misère par esprit de vengeance va se retourner contre les Alliés en provoquant « la lutte finale entre les forces de la Réaction et les convulsions désespérées de la Révolution ».
Keynes a participé à la conférence de Bretton Woods, a établi un nouveau cadre légal multilatéral pour les relations financières entre pays, visait à éviter la transmission des crises par le biais de dévaluations compétitives comme cela avait été le cas dans les années 1930. La conférence a donné lieu à la création du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) qui, aujourd’hui, fait partie de la Banque mondiale.
Deux projets se sont affrontés, celui de John Maynard Keynes, représentant le Royaume-Uni, et celui de Harry Dexter White, représentant les États-Unis. Il s'agissait de construire un équilibre mondial où s’équilibreraient les pouvoirs de l’État, du marché et des institutions démocratiques pour garantir la paix, l’intégration, le bien-être de tous et la stabilité.
Il eut l'idée révolutionnaire d'une « monnaie fondante » qui servirait à la consommation et ne pourrait être accumulée. C'était à ses yeux une façon de lutter contre deux principaux maux anti-productifs : les rentiers qui thésaurisent une masse monétaire importante qui ne participe pas à l'économie et une répartition des richesses arbitraires et par trop inégalitaire pour un bon fonctionnement économique. Keynes a signalé les deux vices d'un capitalisme non régulé par l'État qui sont de ne pas assurer le plein emploi et d'empêcher une répartition optimale de la richesse.
Ce tableau étant brossé, venons-en aux deux intuitions de Keynes desquelles la crise économique de 2008-2015 donne une illustration.
3. Keynes et la crise de 2008
Avec la récession de la fin de 2008, le professeur N. Gregory Mankiw de l’université Harvard a écrit dans un article du New York Times : « S’il fallait faire appel à un seul économiste pour expliquer les problèmes actuels, il n’y a guère de doutes que ce serait John Maynard Keynes. Bien qu’il soit mort il y a un demi-siècle, son diagnostic des récessions et des dépressions demeure la pierre angulaire de la macroéconomie moderne ».
En quoi Keynes nous éclaire-t-il sur la crise contemporaine ?
D'une part, Keynes constate que l'argent peut être recherché pour lui-même et accumulé. Les revenus ne sont pas forcément ni consommés ni réinvestis, mais peuvent être conservés sous forme de liquidités ou de biens non productifs stockés comme l'or. Il en conclut que la monnaie peut avoir une influence sur les mécanismes économiques en venant perturber le mécanisme d'accord supposé se produire par le réinvestissement immédiat des revenus.
D'autre part, Keynes constate que les prévisions des entrepreneurs ne sont pas justes. Ils peuvent faire des offres sous-évaluées ou surévaluées par rapport à la demande. En effet, ils font des anticipations sur la demande à partir des opinions recueillies, mais ce recueil peut être biaisé. Ce biais est surtout présent dans le domaine financier qui, pour Keynes, menace toujours de tourner au casino.
C'est bien ce que l'on constate actuellement avec le développement du capitalisme financier. La monnaie est massivement accumulée pour elle-même et sert à refaire de la monnaie par le biais de la spéculation. C'est même une caricature des idées de Keynes, car le phénomène est exacerbé. Les Hedge Funds captent de l'argent uniquement dans le but de générer du profit hors de toute production économique. Les banques, au lieu de rester dans leur domaine de recueil du capital et de prêt et ainsi participer à l'économie productive, se sont lancées massivement dans la spéculation financière. Avec, pour conséquences lors des crises, de cesser de faire du crédit, ce qui bloque l'économie.
Dans le domaine financier, les évolutions des marchés sont rapides à cause des effets psychologiques qui agissent en permanence : crainte ou optimisme produisant des anticipations excessives, comportements moutonniers, auto-réalisations de prédictions injustifiées. Les tendances sont accentuées par les ventes à découvert qui accentuent les mouvements, ainsi que par les « produits dérivés » qui multiplient les gains ou les pertes. Tout cela est augmenté par la rapidité des échanges actuels via internet et les ordinateurs. Il s'ensuit des mouvements monétaires autonomes et totalement inadéquats par rapport aux besoins économiques, aspects déjà déplorés par Keynes en son temps.
Keynes a manifestement eu raison sur ces deux points.
Un aspect fondamental de la doctrine de Keynes est de prôner le plein emploi. C'est pour des raisons à la fois morales et politiques, car il considère que la misère et le chômage sont moralement inadmissibles, mais aussi dangereuses, car pouvant mener au communisme. En ce sens, il ne va pas non plus dans le sens du courant classique qui prétend à une science économique objective. Il propose une politique économique qui procède de choix en tenant compte des aspects humains et sociaux, et met en avant une finalité. Mais, en ce qui le concerne, c'est en restant dans le cadre du capitalisme.
Sur ce dernier point, l'évolution dément le projet de Keynes, car il n'est pas possible de maintenir le plein emploi tout en restant dans ce système économique. Dans tous les pays, il y a un sous-emploi. Les chiffres officiels du chômage, dans la plupart des pays occidentaux, sont de 8 à 10 % en moyenne de la population active, mais ne comptent pas la population inactive non inscrite (au moins aussi importante).
4. Les difficultés de la « relance keynésienne »
Keynes considère l’investissement comme le moteur privilégié de l'économie. Il rattache « l’économie future à l’économie présente ». Considérant qu'il y a des cycles économiques inévitables, le retour à l’expansion serait possible par un fort investissement de l'État, même si l'investissement se fait au détriment d'un déficit budgétaire.
Keynes distingue entre les dépenses publiques qui « agissent en accroissant l’investissement » et celles qui agissent en « accroissant la propension à consommer » (note 1, p. 146). Il différencie dans le chapitre 10 de la Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie, l’augmentation des dépenses destinées à créer de l'emploi et l’augmentation de l’investissement qui permettra l’expansion de la production.
L'augmentation de l’investissement productif se déclenche lorsque la reprise de l’emploi permet de résorber les capacités de production dans les industries de biens de consommation et que cette évolution positive se répercute ensuite dans les industries de biens d’investissement.
Mais, à compter de 1973, la croissance occidentale a diminué, le plein-emploi a disparu, et les techniques de « relance » ont alimenté l’inflation plutôt que de doper l'économie. Que s'est-il passé ?
Le raisonnement de Keynes vaut pour un système économique fermé ou en équilibre sur le plan des échanges commerciaux. Par contre, si la demande induite par l'investissement de relance est satisfaite par les importations, l'effet escompté n'a pas lieu. C'est bien ce qui s'est passé. À partir des années 1970, les échanges internationaux ont été plus intenses, ils portaient sur des biens identiques d’un pays à l’autre, si bien que la relance n'enrichit pas les zones où elle est pratiquée.
De nombreux travaux ultérieurs à ceux de Keynes montrent que « les importations vont apparaître comme des « fuites » au même titre que l’épargne. Les sommes qui leur sont consacrées vont, en effet, quitter le pays et cesser de soutenir l’activité », note Bernard Gazier. On peut penser que la globalisation (mondialisation) a rompu le cercle vertueux selon lequel la hausse des salaires profitait aux entreprises qui prospéraient, ce qui ouvrait la voie à de nouvelles hausses salariales.
Avec la concurrence externe globalisée, l’intérêt des entreprises a changé du tout au tout : il ne s’agit plus de payer des salaires élevés pour accroître son débouché intérieur, mais, au contraire, de les comprimer pour rester compétitif sur le marché mondial. Nous en sommes toujours là actuellement !
On comprend aisément que si les salaires et les relances gouvernementales servent à l'achat des productions asiatiques, elles ne retentiront pas sur l'investissement productif du pays qui les mets en place. D'où l'importance du contrôle de la balance commerciale et d'un investissement productif direct et efficace. Et nous ajouterons socialement utile, car la déconnexion entre économie et société mène vers des situations absurdes, socialement injustes et politiquement dangereuses.
Conclusion : une vision juste à la concurrencer mondiale près
Les méthodes keynésiennes ont fait leurs preuves en termes de croissance, de cohésion sociale et d’emploi pendant trente ans, démontrant ainsi empiriquement leur pertinence. Lorsqu'est apparue la « stagflation » le keynésianisme a semblé inefficace et à ce moment-là, les tenants de l'économie néolibérale qui effectuaient un travail de lobbying intense avec l'appui des détenteurs de capitaux depuis trente ans, ont pris le dessus (Voir l'article historique : Du Mont-Pèlerin à la Maison-Blanche). Pour pérenniser le type d'économie régulée prônée par Keynes, il aurait fallu la repenser en tenant compte de la concurrence mondiale.
La crise de 2008 et son enlisement est venu redonner une actualité à certains des concepts centraux de Keynes. Bernard Gazier cite : « la demande effective, dont on peut suivre l’effondrement dans le monde à la fin 2008 et au début 2009 ; la trappe à liquidités, qui fait que des économies massivement alimentées en liquidités évitent l’effondrement, mais ne repartent pas pour autant ; et le chômage involontaire. La brusque hausse constatée dans certains pays tels que l’Espagne entre 2008 et 2009 ne peut guère s’expliquer par la montée de comportements de concurrence imparfaite ou par une modification des préférences des agents ».
Pour finir, citons un propos de Keynes :
« La transition de l’anarchie économique vers un régime visant délibérément à contrôler et diriger les forces économiques dans l’intérêt de la justice et de la stabilité sociale présentera d’énormes difficultés à la fois techniques et politiques. Je suggère néanmoins que la véritable mission du nouveau libéralisme est de leur trouver une solution » (John Maynard Keynes, « Suis-je un libéral ? » (1ʳᵉ éd. 1925), in La Pauvreté dans l’abondance, Paris, Gallimard, 2002).
Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'évolution vers le néolibéralisme lui a donné raison sur les « énormes difficultés », et surtout, on voit bien qu'elle jette un doute sur la possibilité du libéralisme économique à endiguer les passions humaines (l'avidité, l'égoïsme), qu'il nomme les « esprits animaux ».
L'intérêt des travaux de John Maynard Keynes vient de ce qu'il propose une approche raisonnable de l'économie capitalisée (utilisant des capitaux massifs). Par raisonnable, nous voulons dire nuancée et intégrant la complexité des problèmes, proposant des compensations. Ce point de vue a été rendu possible par le fait que Keynes ne s'est pas inféodé à une tendance idéologique partisane.
En 2016, dans un article commémoratif, le biographe de John Maynard Keynes, Robert Skidelsky écrivait : « Les étudiants en économie désireux d'échapper à l’univers squelettique des agents maximisateurs au profit d’un monde constitué d’êtres véritablement humains, ancrés dans leurs histoires, cultures et institutions, trouveront la science économique de Keynes intrinsèquement sympathique. Voilà pourquoi je pense que Keynes sera encore bel et bien vivant dans 20 ans, lors du centenaire de la Théorie générale, et bien au-delà ».
Bibliographie :
Keynes J. M., Les conséquences économiques de la paix, traduction David Todd, Paris, Gallimard. 2002
Keynes J. M. [1925], "Suis-je un libéral ?" , in La Pauvreté dans l’abondance, Paris, Gallimard, 2002. Accessible en ligne : http://www.hetwebsite.net/het/texts/keynes/keynes1925liberal.htm.
Keynes J. M., Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Traduction Jean De Largentaye, Paris, Payot, 2017.
Gazier B., John Manyard Keynes, Paris, PUF, 2008.
Giraud P.-N., L’inégalité du monde, Paris, Gallimard, 1996.
Webographie :
KEYNES, John Maynard. Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie [1942]. Classiques uqac. 2002. http://classiques.uqac.ca/classiques/keynes_john_maynard/theorie_gen_emploi/theorie_emploi_monnaie_1.pdf.
LAVAL, Christian. La main invisible. In : temporel [en ligne]. 2008.
PERRIN, Jérémy. Du Mont-Pèlerin à la Maison-Blanche - Chronique. Philosophie, science et société . 2018. https://philosciences.com/299.
SARWAT, Jahan SABER, Mahmud PAPAGEORGIOU, Chris. Qu’est-ce que le keynésianisme ? L'ABC de l'économie. 2014. Disponible à l'adresse : http://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2014/09/pdf/basics.pdf.
SKIDELSKY, Robert. La Théorie générale de Keynes a 80 ans In: Project Syndicate. 2016. https://www.project-syndicate.org/commentary/keynesian-policy-at-80-economic-recovery-by-robert-skidelsky-2016-02/french.