Le " fantasme despotique " évoqué par Elias Canetti est tellement saisissant de vérité que cela vaut le coup de le noter.
Le despote veut rester le seul et unique survivant, géant tout-puissant dressé au-dessus des corps de ses ennemis et de ses hommes morts.
« Il se voit, il se sent seul, et s’agissant de la puissance que lui confère cet instant, il ne faut jamais oublier qu’elle découle de son unicité et d’elle seule », écrit Canetti dans Masse et puissance (Masse et puissance, Gallimard, Paris, 2015, p. 241.).
Dans le chapitre intitulé « Le Survivant », l'auteur évoque l’imaginaire paranoïaque de cet « héroïque » maître. Que cherche-t-il ? « À se sentir invulnérable, immortel. Qui réussit à survivre souvent est un héros. Il est plus fort. Il possède davantage de vie. Les puissances supérieures lui sont propices » (Ibid p. 242).
C’est si plaisant pour le maître despotique de se sentir vivre plus fort que la guerre devient pour lui une « manie morbide, inguérissable » écrit Canetti, et qu’il court après la répétition et l'accumulation de sa « survie » dans la succession des combats.
La dimension psychopathologique ne peut être négligée dans les affaires politiques, tant en ce qui concerne les motivations des chefs que celles de leurs suiveurs.
Canetti E., Masse et puissance, Gallimard, Paris, 2015.