Le terme anomie vient grec anomia qui signifie l’absence de loi, la disparition des valeurs communes. Il signifie aussi, plus simplement, c’est ce qui n’a pas de nom. En médecine l'anomie est un trouble acquis du langage caractérisé par une difficulté ou une incapacité de nommer. Le brouillage sémantique est tel qu’il n’y a plus de mots adéquats pour désigner correctement les évènements.

La notion d'anomie, reprise par le sociologue Émile Durkheim, désigne la situation qui survient lorsque les règles sociales sont incompatibles entre elles ou qu'elles sont minées par les changements économiques et idéologiques. Dans son ouvrage De la division du travail social et le Suicide, Émile Durkheim considère l'anomie comme une pathologie sociale.

Cette idée de pathologie sociale est intéressante ; elle contraste avec le relativisme que l'on a vu se développer ensuite en sociologie. Le terme de pathologie note quelque chose de défavorable, qui produit une souffrance individuelle et un dysfonctionnement collectif. Autrement dit fonctionnement et dysfonctionnement social ne sont pas considérés comme équivalents au titre d'une complète neutralité de la sociologie, même si Durkheim revendique une neutralité axiologique pour la sociologie.

Lorsque les sociétés évoluent, le changement provoque des troubles dont souffrent les hommes. Cette souffrance anomique vient de l'absence de règles communément admises, si bien que les liens qui rattachent l’individu à la société se désagrègent. Durkheim voit comme cause d'anomie, à la fin du XIXe siècle, un développement techno-économique trop rapide pour que la société s'adapte. 

L'anomie résulte aussi du fait qu'une société peut proposer à ses membres des idéaux sans leur donner les moyens de les réaliser. Robert K. Merton a étudié le cas de la réussite sociale impossible. Il en résulte le rejet des idéaux de réussite, soit l'utilisation de moyens irrecevables par la société pour les atteindre (délinquance). La perte de repères vient aussi des normes et valeurs culturelles contraires à celles des individus issus d'autres cultures. Il apparait alors des conduites déviantes, et des attaques contre les institutions représentant ces valeurs. 

De nos jours, la mondialisation, l'économisme ambiant, l'évolution technique incessante, le mélange de cultures antagonistes, provoquent un changement social comparable à celui décrit par Durkheim. On constate simultanément un brouillage idéologique, une évolution des mœurs et un recul des valeurs admises, qui conduisent à une relative déstabilisation sociétale. Après le vide idéologique, symptôme de la post-modernité qui a été identifié, entre autres, par Gilles Lipovetsky  en 1983, on en arrive maintenant à des dérives antisociales dans certaines parties de la population, qui provoquent en retour une demande d'autorité et de réaffirmation des normes et valeurs sociales.