Écrit par : Patrick Juignet
Catégorie : Vocabulaire philosophique

Il y existe une capacité humaine à concevoir l'ordre. Pour le philosophe et mathématicien Antoine-Augustin Cournot, l’idée d'ordre constitue, avec celle de forme, une catégorie fondamentale de pensée qui présiderait à toute pratique scientifique.

Entendu comme manière de poser une succession non aléatoire selon certaines règles et de les mettre en relation, l’ordre intervient dans diverses branches des mathématiques comme l’algèbre ou la théorie des nombres.

Il existe aussi un ordre normatif imposé par l'Homme que l'on retrouve dans ses relations et la vie sociale en général. A ce titre Claude Lévi-Strauss a joué un rôle fondamental en montrant la présence de cet ordonnancement dans toutes les sociétés humaines (voir: Ordre symbolique).

Ordre et organisation, permettent de penser la complexité du vivant au XIXe siècle, dès les travaux de Jean-Baptiste de Lamarck. Mais c'est évidemment la génétique moléculaire qui au XXe siècle met en évidence le rôle fondamentde l'ordre dans l'organisation du vivant au travers du code génétique. La détermination vient de l'ordre des constituants des chromosomes et non des constituants eux-mêmes

Par organisation, on désigne le fait que des éléments soient ordonnés et que cet ordonnancement persiste de manière stable, ce qui rend les éléments interdépendants et interagissants. L'étude des organisations concerne les effets de cette liaison stable.

Aux XIXe et XXe siècles, le concept d'organisation s’étend à divers domaines de la science, quoiqu'avec difficultés, car le paradigme scientifique moderne impose de s’en remettre à des suites de causes et d’effets ou à des lois. Toutefois, l'étude du vivant a obligé à concevoir des entités composites sans chercher à les dissocier. Ces entités sont des ensembles constitués de plusieurs éléments formant un tout indissociable (sauf à être détruit et perdre ses propriétés).

Concevoir des organisations sous-entend une approche « holistique » dans laquelle on prend en compte la totalité saisie globalement sans chercher à la dissocier, car elle des propriétés ou fonctions qui n'existent que sous cette condition. Plutôt que de reprendre la définition scolastique (le tout est plus que la somme des parties), on peut dire que, selon le holisme, les ensembles organisés ont une existence autonome et des propriétés irréductibles.

Tous les composants connus de l'Univers, les particules, les atomes, les molécules, la cellule, les organes, les individus, les sociétés, possèdent une organisation. Toutes les organisations ne sont pas du même type et il n’y a pas nécessairement des « lois universelles de l’organisation ». Au contraire, c’est concomitamment à une « régionalisation » du monde que l’idée est intéressante. Selon la « région » considérée, le type d’organisation sera différent.

Cette universalité de l’organisation donne l’idée d’en faire un concept ontologique pour comprendre la constitution du réel qui ainsi échappe à la vision substantialiste et élémentariste. L'idée est que le réel n'est pas amorphe et continu, mais architecturé et que c'est cette architecture (structure) qui se manifeste dans les formes et propriétés empiriques étudiées par les sciences.

L’utilisation du concept d'organisation pour comprendre le réel permet d’éviter la notion de substance. Il peut jouer un rôle d’encadrement de la connaissance scientifique en la posant comme connaissance des grands types d’organisations identifiables dans l'Univers. C’est une perspective ontologique dans laquelle l’accent est mis sur les relations et les interactions.