Postmoderne (définition)
Au milieu des années 1970, les Trente Glorieuses sont finies et les idéologies qui les ont accompagnées aussi. Les idéaux humanistes et progressistes sont déçus, le marxisme a révélé son envers dictatorial et on ne croît plus en une révolution salvatrice. L'islamisme est en pleine ascension. Rien d'étonnant à ce qu'en Occident l'époque soit à la révision des valeurs. En 1977, un architecte américain du nom de Charles Jencks publie un manifeste intitulé Le langage de l'architecture postmoderne. Le livre lance le terme « postmoderne » qui sera réutilisée dans d'autres champs culturels.
Sur le plan philosophique et idéologique la doctrine post-moderne se veut déconstructive et relativiste et antihumaniste. La phraséologie utilisée est volontairement obscure et souvent pédante, s’apparentant à un discours d’initié. Le champ concerné est une vaste zone grise entre philosophie, idéologie et sciences humaines. L'optique postmoderniste, dévalorisant la rationalité au profit des discours flous, a été défendue par les intellectuels à la mode comme Jacques Lacan, Jacques Derrida, Julia Kristeva, ou encore Paul Feyerabend, Jean Baudriard, Bruno Latour, pour citer les plus connus.
L’idéologie postmoderne tente d'assimiler les sciences aux autres discours et pratiques. La science serait un espace socialement agonistique non spécifique dans lequel les controverses seraient de simples polémiques (des débats non contraints par les faits et par des règles de raisonnement). Cette manière de voir s'inscrit dans une idéologie plus vaste de déconstruction, de transgression des frontières, d'effacement des différences, et de minimisation des critères de vérité (c'est le règne de la post-vérité).
La déconstruction et le postmodernisme ont produit une interruption momentanée dans le projet d'édification de sciences de portant sur l'Homme, la société et la culture. Elle a déconsidéré les sciences en général, en relativisant et délégitimant l'idée de vérité. Enfin, cette doctrine a donné du crédit à la post-vérité, forme de pensée selon laquelle tout point de vue peut se prétendre vrai.
Une inflexion a eu lieu à partir de 1980, liée au militantisme en faveur des minorités. C’est la naissance des parasciences humaines, les « studies » (postcolonial studies, subaltern studies, ethnic studies, racial studies, gender studies, etc.), qui renoncent à l'objectivité et la neutralité axiologique, jugées inutiles ou hypocrites. Le courant militant dit « woke » s’inscrit dans cette idéologie centrée sur les questions identitaires (liées à la race, au genre, à l'orientation sexuelle, etc.) et opposée à l'universalisme progressiste hérité des Lumières.