Revue philosophique

Pour Sigmund Freud, la pulsion désigne la présence « dans le psychisme les exigences d’ordre somatique » (Abrégé de psychanalyse, 1938). La pulsion, d’origine biologique, génère les forces à l’œuvre dans le psychisme, elle impulse une dynamique. Les mouvements pulsionnels sont supportés par des processus neurobiologiques et endocriniens dont nous n’avons pas de connaissance précise. Parler de pulsion est une manière de tenir compte des forces mises en jeu en se situant à un niveau de description différent du biologique. C'est aussi une façon de parler des passions humaines de manière psychologique et plus précise. 

Le terme de pulsion explique l’investissement des constituants du psychisme et la poussée générale, la force dynamique qui est à l’origine des actions. On considère deux grands types de pulsions, les pulsions libidinales et les pulsions agressives. Selon qu’elles se portent sur soi ou sur l’objet, on les qualifie de narcissiques ou d'objectales. Le nombre et la caractérisation des pulsions est l'objet d'un débat. Si on admet que le psychisme est constitué d'instances remplissant des rôles distincts et relativement antagonistes, on considère que l'instance du « ça » constitue le pôle pulsionnel de la personnalité. Il est formé par les pulsions organisées dans des formes structurées par les événements de la vie. Autrement dit, ce qui vient du biologique y prend une forme plus élaborée, marquée par le développement individuel.

Par opposition à l'instinct qui est figé (fixé par des déterminations héréditaires), la pulsion est relativement indéterminée quant à son but et quant à son objet. Le but et l'objet des pulsions évoluent avec la maturation individuelle, de l'enfance jusqu'à l'âge adulte. Les pulsions sont prises dans la dynamique psychique ; elles peuvent suivre des évolutions multiples et en particulier pathologiques. Elles peuvent être refoulées, ou au contraire exacerbées, ou prendre des formes qui sont conflictuelles avec le reste de la personnalité et avec les exigences de la sociabilité.

L'éducation implique toujours une limitation et un contrôle pulsionnel. Les règles sociales limitent et encadrent l'évolution pulsionnelle de manière variable selon le degré et le type de civilisation. Les malaises individuels d'origine sociale peuvent aussi bien venir d'un excès de répression pulsionnelle que d'une insuffisance ou d'une tolérance pour des expressions perverses et délétères. On considère généralement que l'interdit de l'inceste est la règle fondatrice qui oriente l'évolution des pulsions sexuelles tout en contribuant à fonder l'ordre social. La limitation et l'encadrement des pulsions agressives et d'emprise par des règles est tout aussi important pour la vie sociale.

Freud, à la fin de son œuvre, a opposé les pulsions de vie (Eros) et les pulsions de mort (Thanatos). Les pulsions de vie telles que la faim et la sexualité sont orientées vers la préservation de la vie individuelle et la perpétuation de l'espèce. Les pulsions de mort tendent vers la réduction de l'être vivant à l'inorganique, à un apaisement de la tension inhérente à la vie. Ces pulsions mortifères poussent à l'autodestruction ou sont dirigées vers l'extérieur (agression et destruction). Cette catégorisation généralisante duelle a été critiquée. Le point le plus litigieux est que l'activité agressive et la tendance à l'apaisement sont nettement antagonistes.