Revue philosophique

Le mot « noumène » transcrit du grec, est empruntée à la philosophie platonicienne. Le terme noumênon a été employé par Platon pour désigner les Idées en tant qu'elles sont l'objet de l'intelligence pure (nous. Le noumène, dans la philosophie moderne réapparaît chez Emmanuel Kant sous le vocable de noumenon

Kant appelle « noumènes » les objets de l'entendement issus de l’intuition intellectuelle (sans recours à l'intuition sensible qui nous donne accès à la réalité empirique). Or, pour Kant à la différence de Platon, ce type d’intuition n'est pas légitime, c’est une illusion.

Les noumènes « sont des objets simplement connus par l'entendement et nous les appelons être intelligibles » (Critique de la raison pure, p. 224) et « ce que nous appelons noumène ne doit donc être entendu qu'au sens négatif » (Ibid., p. 228) c’est-à-dire notant une limite à la connaissance. Nous ne pouvons connaître les Formes intelligibles (Idées) vers lesquelles l’esprit doit se tourner pour saisir la vérité. C’est une conception de la connaissance erronée.

La principale difficulté pour la définition vient de la relation entre les concepts de noumène et de chose en soi, qui se recouvrent en partie. La chose en soi (Ding an sich) existe en arrière-plan du phénomène et échappe à la connaissance. Pour Kant « ce qui correspond à la chose en soi n’est pas un pendant, séparable, mais bien la chose considérée d’un autre point de vue » (Opus postumum, p. 149). Mais cet autre point de vue renvoie à un en soi = X, inconnu, qui peut être la substance ou le noumène. Une ambiguïté persiste quant à l’extension des deux concepts.

Ces termes jouent un rôle central dans sa distinction entre le phénomène, ce qui est perçu par nos sens et structuré par notre entendement, et ce qui existe indépendamment de notre perception. Bien qu'étroitement liés, ces deux concepts ont des nuances qui méritent d'être explorées pour comprendre leur signification respective et leur portée dans la pensée kantienne.

La chose en soi fait référence à ce qui existe indépendamment de notre perception et de notre connaissance. Kant soutient que nos sens et notre entendement structurent la manière dont nous percevons le monde, ce qui signifie que nous ne pouvons jamais avoir accès aux objets tels qu'ils existent en dehors de notre expérience de ceux-ci. 

Le terme noumène désigne ce qui existe indépendamment de la perception sensorielle, mais au sens d'une abstraction. Il est utilisé pour parler de l'objet de la pensée pure, en opposition aux phénomènes, qui sont les objets de notre expérience sensible. Les noumènes représentent le domaine de ce qui pourrait être connu si notre connaissance n'était pas limitée à la sensibilité.

Le terme de noumène a été, après Kant, employé par Gaston Bachelard qui suppose que  « Les liens mathématiques […] suivent la trace d’une coordination nouménale » (Noumène et microphysique). Il note aussi : « Devant tout le succès de la recherche rationnelle, comment se défendre de poser sous les phénomènes un noumène où notre esprit se reconnaît et s’anime. Il évoque une « structure du noumène » (« Noumène et microphysique », Études, p. 22). C'est une reprise du terme qui pose un problème et demande une discussion.