Écrit par : Patrick Juignet
Catégorie : Vocabulaire philosophique

La science répond à une volonté de savoir « vraiment » selon des théories démontrables en adéquation avec la réalité. Mais, on ne peut, comme dans les circonstances ordinaires, trancher entre une proposition vrai ou fausse. « Il pleut » peut être déclaré vrai ou faux par vérification empirique immédiate. Dans les sciences, le savoir sur le monde est complexe (il ne se ramène pas à une proposition) et il évolue, si bien qu'il est préférable de le considérer de manière dynamique.

Plutôt que vérité, on utilise le terme de « vérisimilitude » (du latin verisimilitudo) qui signifie proche de la vérité. On pourrait dire aussi vraissemblance compte tenu des critères admis. Le terme relativise le rapport du savoir scientifique au vrai, sans nier ou négliger la question de la vérité (ce qui mènerait vers un scepticisme). La vérisimilitude est un terme prudent utilisé en épistémologie pour caractériser le savoir scientifique.

C'est Gottfried Wilhelm Leibniz qui, dans les Nouveaux essais sur l'entendement humain, a donné à ce terme un contenu épistémologique en lui faisant désigner l'écart séparant les raisons démonstratives certaines et les propositions simplement vraisemblables (Nouveaux essais sur l'entendement humain, Paris, Bellarmin-Vrin, 2006, p.315-316).

Henri Poincaré a défendu une notion épistémologique de la vérité selon laquelle seules les propositions décidables possèdent une valeur de vérité. Les conventions, comme les axiomes géométriques, n'ont pas de valeur de vérité : ils ne sont ni vrais ni faux, mais plus ou moins commodes. Toutefois, Poincaré tient le degré de commodité, c'est-à-dire d'unité et de simplicité d'une théorie, pour une indication de sa vérisimilitude ou proximité de la vérité.

Le terme a surtout été utilisé par Karl Popper pour noter que, si les savoirs scientifiques sont seulement hypothétiques et conjecturaux, ils ne visent pas moins à une certaine vérité. Il relie la vérisimilitude (verisimilitude en anglais) à son principe de réfutabilité de la manière suivante : au fur et à mesure qu'une théorie scientifique réfutable résiste à la réfutation, son degré de vérisimilitude augmente. Les tentatives d'invalidations non concluantes d’une théorie augmentent son degré de vérisimilitude.

Pour Popper, si une théorie scientifique ne peut jamais être absolument vraie, son objectivité, autrement dit son adéquation avec la réalité, est de plus en plus forte. Il récuse le scepticisme relativiste et croit possible de se rapprocher de la vérité sous forme d'une objectivité croissante. Dans cette optique poppérienne, nous définirons la vérisimilitude comme l'adéquation progressive d'un savoir scientifique au référent (la partie de la réalité) qu'il se donne.

En dernière intention, si la science est une approche du réel, la vérité comme adéquation au réel étant progressive, il est légitime d'évoquer une verisimilitudo pour ce type de savoir.