Écrit par : Patrick Juignet
Catégorie : Vocabulaire philosophique

La rationalité concerne la pensée lorsqu'elle utilise des concepts clairement définis et procède par enchaînement démonstratif, dont l'aboutissement est admissible par tous car il suit des règles logiques (sans nécessairement avoir un formalisme logique strict).

Mais de plus, les postulats de départ qui guident le raisonnement doivent être admis par la communauté savante (par exemple, concernant la Terre, sera considéré comme rationnel un raisonnement partant du postulat qu'elle est grossièrement sphérique et non pas plate). D'une époque à l'autre l'aspect formel (la cohérence logique) reste le même, mais les postulats admis ne sont pas identiques et la rationalité varie dans ses contenus.

La rationalité n'est pas spontanée, c'est une conquête laborieusement obtenue au cours de l'histoire humaine par un long effort de la pensée sur elle-même. La rationalité est en équilibre instable avec l'irrationnalité.

Le terme rationalités, au pluriel, ne signifie qu'elle est mise en œuvre dans des champs du savoir différents. Elle prend, par conséquent, des formes et des cheminements divers qui varient selon les postulats de départ, les buts visés et les concepts employés. Les postulats et modes de raisonnement que l'on peut estimer rationnels ne sont pas les mêmes en biologie, en psychologie ou en économie et, dans chaque discipline, ils varient au cours de leurs évolutions. Le terme de rationalité, mis au pluriel, indique les diverses formes possibles de la rationalité selon les domaines et les époques.

Le terme de « rationalisme » est employé, selon le contexte, dans divers sens.

Rationalisme désigne en premier lieu l’application de la rationalité en philosophie. Gaston Bachelard définit le rationalisme par une systématisation du propos, un idéal d’économie dans l’explication et par l'interdiction de recourir à des principes extérieurs au système que l'on veut expliquer (La Philosophie du non, Paris, Presses Universitaires de France, 1975, p. 59). On qualifie, par exemple, de philosophies rationalistes, le cartésianisme ou le kantisme.

En second lieu, le terme rationalisme qualifie une philosophique selon laquelle la raison serait la seule (ou principale) source de connaissance. On suppose une pensée première par rapport à la réalité. Dans ce cas, le rationalisme s'oppose à l'empirisme.  Le sens du vecteur épistémologique va du rationnel au réel et non point, à l’inverse, de la réalité au général (Gaston Bachelard, Le Nouvel esprit scientifique, PUF, 1934, p. 8). Ce terme sous-entend parfois que l'Univers serait rationnel, qu'il y aurait des raisons à tout (ce qui est irrationnel). Il se synthétise en une doctrine rationaliste (Pascal Engel). 

On parle aussi de rationalisme, de manière péjorative, pour les raisonnements partant d’un postulat étroit et conduits selon une logique rigide. Ce rationalisme aboutit à une pensée fermée, inaccessible aux contre-arguments, qui pousse la logique jusqu’au bout… de la fausseté. Le rationalisme au sens péjoratif se démarque de la rationalité, car cette dernière implique un équilibre dans le raisonnement. Le rationalisme est, dans ce cas, une caricature de la rationalité.

Voir aussi la définition de rationnel.