Revue philosophique

La philosophie scolastique admettait l’existence de concepts premiers et généraux. Cela remonte à Avicenne qui avait supposé, au début de sa Métaphysique, que toute connaissance simple repose sur quelques concepts premiers et indéfinissables, qui sont spontanément présents dans l’intellect. Ce seraient des formes, ou conditions, a priori de la connaissance. De tels concepts sont appelés au Moyen Âge des « transcendantaux », car ils transcendent tout genre déterminé et s’appliquent indifféremment à tout : leur universalité en fait des conditions de possibilité de la connaissance. La métaphysique médiévale s’est construite selon la possibilité supposée de connaissance a priori des propriétés universelles de l’être.

Emmanuel Kant a modifié l'usage du terme transcendantal. Les idées et concepts qui semblent premiers doivent être, selon lui, ramenés à leurs « conditions de possibilité ». La philosophie transcendantale a pour tâche de rapporter l'évidence immédiate aux capacités de penser. Elle doit chercher dans l'entendement, la possibilité des concepts, y compris premiers, et analyser l'usage que nous faisons de notre entendement. C'est là, l'objet de la philosophie transcendantale (Critique de la raison pure, Paris, PUF, 1967, p. 86).

Le changement de sens du terme transcendantal par rapport à la scolastique n'est pas anodin. Emmanuel Kant désapprouvait l'usage de concepts a priori, usage métaphysique prétendant à la connaissance du réel en soi (impossible) que cet usage soit direct ou à partir d'objets donnés par l'expérience.

La signification de transcendantal, au sens d'une philosophie transcendantale, est double. Le terme désigne

- La réflexivité de la pensée philosophique sur elle même qui interroge sa méthode et ses conditions de possibilité pour aller vers la vérité.

- Les principes qui découlent de cette interrogation critique et définissent ainsi les limites de la pensée prétendant à une validité.

Ainsi la manière philosophique abstraite et rationnelle de penser le Monde, est interrogée. Cela aboutit à des règles sur la (bonne) manière de penser et aussi sur les objets qui sont pensables, ou pas, de manière rationnelle. La philosophie transcendantale n’a pas d’objets réservés ou spécifiques, mais au contraire son domaine se définit par l'examen des conditions à partir desquelles le philosophe peut penser quelque chose de vrai. Ce qui devrait l'inciter à laisser de côté ce sur quoi il pense faussement (sur des objets inadéquats). La philosophie transcendantale est une connaissance portant sur la pensée.

De nos jours, le terme « transcendantal » est employé de plusieurs manières. Il désigne la démarche réflexive qui cherche les conditions de possibilité de la connaissance dans les structures a priori du cognitif. En un autre sens, transcendantal désigne les structures cognitives elles-mêmes et, tout particulièrement, les concepts et les catégories qui rendent l’expérience possible. En un sens ontologique, transcendantal veut dire que les capacités intellectuelles sont irréductibles à autre chose qu'elles-mêmes, qu'il y a une autonomie de la pensée rationnelle.

En résumé, transcendantal qualifie spécifiquement la réflexion qui ne porte pas directement sur les objets, mais sur les conditions de possibilité de la pensée. C’est une pensée de la pensée et des conditions de sa pertinence ou de son fourvoiement, un mouvement réflexif et critique de la pensée.