Revue philosophique

Le mot monde dérive du mot latin mundus englobant à la fois la terre, le ciel, et tout ce qui se trouve entre les deux. Dans l'antiquité romaine, on considérait le monde cosmique et le monde souterrain. Dans le contexte européen médiéval, la vision du monde était dominée par le christianisme. Le monde était vu comme une création de Dieu, avec une structure ordonnée comprenant la Terre au centre de l'Univers, entourée par les sphères des planètes et des étoiles, avec au-delà le ciel, demeure de Dieu et des anges.

Dans la modernité, après Emmanuel Kant, on peut considérer que le Monde est une idée de la raison visant la totalité. Le Monde ainsi défini dépasse les possibilités de la connaissance. C'est une idée régulatrice permettant de stabiliser la pensée lorsque l'on veut désigner la totalité. Mais, le Monde n'est pas que la totalité, sans quoi le concept de totalité suffirait : il est la totalité de ce que l'on suppose exister, il désigne l'existant pris dans son ensemble.

Nous utilisons le terme de Monde noté avec une majuscule pour le distinguer de celui de « monde » notée avec une minuscule qui a trait, non à la totalité, mais, au contraire, à des domaines limités. Le terme monde désigne parfois la subjectivité individuelle (sens que l'on retrouve dans l'expression « vivre dans son monde »). On désigne ainsi la manière dont chacun perçoit et conçoit sa vie, son entourage. 

Lorsqu'il est qualifié le terme monde désigne des domaines limités (le monde spirituel, le monde animal, les mondes parallèles ou virtuels, le monde social, etc.). Ce sont là des microcosmes humains, circonscrits à un contexte ou à une perspective limitée. Cette limite conduit à considérer illusoirement comme totalité ce qui est  particulier. Dans le langage courant, le terme « monde » désigne fréquemment la Terre, abusivement assimilée au tout. Par exemple, la globalisation des échanges sur Terre est nommée mondialisation.

L'emploi du concept de Monde au sens de la totalité se doit d'être prudent. En effet, de la totalité, nous ne pouvons pas dire grand-chose, si ce n'est qu'on est en droit de la considérer et qu'il est logique d'en faire partie. Définir le Monde comme totalité implique qu'il n'y ait pas autre chose, comme un « autre Monde », puisque au-delà de tout, il n'y a rien. Si le Monde est tout, il est unique. Il se différencie de l'Univers qui désigne ce qui est connu scientifiquement du Monde. 

Pour clarifier le débat et éviter les méprises, il est utile de faire intervenir d'autres concepts, ceux de réel et de réalité. Le réel est ce qui existe en soi et indépendamment de nous, la réalité ce qui existe empiriquement pour nous. Si on ne tient pas fermement la distinction entre empirique (connu grâce à l'expérience) et existence en soi (qui est indépendante de nous), on entre dans des problèmes philosophiques sans intérêt et insolubles. Par exemple, le réalisme affirme que le réel et la réalité existent, mais, comme tout propos ontologique, le réalisme doit être prudent, parce qu'il a un caractère hypothétique. Ce que l’on appelle généralement la réalité naît de l'interaction entre l'homme et ce qui existe (le réel). Le concept de Monde sert à regrouper ces deux aspects interdépendants que sont le réel constitutif et la réalité empirique, pour les considérer ensemble, au sein de la totalité.