Monisme contre dualisme dans la modernité

 

S’appuyant sur l’évidence ordinaire selon laquelle il faut un esprit pour contempler les choses, une large part de la culture moderne divise tout en deux. Certains ne l’entendent pas de cette oreille et veulent imposer une unité au Monde. Un combat métaphysique et idéologique opposant monisme et dualisme déchire la modernité depuis le XVIIIe siècle. Cet article dresse un état des lieux et montre que le schème de la coupure est largement à l'œuvre dans l'intellect moderne.

 

Pour citer cet article :

Juignet, Patrick. Monisme contre dualisme dans la modernité, Philosophie, Science et Société. 2023. https://philosciences.com/monisme-contre-dualisme-dans-la-modernite.

 

Plan :


  • 1. Un Monde qui serait deux
  • 2. L’unité par le monisme
  • 3. La prudence ontologique
  • Conclusion : Le socle épistémique de la modernité

 

Texte intégral :

 

1. Un Monde qui serait deux

1.1 La dualisation par l’esprit

Le dualisme divise le Monde. Cependant, il revêt des formes distinctes qu’il faut individualiser, car elles ont une importance pour les développements philosophiques et scientifiques de la modernité. Il s’agit soit d’un dualisme franc et « substantiel », soit d’un dualisme modéré et plus subtil que nous qualifierons de « fonctionnel ». Le premier cas est celui du dualisme cartésien, considérant que l’esprit participe d’une substance spéciale différente de la matière. Dans le second cas, l’esprit est autonome et irréductible, mais sans substance. Il correspond à la pensée humaine, jugée, autonome et irréductible.

L’œuvre de Descartes jugée fondatrice ne fait probablement que manifester un « grand remaniement anthropo-ontologique » et Jérôme Baschet 1 affirme avec raison qu’on ne peut attribuer à un seul philosophe le basculement d’une civilisation ni d’un système de pensée vers un autre. Pour Baschet, il existe une « discontinuité majeure » entre la modernité et ce qui la précède et en situant ce « grand chambardement »2 entre les années 1630 et les années 1780, reprenant à son compte la chronologie établie par Michel Foucault.

Au milieu du XXe siècle, Gilbert Ryle a proposé une critique du dualisme. Il appelle le dualisme contemporain le « mythe cartésien » ou la « doctrine reçue ». Selon ce mythe,

« tout être humain a, à la fois, un esprit et un corps ou, comme certains préfèrent le formuler, tout être humain est à la fois un esprit et un corps. L'esprit et le corps sont généralement attelés ensemble, mais, après la mort corporelle, l'esprit préalablement associé à un corps peut continuer d'exister et de fonctionner. Les corps humains sont étendus dans l'espace et sujets aux lois de la mécanique qui gouvernent également tous les corps étendus dans l'espace. […] Les esprits, en revanche ne sont pas étendus dans l'espace et leurs opérations ne sont pas sujettes aux lois de la mécanique. [...] lors de l'introspection, l'individu est directement et authentiquement informé des états et des opérations de son esprit. On explique généralement la disparité des deux vies et des deux mondes en disant que les choses-événements qui appartiennent au monde physique, y compris le corps de celui qui parle, sont extérieurs, tandis que les fonctionnements de son esprit sont intérieurs »3.

Nous compléterons cet énoncé de Ryle en ajoutant que, dans ce cadre dualiste, il est admis que l’homme, par son esprit, connaît le monde qui lui est extérieur. Le sujet pensant ne peut être lui-même matériel, car il serait entièrement déterminé et de même nature que ce qui est à connaître. Si un déterminisme règle la matière, pour le théoriser, il faut une possibilité d'abstraction soit transcendantale (Kant), soit idéale (platonisme), soit spirituelle (divine), séparée d’elle. Le Sujet, comme entité spirituelle ou idéale supposée, serait présent en l’Homme et penserait une nature matérielle extérieure à lui.

1.2 La dualisation par la nature

Le mot « naturalisme » a été forgé par les théologiens à la fin du XVIIe siècle pour désigner les doctrines qui excluent de la réalité la providence et les interventions divines. La nature, c’est le Monde auquel on aurait retiré le surnaturel, mais pas seulement ; la nature exclut aussi le monde social et humain. La culture n’en fait pas partie. La notion de nature sous-entend un domaine autre, culturel, différent de la nature et une coupure plus ou moins radicale entre les deux.

Le terme de nature, employé par Hobbes, Locke, Condillac, est repris et utilisé par Jean-Jacques Rousseau au XVIIIe siècle, chez qui l’opposition entre nature et culture est exprimée explicitement. Par rapport à l’homme, il l’utilise comme un artifice de méthode. Si par une expérience de pensée, on le ramenait à son animalité naturelle que resterait-il ? Peu de choses selon Rousseau, car beaucoup de ce qui caractérise l’homme vient d’une transformation : station debout, langage, institutions, bien commun. Par là, l’homme est un être de culture.

Robert Lenoble dans son Histoire de l’idée de Nature décrit le moment de mécanisation et de séparation de la nature et de l’homme. Au XVIIe siècle,

« en quelques années la nature va déchoir de son rang de déesse universelle pour devenir, disgrâce encore jamais connue, une machine » et elle « n’a plus rien à apprendre à l’homme sur la destinée de son âme : elle et lui ne sont plus du tout sur le même plan » 4.

Monde humain et monde naturel se séparent. Nous aurions affaire à deux mondes et non plus au Monde comme totalité. Le terme de monde est souvent employé pour définir des régions limitées et particulières, d’où notre insistance pour bien différencier cet usage de celui par lequel on désigne tout ce qui existe.

1.3 La dualisation par les qualités

Alexandre Koyré le dit de cette manière :

« Pourtant, il y a quelque chose dont Newton doit être tenu pour responsable ou, pour mieux dire, pas seulement Newton, mais la science moderne en général : c’est la division du monde en deux. […] Ainsi le monde de la science -le monde réel- s’éloigna et se sépara entièrement du monde la vie [...] » 5.

La distinction entre qualités premières et qualités secondes divise aussi le monde en deux. On trouve cette distinction chez René Descartes, ainsi que chez John Locke pour qui les qualités constatées par l'expérience ordinaire (le fait que l’objet soit dur ou mou, coloré ou pas, etc.), étant fluctuantes, il faut leur substituer des qualités premières plus solides comme l’étendue et le mouvement.

Le même type de raisonnement se retrouve chez Thomas Hobbes. Les qualités que nos sens nous montrent sont des apparences. « il n'y a réellement dans le monde, hors de nous, que les mouvements » 6. Ce n'est pas simplement une réserve sur l'insuffisance de la perception empirique, c'est aussi une dichotomisation du Monde en apparence sensible d'une part et substance réelle d'autre part, substance constituée par l'étendue et le mouvement. Cette dualité efface la gradation possible entre les diverses catégories de faits pour opposer l’apparence sensible à la substance étendue. La recherche du réel derrière les apparences conduit à une opposition entre le factuel apparent (illusoire) et le constituant premier substantiel (qui serait réel).

Ce monde réel selon la modernité, Alfred North Whitehead le décrit dans Science and the modern world comme « de la matière qui se précipite sans fin et sans signification ». La séparation du monde en deux est nommée par Alfred North Whitehead du terme étrange de « bifurcation de la nature » 7. Cette dualisation (bifurcation) commence par le dualisme cartésien, qui introduit un clivage dans le monde :  « il y a les substances matérielles ayant des relations spatiales et les substances mentales. Les substances mentales sont extérieures aux substances matérielles. Aucun de ces deux types de substances ne requiert l’autre pour compléter son essence » 8. Il y a des entités dont on peut dire qu’elles sont ici dans l’espace-temps et elles sont matérielles ; et il y en a d’autres auxquelles on ne peut attribuer de localisation simple ce sont les « esprits pensants ».

De cette première séparation en découlent bien d’autres :

« Le monde objectif de la science se limitait à un simple matériau spatial ayant une localisation simple dans l’espace et le temps, et soumis à des règles définies relatives à son mouvement. Le monde subjectif de la philosophie annexa les couleurs, les sons, les odeurs, les goûts, les touchers, les sensations corporelles, lesquels formaient les contenus subjectifs des pensées de l’esprit individuel » 9.

Ce partage des tâches entre la science et la philosophie, qui correspond à ce que Charles Percy Snow appellera en 1959 « les deux cultures » respectivement « sciences » et « humanities » 10. Sa thèse était que la vie intellectuelle de l'ensemble de la société occidentale » a été divisée en deux cultures et que c’est un obstacle majeur à la résolution des problèmes du monde.

1.4 Une dualité qui se réplique

La coupure est l'un des schèmes directeurs de la pensée moderne, quelle que soit la forme qui lui soit donnée. On la trouve réitérée dans la série des oppositions traditionnelles omniprésentes : esprit / matière, homme / nature, déterminisme / liberté, sensible / intelligible, nature / culture, sujet / objet. Ces nombreuses coupures se répondent et s’entrecroisent.

L’un d’elle domine, c’est l’opposition entre sujet et objet ou esprit et monde. Que ce soit dans la science ou dans la philosophie, on suppose un sujet unifié d’où partirait la connaissance. Le sujet observe et explique les objets extérieurs situés dans la réalité du monde. Dans cette configuration, le sujet ne peut s’étudier lui-même. S’il le voulait, il tomberait sur des contradictions comme celle d’un sujet devenu objet, ou d’un objet qui s’étudierait lui-même, ou d’un déterminisme pourvu de raison.

À ces coupures fondamentales répond une dichotomisation des connaissances. Elles seront philosophico-littéraires (les humanités) pour l’humain, la subjectivité, la société et la culture et scientifiques pour les choses et la nature. Des évolutions ont eu lieu, mais cette disposition générale n’a pas changé depuis la fin du XVIIe siècle. Certes la vision naturaliste et la pensée rationnelle se sont imposées, modifiant le paysage culturel occidental et le savoir a progressé de façon exponentielle, mais le grand clivage dichotomisant esprit/nature et son effet sur les connaissances, a persisté. La séparation « s’est durcie tout au long du XXe siècle » 11 posant d’un côté l’étude de la nature, de l’autre celle de l’esprit et de la culture. S’est opéré un « regroupement dichotomique des concepts fondamentaux de toute anthropologie » 12 posant d’un côté l’universel et l’inné, avec de l’autre le particulier et l’acquis. L’humain s’est trouvé écartelé entre la nature et la culture.

Ce socle épistémique est repris et défendu par de nombreux auteurs, qu'ils soient philosophes ou scientifiques. La coupure fondamentale entre le sujet et l’objet, et entre l’esprit et la nature persiste actuellement. L’étude scientifique de cette dernière, se fait selon le paradigme issu de la science moderne. Pourtant, les sciences par leur multiplication et leur extension mettent en cause cette vision clivante. Nous y reviendrons longuement. Une manière de résoudre la tension occasionnée par le dualisme, c’est de déclarer l’unité du monde. Diverses formes de monismes radicalement opposées sont venues remanier le paysage épistémique de la modernité : l’idéalisme et le matérialisme.

2. L’unité par le monisme

2.1 L’idéalisme absolu

L'idéalisme affirme que l'être est primordialement idéel, autrement dit, que la substance constitutive du monde est spirituelle. Les Idées, l'Esprit sont le réel lui-même et ils conditionnent la réalité empirique. L'idéaliste explique la permanence du monde par la substance spirituelle et les idées éternelles. Les aspects factuels et concrets sont la réalisation transitoire des Idées. L'homme, par sa pensée et sous certaines conditions, accède aux idées se réalisant dans le monde ou dans l'Histoire humaine. Le courant idéaliste suppose des idées dans un ultra-monde idéel qui n'est pas le monde naturel fini, mais qui le façonnent.

L’idéalisme, de Platon à Hegel, s’appuie sur l’argument d’une unité de l'activité de l'Esprit qui serait attestée subjectivement. L’Esprit, noté avec une majuscule, serait l’entité fondatrice et première. Extérieur et objectif, l’Esprit est connu par la conscience. Ou encore intériorisé, il serait saisi par la conscience de l'effort (Maine de Biran) ou par la conscience de la pensée (Descartes). Un autre argument tient à la découverte de lois de la nature qui seraient la trace évidente du règne des idées. De ces arguments l’idéaliste conclut une substance idéale, un Esprit universel, ce qui est typiquement une opinion métaphysique.

Le paroxysme de l’antiréalisme et de l’idéalisme a été atteint par Berkeley, annonçant qu’il n’y a rien de dehors de ce qui est conçu par l’esprit (Les principes de la connaissance humaine, 1710). L’idéalisme allemand et britannique, le spiritualisme français, sont des courants philosophiques qui ont été très puissants au XIXe et au début du XXe siècle. Ils pendront diverses formes. L’idéalisme a dominé les universités britanniques (et celles de son empire) pendant une cinquantaine d’années à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. L’idéalisme allemand s’est développé avec Schelling, Fichte, Hegel.

Les différents idéalismes professent une métaphysique qui prétend triompher du dualisme, réconcilier le particulier et l’universel et constituer un savoir absolu. L’auteur le plus connu et le plus influent, Karl Friedrich Hegel suppose que l’esprit est un principe impersonnel, rationnel et universel qui gouverne le monde. L’idéalisme résorbe le dualisme, car la substance est idéale/spirituelle est le monde. L’esprit substance éternelle est. Il devient l’être là immédiat et crée ainsi un monde, qui peut être saisi de manière phénoménologique. La métaphysique hégélienne est moniste. Elle pose la substance éternelle ou Esprit au fondement de tout qui est l'Un.

En France, le courant idéaliste a pris la forme du spiritualisme dans la lignée de Blaise Pascal. On trouve Maine de Biran, Félix Ravaisson, Jules Lachelier, Henri Bergson, au XIXe siècle. On peut distinguer au moins deux directions au spiritualisme français : pour les uns le spirituel coïncide avec l'intériorité du vital, pour les autres la subjectivité est spirituelle, radicalement différente de la vitalité. Maine de Biran inaugure cette seconde tradition et le bergsonisme est l'épanouissement de la première.

L’idéalisme et le spiritualisme, qui sont de puissants courants philosophiques, ont eu peu d’impact dans les approches scientifiques empiriques. Par contre, ils ont, en dehors de leurs aspects religieux, inspiré de larges développement artistiques littéraires et philosophiques (romantisme, idéalisme allemand, spiritualisme français). Ils ont largement imprégné la culture.

2.2 Les matérialismes et le naturalisme

Dans la modernité, le matérialisme apparaît avec Julien Onfray de la Mettrie (1709-1751) et se développe avec Denis Diderot et ses amis Paul Thiry d’Holbach et Claude-Adrien Helvétius. Il reste minoritaire. L’historien Robert Lenoble note que « le XVIIIe siècle « gardait trop de souvenirs de l’esprit religieux pour arriver tout de suite au naturalisme matérialiste »13. Si on lit de près ces auteurs on s’aperçoit que leur matérialisme n’est pas mécaniste, mais plutôt inspiré du vivant et accorde une place à l’organisation.

Au XIXe siècle, une nouvelle philosophie de l’histoire et de la société prend la forme de l’économie politique. Le matérialisme de Marx et Engels participe de cette tendance. Dans Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique (1866), Engels souligne que pour le matérialisme, c’est la nature et non l’esprit qui constitue l’aspect primordial. Pour Marx, les idées (politiques, morales, philosophiques, religieuses,…) résultent des rapports de production. Le matérialisme prend la forme d’une dépendance des idées aux conditions concrètes d’existence. C’est une réaction d’opposition à l’idéalisme hégélien et à la religion. Il est moins question de matière que de réalité concrète et de rejet des fictions comme explication de la réalité. Le matérialisme devient bannière ralliant ceux qui s’opposent au religieux, à l’irrationalisme, à l’idéalisme spiritualiste. L’enjeu n’est pas seulement philosophique, il est aussi idéologique.

C’est cet aspect du matérialisme, l’attitude critique anti spiritualiste que Dubessy Lecointre et Silbertein affirment :

« La thèse centrale du matérialisme est : tout ce qui est réel est matière quel que soit le degré d'organisation) . Le matérialisme est donc une doctrine ontologique stipulant que les entités existantes , constitutives du monde, sont matérielles, ou, autrement dit qu'il n'existe pas d'entités immatérielles en tant que constituants » 14.

Par conséquent, la matière est définie par opposition à l'immatériel et le matérialisme se situe comme antidote à l'illusion spiritualiste. Jean Bricmont écrit :

« Le matérialisme scientifique se réduit sans doute à cela : comprendre et défendre l’approche scientifique de la réalité à tous les niveaux, qu’il s’agisse des étoiles, des animaux ou des hommes et de leurs sociétés » 15.

En ce sens précis le matérialisme serait une famille de pensée plutôt réaliste et pragmatique attaché au concret et se gardant des illusions et des croyances. Il s’agit là tout simplement d’une approche scientifique de la réalité. Est-il nécessaire de qualifier cette approche de « matérialiste »  et de faire référence à la matière qui est une notion métaphysique sujette à caution ? En arrière-plan, se joue un combat idéologique contre l’idéalisme et le dualisme.

Le refus du spiritualisme ou de l’idéalisme, la recherche d’explications rationnelles, l’adoption d’un point de vue réaliste sur le monde considéré comme immanent, tout cela constitue un corps de doctrine qui a été à partir du XVIIe siècle qualifié de « naturaliste ». Ce naturalisme dans sa version rationnelle n’implique pas de supposer une substance matérielle, il peut être phénoméniste ou se déclarer agnostique quant à la substance. Si l’on veut comprendre l’épistémè moderne et ses évolutions, il faut distinguer les deux doctrines.

Ce courant « affirme une unité de type de tous les phénomènes observables, physiques, vitaux, moraux, sociaux, humains ou animaux, et cherche leur liaison commune dans leur rapport à cette entité qui appelée nature » écrit Émile Bréhier 16 reliant matérialisme et naturalisme. De nombreux auteurs contemporains comme Denis Colin, Pascal Charbonnat, Guillaume Lecointre, maintiennent leur indistinction. Cette association, quoiqu’elle existe de fait chez divers auteurs, n’est, ni en droit ni en fait, parfaitement légitime.

Le matérialisme si on lui donne un sens strict implique l’hypothèse de la matière comme substance. On ne voit pas trop quelle légitimité il y aurait à parler d’un matérialisme qui serait sans matière. Cette substance, ce constituant unique homogène et perdurant du réel, se manifesterait factuellement dans l'ensemble de la réalité.

2.3 Vers le réductionnisme

Au XXe siècle le matérialisme se radicalise en physicalisme. L’alliance du matérialisme et du réductionniste a conduit jusqu’à l’éliminativisme qui comporte un refus de l’autonomie de la pensée, voire en conteste l’existence. Cette situation vient de l’assimilation de l’esprit et de la pensée. Le refus du spirituel-immatériel fait douter de la pensée et conduit à la réduire à quelque chose de matériel, dans ce cas le cerveau.

La volonté de science étant forte, notre modernité a décidé d’inclure l’humain dans la recherche scientifique. Mais, le socle moderne, par principe, évince l’esprit et le sujet, de l’étude scientifique. Dès lors comment procéder ? Il y a deux possibilités : il faut soit exclure cette part de l'homme des objets d'étude, soit la réduire à l'autre, la part matérielle. Ces deux procédés sont utilisés. L’un consiste à exclure l’esprit pour s’en tenir au « comportement », jugé le seul acceptable. L’autre consiste à naturaliser l’esprit, c’est-à-dire le ramener à un fonctionnement de type physiologique ou informatique (le projet mécaniste ayant été abandonné).

La bataille a commencé à la fin du XIXe siècle et elle continue avec acharnement dans le domaine de la psychologie et des neurosciences, domaines qui constituent actuellement l’un des fronts majeurs de cette guerre philosophique. Cet affrontement réitère, avec les moyens de la science contemporaine, la bataille contre l’idéalisme et le dualisme apparue au XVIIIe siècle.

3. La prudence empirique

3.1 Seulement des faits

La science newtonienne ouvre la voie à une approche formelle confrontée aux faits, sans avoir à se soucier d’un arrière-plan substantiel ou pas. La volonté empirique se retrouve dans toutes les sciences. Des philosophes du XVIIe et XVIIIe siècles Locke, Hume, le formulent et l’étendent, au point d’en faire un système. Au XIXe siècle l’attitude consistant à s’en tenir aux faits a été formalisée et clarifiée sous le nom de phénoménisme, ce qui a donné le courant positiviste en philosophie et en science. Le corollaire du phénoménisme est un agnosticisme ontologique : on ne se prononce pas sur le réel, sur ce qui est constitutivement.

Une telle attitude est prônée par des figures influentes tel Paul Du Bois-Reymond, devenu célèbre à la fin du XIXe siècle. Le discours qu'il prononça lors de sa nomination comme recteur de l'université de Berlin, intitulé Ignorabimus, portait sur la limite de la connaissance dans une perspective d’inspiration kantienne. Ces limites sont constituées par les origines (origine du mouvement, origine de la vie) et par la nature de la substance. Cette attitude est assez largement partagée par la communauté scientifique. Derrière les faits, on peut supposer un être en soi qui échappe à l’expérience directe et donc à la connaissance scientifique. Cette manière de voir est une interprétation de la doctrine de Kant, un « néokantisme » assez répandu dans l’élite intellectuelle.

Au XIXe siècle, le progrès des sciences et des techniques (électricité, thermodynamique, chimie industrielle…) donne du crédit à la philosophie positiviste, mise en avant par Claude Bernard et Auguste Comte. Cette philosophie se prononce contre la métaphysique jugée naïve. Le fort impact du positivisme explique pourquoi la métaphysique idéaliste est restée cantonnée au milieu philosophique. Auguste Comte considère que « L’intime structure des substances réelles nous demeure nécessairement inconnue » 17. Pour les tenants de la science positive, le réel en soi est inaccessible et ne peut faire l'objet d'une étude scientifique. Seuls les phénomènes et les rapports qu'ils entretiennent entre eux sont connaissables. La réalité scientifique est la réalité empirique, celle des faits observables.

Le phénoménisme s’accompagne généralement d’un réalisme empirique qui considère que les faits perçus extérieurement à nous existent par eux-mêmes, sans autre forme de procès. Ils sont saisis et reliés par des lois grâce à l’esprit humain. Le phénoménisme du positivisme est une alternative intéressante au substantialisme. Il ne présente pas d’inconvénient du point de vue de la connaissance, car il ne produit pas de limitation quant au domaine d’investigation dans la recherche scientifique. Dans le positivisme, la coupure duelle persiste malgré tout, car il faut un esprit pour objectiver les faits, esprit qui ne peut s’étudier lui-même, dira Auguste Comte. On voit surgir le problème, si l’esprit n’est pas accessible à l’expérience, il n’est pas factuel et s’il n’est pas factuel, il n’a pas statut de réalité. Globalement s’en tenir aux faits est parfaitement légitime et peut suffire dans bien des cas. Mais, pour certains, c'est insatisfaisant. La question sur la constitution du Monde reste en suspens.

3.2 À quelle ontologie se vouer ?

S’en tenir aux faits évite d’avoir à supposer une ou des substances. Le débat sur la substance dans la modernité a opposé les partisans de la substance globale et unique ou partielle et qualifiée de matérielle ou spirituelle. Les plus prudents en ont fait une catégorie neutre (la forme persistante de l’être) assortie d’une clause agnostique, et enfin, les opposants la dénoncent comme une affirmation métaphysique inutile.

La métaphysique substantialiste qui persiste de la naissance de la modernité jusqu’à l’époque contemporaine a une influence philosophique et scientifique non négligeable. La tentative d’y échapper par l’adoption d’un point de vue purement empirique est une voie possible, mais elle est constamment débordée par le retour du substantialisme.

L’idée de substance présente plusieurs inconvénients. Celui de déclarer une permanence, une solidité, une stabilité, voire une éternité et une unité dont on n’a aucune preuve. La permanence supposée de la substance exclut les changements, ce qui conduit vers un monde figé. Or, les connaissances actuelles montrent que, s’il y a une certaine permanence dans l’Univers, il est pluriel et sujet à des changements au cours du temps. La substance étant par définition première et indivisible, comment expliquer la diversité et les changements que nous constatons indubitablement dans l'Univers ? Il faudrait une substance multiple, ce qui est contradictoire.

C'est la traditionnelle question de l'Un et du multiple, déjà présente chez Parménide. Qu’il n’y ait qu’un Monde, ne veut pas dire qu’il soit Un. S’il est déclaré Un, unifié en une substance unique, finalement assimilable à Dieu selon certains, on tombe sur les apories de l’être qui serait Un. Comment apparaît le multiple, la diversité ? Comment l’Un peut-il créer quoi que ce soit sans cesser d’être Un ? Il faut au minimum scinder l’Un, au minimum en deux, esprit et matière, ou Esprit et monde phénoménal, et il n’est alors plus unifié. Surgissent ensuite les difficultés du dualisme évoquées au-dessus.

Affirmer une ou plusieurs substances, c’est porter un jugement définissant ce qui est ce qui engendre une série de contradictions insurmontables. La substance est l’être spécifié comme étant d’une certaine sorte et cela dépasse ce qu’il est possible de penser de manière rationnelle. Dit autrement, ces questions métaphysiques ne peuvent trouver de réponses. Par opposition, une ontologie fondée sur les sciences empiriques donne des pistes intéressantes sur la constitution de l’Univers. Ce sont les mêmes types de questions, mais placées dans un autre cadre théorique, plus restreint et plus sûr.

Conclusion : Le socle épistémique de la modernité

Peter Strawson appelle métaphysique du sens commun la conception ordinaire du monde 18. Il s’agit de la décrire et non d’y adhérer. C'est de ce second aspect que nous avons traité ici, en l’incluant dans un ensemble plus vaste, ce que nous avons nommé le socle épistémique de la modernité. L'inventaire fait dans cet article correspond à la description de la métaphysique philosophique qui se confond avec celle du sens commun. Dualisme et monisme sont, en effet, partagés par l’une et l’autre. 

Les coupures entre sujet et objet, esprit et matière, homme et nature, pensée et corps, culture et nature, sont omniprésentes dans la modernité. S’y ajoute la coupure entre ce qui est accessible à la philosophie naturelle ou science de la nature et ce qui y échappe, et relèvera de la théologie, de la philosophie, ou de la littérature. Le naturalisme rationnel a été extraordinairement porteur pour la culture occidentale. Il a désacralisé le monde, mais il a dû maintenir l’esprit pour expliquer sa propre connaissance désenchantée et l’existence de la culture pour se positionner en regard de la nature. D’où une tension constante provoquant d’incessantes tentatives de résolution des coupures par les métaphysiques monistes.

À côté du dualisme, il y a eu dans la modernité des propositions métaphysiques concurrentes, à la fin du XVIIIe siècle, comme le monisme de Spinoza et la monadologie de Leibniz. Spinoza suppose une unique substance envisageable selon deux attributs, ceux du corps et de l’esprit, conception très complexe étroitement liée à la théologie. Leibniz s’oppose au dualisme et au matérialisme et y substitue une monadologie selon laquelle chaque portion du monde contiendrait tout ce qui le constitue. Ces doctrines ne sont pas venues contrebalancer la pensée dominante. Le dualisme des substances est resté jusqu’à nos jours et n’a rencontré comme véritable concurrent que le matérialisme.

Le matérialisme résout le problème en misant sur une unique substance matérielle. Il reconnaît toutefois le plus souvent l’existence de la pensée. C’est sa forme éliminativiste du XXe siècle qui finalement résout complètement le problème en réduisant la pensée à un épiphénomène du fonctionnement neuronal. L’idéalisme résout aussi la coupure, car si la substance fondatrice du Monde est idéale/spirituelle, ce qui apparaît dans l’expérience peut être considéré sous un jour factuel et événementiel, sans fondement ontologique. Ni matérialiste, ni idéaliste, le positivisme tente de s’exonérer de ce débat métaphysique en s’en tenant aux faits empiriques, mais une coupure persiste, car il faut un esprit pour objectiver les faits.

Depuis le XVIIe siècle, nous sommes dans la même épistémè dichotomisante qui provoque un débat sans fin, entre ceux qui acceptent la coupure et ceux qui la refusent. C’est une querelle à la fois métaphysique et épistémologique caractéristique du fondement épistémique de la modernité. Elle est fondée sur le naturalisme rationnel qui désacralise le monde, mais aussi, et tout autant, sur le dualisme et les diverses coupures du monde qui l’accompagnent. Il s’ensuit une grande ligne de tension épistémo-ontologique séparant la nature et les sciences de la nature d’un côté d’avec l’esprit et une approche compréhensive, littéraire ou philosophique de l’autre. Philippe Descola parle d’une tension dynamique du naturalisme qui lui donnerait sa fécondité 19. Mais cette tension met les sciences humaines dans une position difficile, à cheval sur deux domaines incompatibles.

Le fond du problème tient à l’ontologisation substantifiante des différences. Si on en restait à une attitude descriptive, distinguant la nature (le monde environnant hors activité humaine) et la culture (les transformations produites par l’activité humaine), ou si on se contentait de différencier la pensée (comme activité intellectuelle) et les choses (entités inactives et concrètes), cela n’aurait aucun inconvénient. Au contraire, ce sont des distinctions utiles. Mais on passe, hélas, d’un régime descriptif neutre à un régime prescriptif sur l’être, qui a des conséquences sur la suite des raisonnements.

Une philosophie rationnelle et empirique de la sphère naturelle a vu le jour au XVIIe siècle et surtout dans la seconde moitié de la XVIIIe. En se pourvoyant d’une méthode appropriée cette réflexion est devenue scientifique. Le naturalisme a légitimé l’étude empirique du monde environnant et les sciences ont acquis droit de cité. Il était inévitable qu’elles s’appliquent un jour à l’homme et à la société, même si, au départ, cela semblait exclu. Mais elles sont dans une position difficile, car leur domaine n’est pas naturel. Or les sciences s’occupent de la sphère naturelle. Pourrait-il y avoir une science de ce qui est séparé de la nature ? L’homme et sa culture ne font pas partie de la sphère naturelle, car l’un comme l’autre présentent des particularités empiriques qui les distinguent nettement de l’environnement naturel. Le mode de connaissance scientifique peut-il s’appliquer à l’homme, à la pensée, à la culture  ? C’est une controverse qui traverse la modernité à partir du XIXe siècle et qui de nos jours est encore très présente. La solution la plus simple, soutenue par certains, est de garder la dichotomisation de l’homme et de traiter scientifiquement ce qui correspond à la nature en lui (sa physiologie, son cerveau) et laisser à la philosophie ce qui concerne sa pensée, son esprit. L’autre possibilité est d’inclure ces derniers aspects dans la nature, mais au prix de nier certaines particularités ? C’est la voie des divers courants matérialistes et réductionnistes, jusqu’à défendre un éliminativisme radical.

L’ère moderne se caractérise par l’omniprésence du dualisme et de la « coupure du monde ». À chacun des deux mondes correspondraient deux méthodes d’études différentes et incompatibles. Qu’on y adhère ou qu'on y soit rétif, le schème intellectuel de la coupure forme une contrainte à laquelle la pensée contemporaine peut difficilement échapper. Les coupures entre sujet et objet, pensée et matière, homme et nature, esprit et corps, sont omniprésentes. S’y ajoute la coupure entre ce qui est accessible à la philosophie naturelle ou science de la nature et ce qui y échappe et relèvera de la théologie ou de la littérature. Elle engendre des oppositions et une vaste querelle à multiples facettes à laquelle les sciences humaines et sociales ont pleinement participé comme on va le voir un peu plus loin.

On constate dans les milieux savants une domination progressive du matérialisme naturaliste, sans que l’on sache bien ce qu’est la matière. La tendance physicaliste et réductionniste tente de se débarrasser de l’esprit, au prix de nier une partie de l’Homme (son intellect) et de la Société (la culture). Le naturalisme rationnel a été extraordinairement porteur pour la culture occidentale. Il désacralise, sécularise, chasse la providence de la nature. Cependant, comme il est difficile de nier l'intellect et la culture, le naturalisme est paradoxalement obligé de maintenir en partie l’esprit pour expliquer sa propre connaissance désenchantée.

« Le débat philosophique entre spiritualistes et matérialistes, sur l’origine de la pensée tend à se résorber sous le poids de la recherche empirique » écrit Pascal Charbonnat 20. On peut voir les choses ainsi, mais notre interprétation serait plutôt que les recherches empiriques sont structurées en arrière-plan par cette opposition. Si on reprend l’idée de paradigme avancée par Thomas Khun et précisée en termes de « matrice disciplinaire », ces aspects comportent « une conception du monde ». Il est patent que la coupure et sa contestation forme une conception centrale qui structure les champs disciplinaires (domaines de la connaissance).

Le paysage épistémique ainsi constitué est complexe. Une première coupure sépare deux contrées, l’une idéale, l’autre matérielle, censées se rejoindre en l’homme par un miracle mal élucidé. Une seconde faille sépare la nature et la culture. Elle se traduit par la coupure épistémologique séparant la science de la littérature ; à quoi a succédé le clivage entre sciences de la nature et sciences de la culture, lorsque finalement au XIXe siècle on a voulu étudier scientifiquement l’homme, la société, la culture et leurs histoires 21. Cela s’est traduit par la Methodenstreit, la querelle des méthodes. Elle a opposé, à la fin du XIXe siècle, les partisans d'un abord de type explicatif identique à celui des sciences de la nature, à ceux partisans d'un abord compréhensif, propre aux sciences de l’esprit. Vers les années 1890, la distinction entre comprendre et expliquer érige un clivage des connaissances qui fera date, celui entre sciences de la nature et sciences de la culture. En arrière-plan se situe le problème ontologique fondamental : l’esprit a-t-il une existence réelle ou faut-il le ramener à la matière et au concret ?

La lutte entre monisme et dualisme fait s’entrecroiser plusieurs oppositions qui se recoupent, ou pas, selon les cas. La plus fondamentale est celle entre matière et idéalité. Elle est reprise dans le dualisme corps-esprit et la séparation entre la nature et culture. Le refus du dualisme conduit soit vers un idéalisme absolu, soit vers le matérialisme. Mais, il existe une autre manière (pluraliste) de concevoir le Monde et l’Univers.

Notes :

1 Baschet Jérôme, Corps et âmes. Une histoire de la personne au Moyen Âge, Paris, Flammarion, 2016, p. 283.

2 Ibid., p. 293.

3 Ryle Gilbert, La notion d'esprit, Paris, Payot, 2005, pp. 75-77.

4 Lenoble Robert, Histoire de l’idée de Nature, Paris, Albin Michel, 1969, pp. 310-324.

5 Koyré Alexandre, Études newtoniennes, Paris, Gallimard, 1968, p. 42-43.

6 Hobbes Thomas, De la nature humaine, Chapitre II, § 10, 1640

7 Gautero Jean Luc. Le concept de substance chez Whitehead et Russel. Philosophie Science et Société. https://philosciences.com/22

8 Whitehead Alfred -North., Modes de pensée, tr. H. Vaillant, Paris, Vrin, 2004, p. 168.

9 Whitehead Alfred-North, La Science et le monde moderne, Paris, Éditions du Rocher, 1994, p. 172-173.

10 Snow Charels Percy, The Two Cultures, Londre, Cambridge University Press, 1959.

11 Andler D., Fagot-Largeault A., Saint-Sernin B., Philosophie des sciences, Paris, Gallimard, 2002, t II, p. 772.

12 Ibid.

13 Lenoble Robert, Histoire de l’idée de nature Paris, Albin Michel, 1969, p. 342.

14 Dubessy Jean, Lecointre Guillaume, Silbertein Marc, Les Matérialisme (et leurs détracteurs), Paris, Sylepse, 2004, p. 8.

15 Sokal Alain, Bricmont Jean, Impostures intellectuelles, Paris, Odile Jacob, 1997.

16 Bréhier Émile, Histoire de la philosophie, Paris, PUF, 1981, p. 389.

17 Comte Auguste, Système de politique positive, Introduction, t. II.

18 Strawson Peter F., (1959) Les individus : essai de métaphysique descriptive, Paris, Seuil, 1973.

19 Philippe Descola. Interview au collège de France par Dominique Bourg et Alan Papaux. 2009. https://www.youtube.com/watch?v=Upu9yEm3VFo

20 Charbonnat Pascal, Histoire de philosophies matérialistes, Paris, Kimé, 2013, p. 556.

21 Juignet Patrick, Une philosophie pour les sciences humaines et sociales, Nice, Libre Accès Éditions, 2023.

 

Bibliographie :

Andler D., Fagot-Largeault A., Saint-Sernin B., Philosophie des sciences, Paris, Gallimard, 2002, t II.

Baschet Jérôme, Corps et âmes. Une histoire de la personne au Moyen Âge, Paris, Flammarion, 2016.

Bréhier Émile, Histoire de la philosophie, Paris, PUF, 1981.

Charbonnat Pascal, Histoire de philosophies matérialistes, Paris, Kimé, 2013.

Comte Auguste, Système de politique positive, Introduction, t. II.

Descola Philippe. Interview au Collège de France par Dominique Bourg et Alan Papaux. 2009. https://www.youtube.com/watch?v=Upu9yEm3VFo

Dubessy Jean, Lecointre Guillaume, Silbertein Marc, Les Matérialismes (et leurs détracteurs), Paris, Sylepse, 2004.

Gautero Jean-Luc. Le concept de substance chez Whitehead et Russel. Philosophie Science et Société. https://philosciences.com/22.

Hobbes Thomas, De la nature humaine, Chapitre II, § 10, 1640.

Juignet Patrick, Une philosophie pour les sciences humaines et sociales, Nice, Libre Accès Éditions, 2023.

Lenoble Robert, Histoire de l’idée de Nature, Paris, Albin Michel, 1969.

Koyré Alexandre, Études newtoniennes, Paris, Gallimard, 1968, p. 42-43.

Ryle Gilbert, La notion d'esprit, Paris, Payot, 2005.

Snow Charels Percy, The Two Cultures, Londres, Cambridge University Press, 1959.

Sokal Alain, Bricmont Jean, Impostures intellectuelles, Paris, Odile Jacob, 1997.

Strawson Peter F., (1959) Les individus : essai de métaphysique descriptive, Paris, Seuil, 1973.

Whitehead Alfred-North, La Science et le monde moderne, Paris, Éditions du Rocher, 1994.
                                       Modes de pensée, tr. H. Vaillant, Paris, Vrin, 2004.