Revue philosophique

L'historicisation de la pensée montre que la pensée est liée au contexte historique, ce qui conduit à privilégier l'étude des influences externes sur le développement des processus de connaissance, sur la transmission des savoirs et sur les modes de pensée ou des normes et valeurs sociales. Le terme historicisme (ou historisme*) désigne le courant philosophique qui affirme que les courants de pensée sont liés à une situation historique. Il a pris une valeur péjorative, car lorsque l'on veut critiquer cet abord historique, on parle « d'historicisme ». 

Certains dénoncent les doctrines considérant que la pensée ou les objets d'étude puisse être liée à un contexte socio-historique. Cette attitude, en privilégiant l'étude des conditions de possibilité de la pensée, raterait la valeur propre de la pensée, son autonomie, sa vérité intrinsèque. Le terme historicisme contient implicitement le reproche d’un relativisme ou d'un scepticisme sans demi-mesure - mais ce reproche vient généralement d’auteurs prônant un idéalisme critiquable, ou un rationalisme excessif ! Il doit donc être pris avec prudence.

Si le reproche est parfois justifié, le plus souvent, l’évocation des diverses conditions d'apparition des idées (épistémiques, sociologiques, économiques, politiques, etc.), n'implique ni scepticisme, ni relativisme. Rapporter la pensée à une époque et à sa culture, n’exclut pas de la juger intrinsèquement et d'évaluer rationnellement son intérêt ou sa valeur.

Une idée produite historiquement est certes relative à son époque, mais elle n’est pas, de ce fait, suspecte et remplaçable indifféremment par toute autre. La relativisation de la pensée aux conditions qui la permettent, n’impose pas un relativisme excluant le jugement. À un moment donné de l’évolution civilisationnelle et culturelle apparaissent des concepts et principes qui peuvent être jugés rationnellement et évalués pour eux-mêmes. Les deux attitudes sont compatibles et complémentaires. 

L'étude des facteurs externes sur le développement des processus de connaissances et de transmission des savoirs (facteurs sociaux, culturels, politiques) n’exclut pas la prise en compte de leur dynamique propre et de leur logique interne. C'est un équilibre qui est assez bien réalisé, par exemple, par Thomas Khun, grâce au concept de paradigme.

* Vocabulaire technique et critique de la philosophie, André Lalande, 1926.