Revue philosophique

On peut faire remonter le projet d'une histoire des idées à Giambattista Vico qui, dans sa Scienza nuova (1744), appelait à une nouvelle forme d’histoire qui serait une « histoire des idées humaines ». Divers auteurs, tels Benedetto Croce en Italie, Wilhelm Dilthey, Max Weber ou Georg Simmel en Allemagne, ont associé des considérations historiques à la sociologie et à la philosophie. L’histoire des idées, bien que cela n’ait rien de systématique, est plutôt positionnée sur le champ culturel. Au XXe siècle, le philosophe américain Arthur Oncken Lovejoy, enseignant de philosophie à l'Université Johns Hopkins à Baltimore, a jeté les bases de la discipline avec son ouvrage The great chain of being (1933). Il a créé, en 1940, le Journal of the History of Ideas.

L'histoire des idées concerne la pensée, la vie intellectuelle dans une aire culturelle au sein d'une civilisation. Elle reconstruit les évolutions de la pensée individuelle et collective. Les façons de procéder sont variées. On peut reconstituer de manière fidèle les œuvres (Quentin Skinner), mettre au jour des complexes de questions-réponses historicisés (Robin G. Collingwood) ou encore, avec Michel Foucault, s'attacher à « l'histoire de ce qui rend nécessaire une certaine forme de pensée » (Dits et écrits, p. 221) et bien d'autres méthodes.

La pensée, considérée comme collective et partagée, se construit selon une dynamique au sein d’un contexte socioculturel qui en détermine en partie la possibilité et en conditionne la réception. La mise en œuvre rationnelle d’un ensemble de concepts et principes conduit nécessairement à certaines conclusions. Mais, il faut aussi tenir compte du devenir collectif du travail de recherche qui dépend de facteurs sociaux. Ces deux dynamiques combinées provoquent des continuités, des ruptures franches ou des bifurcations, car certains aspects sont mis en avant ou d'autres répudiés de manière changeante au fil du temps.

L'histoire de la pensée étudie les discours, les productions littéraires et philosophiques, les conceptions du monde répandues dans la culture à une époque donnée ainsi que leurs variations au cours du temps. Elle s'intéresse à l'apparition et à l'évolution des idées dans différents champs, mais aussi à celles qui les traversent tous à une époque donnée. C'est un domaine situé à l'intersection de l'histoire, de la philosophie et de l'étude des civilisations. L'un des thèmes de l'histoire des idées est de montrer qu’une même façon de penser peut passer d'un domaine à un autre. Comme le note Marc Angenot, ce qui fait « histoire », c'est que les idées sont collectives : elles sont reprises par un petit groupe, puis se déplacent dans une partie de l’opinion publique et, à un moment donné, se traduisent par des actions socialement efficaces.

On a reproché à l’histoire des idées de négliger l’action, de tracer une histoire linéaire et enfin de postuler une dynamique autonome des idées sans tenir compte du contexte. De nombreux auteurs ne procèdent pas de cette manière.