Revue philosophique

Dans la métaphysique idéaliste (platonicienne), l’essence ou l'Idée d’une chose n’implique pas son existence. Cette manière de penser sera reprise dans la perspective chrétienne (Thomas d’Acquin, Wilhelm Leibniz) pour expliquer que la Création fasse passer le Monde de l’essence à l’existence.

À partir de Nicolas Berdiaeff, puis Martin Heidegger, on a appelé la vie humaine « existence », ce qui correspond à son déroulement, à la façon dont chacun éprouve son histoire, l'assume et lui donne un sens. Existence désigne le déroulement conscient de la vie humaine par opposition au néant. Cet emploi a donné les divers courants dits « existentialistes ».

Laissant de côté ces aspects, nous retiendrons seulement deux sens pour le concept d'existence, selon deux points de vue : le point de vue empirique et le point de vue de l'en soi (ce qui existe hors de notre accès immédiat).

Sur le plan empirique, existence qualifie la réalité concrète, attestée par l’expérience commune. Le terme s’oppose à inexistant ou encore illusoire. Il différencie également la réalité des représentations et fictions. La question « est-ce que ça existe ? » sous-entend qu’il s’agit de la réalité concrète. Une ambiguïté surgit, car on peut considérer qu’une représentation existe dans réalité mentale ou subjective. La question de l’existence empirique doit préciser à quel aspect de la réalité, on a affaire. 

Sur le plan de l'en soi, l’existence est la supposition primitive et générale qu’il y a quelque chose et non pas rien ou le néant. Ce que l’existence désigne dans ce cas est neutre et indéterminé. C'est la simple affirmation « il y a », sans préciser quoi ni comment. Existence comme concept ontologique a l'avantage par rapport à « être » d'inclure ce qui advient ou se produit (les événements ou processus), être renvoyant plutôt à un état fixe, statique, éternel. 

L’ensemble de ce qui existe constitue le Monde. L’existence du Monde est un postulat indémontrable de la philosophie réaliste. Il n’admet pas l’ambiguïté ou la demi-mesure, la réponse est oui ou non. Le concept d’existence étant indéterminé, celui de réel vient le compléter en désignant le fondement des déterminations que l’on pense découvrir dans le monde. Celui de substance également, mais il présente des inconvénients. 

Les termes être et existence sont quasiment synonymes, mais ce dernier terme - existence- a été un peu moins investi par la métaphysique. Il a aussi une connotation plus restreinte qui peut le faire préférer lorsqu’on aborde les problèmes ontologiques. 

D'une manière un peu large et rhétorique, on peut soutenir que tout est, mais que certains êtres n'ont pas d'existence. Par exemple, on peut dire d'un personnage de fiction qu'il est, d'un cercle carré qu'il est, puisqu'on les a imaginés, cependant qu'ils n'ont pas d'existence dans la réalité. Il parait préférable d'éviter ces paradoxes en distinguant dans la réalité empirique le concret de la fiction. Une grande partie de la réalité empirique humaine est fictionnelle : contes, récits, mythes, romans, rêves, etc.