Écrit par : Jean-Pierre Castel
Catégorie : Idéologie, mythe et récit

Fanatisme et tentation de l’absolu

 

Le fanatisme n’est pas un dérèglement de la raison mais le fait de succomber à la tentation de l’absolu. La christianisation leva les deux protections que le paganisme avait élevées contre ce risque, l’aversion de l’hubris et la pluralité des dieux. Il fallut attendre Nietzsche pour dénoncer à nouveau la tentation de l’absolu. Le perspectivisme permet de fonder la tolérance.

 

Pour citer cet article : 

Castel, Jean-Pierre. Fanatisme et tentation de l’absolu. Philosophie science et société. 2020. https://philosciences.com/fanatisme-absolu.

 

Plan :

 

 « Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou »
Nietzsche
[1]

 

Introduction

Le mot fanatisme vient de fanum, le temple. A l’origine, le fanatisme est un attachement sans limite à un rituel[2]. Le fanatique ne tolère la moindre déviation, ni pour lui-même, ni pour quiconque appartenant à la communauté censée adhérer à ce rituel[3]. Par extension, le fanatisme est devenu un attachement excessif, passionné, exclusif à une règle, une religion, une cause, un parti. La fanatisme pourra constituer soit une motivation de violence, en attente d’une condition de possibilité du passage à l’acte, soit cette condition elle-même, en tant que justification, pouvant éventuellement servir de prétexte à d’autres pulsions de violence.

Lorsque l’objet de fixation est un texte sacré issu d’une révélation divine qui se prétend source de la loi ou de la morale, on parle d’intégrisme ou de fondamentalisme.

« On ne naît pas fanatique » constate Gérard Haddad, qui préfère d’ailleurs le mot de conversion à celui de radicalisation pour désigner le processus par lequel on le devient[4]. Tout ce qui est perçu comme une menace contre la tradition, qu'il s'agisse de la montée d'un courant concurrent, de la sécularisation, ou du développement des idées modernes ‒ liberté de pensée, tolérance, laïcité - est susceptible d’engendrer une crispation alimentant le fanatisme. Le fanatisme peut ainsi offrir une « prothèse identitaire » dans des situations d'échec, un « refuge identitaire » en cas d’effondrement des autres systèmes de référence, voire l’arme ultime de l’opprimé face à son oppresseur. Mais il s'agit là des conditions qui favorisent le développement du fanatisme plus que de son origine proprement dite. Celle-ci se situe, comme on le verra, dans le refus du pluralisme, dans le déni de la contingence de toute approche humaine de la vérité, dans la peur du doute, autrement dit dans la tentation de l’absolu ‒ l’absolu au sens de ce qui est, ou existe, indépendamment, hors de toute condition : qui n'est pas relatif[5].

On s’intéresse ici au fanatisme possédant une dimension sociale, c’est à dire un comportement qui entend imposer à autrui une règle, une valeur, une cause portées par un collectif. Par extension, le fanatisme désigne aussi un comportement individuel consistant en un « intérêt, goût passionné et parfois excessif pour quelque chose ou quelqu'un »[6]. Au premier, le fanatisme « social », s’oppose l’intolérance, au second, le fanatisme « individuel », la tempérance. Les deux se rejoignent dans l’effacement des limites, la confusion entre le relatif et l’absolu.

Dérèglement de la raison, ou tentation de l’absolu ?

On considère souvent le fanatisme comme relevant d’une pathologie de la raison. Soit parce que, par abus de langage, on identifie la raison à une forme de sagesse, d’équilibre, de conscience des limites. Soit, à l’inverse, parce que la raison est radicale lorsqu’elle distingue le vrai du faux. Ainsi pour nombre d’auteurs, si la Révolution française a conduit à la Terreur, ce serait « la faute à Voltaire », à la déesse Raison, à la confiance excessive placée dans une raison humaine érigée comme autonome, en lieu et place de l’ancienne hétéronomie postulée par la religion. Cette explication du fanatisme prévaut encore aujourd'hui lorsque l'on croit expliquer le terrorisme par un dérèglement de la raison[7].

L’extrémisme ne viole pourtant pas nécessairement les critères de la rationalité ; ce qu’il récuse, c’est le caractère relatif et conditionnel des valeurs, normalement accepté dans la vie quotidienne, au profit d'une priorité inconditionnelle, non négociable, accordée à l’une d’entre elles : il succombe à la tentation de l'absolu, il verse dans ce que les Grecs appelaient l’hubris.

La raison n’est en effet rien d’autre que le pouvoir de raisonner, d’établir des relations nécessaires entre principes et conséquences, causes et effets, moyens et fins. D’un énoncé elle ne dit qu’une chose : qu’il est cohérent ou qu’il est contradictoire. Lorsqu’il s’agit d’une réalité objective, concrète, la raison peut en outre vérifier la conformité de l’énoncé à cette réalité : elle peut décider si une chose désignée comme une table est ou n’est pas une table. Mais dans la cas d’un jugement sur une valeur, un principe, une règle, la raison, ne disposant pas d’une réalité objective à laquelle confronter les prémisses sur lesquelles ces valeurs, principes ou règles s’appuient, ne peut juger que de la cohérence de leur énoncé, sans rien pouvoir dire du sens qu’il véhicule. Elle peut certes tenter de remonter à l’origine des prémisses, mais elle finira toujours par buter sur de nouvelles prémisses en amont.

Aussi, pour les énoncés qui sortent de l’évidence concrète, la finitude de la condition humaine ne permet au mieux que d’approcher leur valeur de vérité (vrai ou faux), à supposer qu’elle existe. La vérité est en outre susceptible d’apparaître sous des aspects différents, selon le point de vue, le contexte, la culture, l’histoire de chacun, comme chacun voit une montagne différemment suivant qu’il l’observe depuis le Nord, le Sud, l’Est ou l’Ouest, sans que cette multiplicité d’aspects soit en elle-même nécessairement contradictoire,. 

Même la science, qui pourtant ne se préoccupe que des réalités concrètes, fournit des exemples de cette irréductibilité des points de vue. Une particule élémentaire peut ainsi nous apparaître sous forme soit corpusculaire, soit ondulatoire. Nous scrutons l’infiniment petit avec la mécanique quantique, l’infiniment grand avec la relativité générale, sans que l’on soit en mesure d’unifier ces deux approches, au moins dans l’état actuel de la science. Plus généralement, toute théorie scientifique n’a qu’un domaine de validité restreint ; la science progresse lorsqu’une nouvelle théorie permet d’élargir ce domaine de validité, en remettant en cause des a priori hérités du passé, en débusquant des faux absolus, plus souvent qu’en corrigeant des erreurs à proprement parler : ni la physique de Newton, ni même celle d’Aristote, n’étaient fausses, leur domaine de validité et leur précision étaient seulement plus limités que ceux de la physique d’Einstein ; autrement dit, leur point de vue n’était que plus étroit[8].

Nos principes, nos valeurs, nos règles ne viennent pas de la raison, mais de nos croyances, elles-mêmes issues de notre expérience personnelle, de notre sensibilité, de notre héritage culturel, de l’autorité que nous accordons à une personne ou à une institution. « Les propositions “se concluent” mais les principes “se sentent” », disait Pascal. « Les principes moraux se distinguent des autres principes en ceci que fondamentalement ils ne sont pas susceptibles d’être argumentés », renchérissait Karl Popper[9]. Ce n’est qu’a posteriori que la raison tente de les justifier : « C'est cette sensibilité originaire que tous nos raisonnements s'emploient ensuite à justifier et à défendre », explique Nicolas Grimaldi[10]. Les principes ne peuvent prétendre à l’absolu.

Un fanatique ne raisonne ni trop ni pas assez, mais il s’attache de façon trop radicale à un principe, à une règle, sans prendre conscience des limites de son domaine de validité, de son caractère relatif : il le ou la pose en absolu. Il absolutise une règle dont il oublie qu’elle a été fixée par des hommes à une époque et dans un contexte donnés, dont rien ne pouvait garantir qu’elle resterait adaptée à toutes les situations à venir. Il l’oublie a fortiori lorsqu’il lui attribue une origine divine. Une Révélation, quelle qu’elle soit, n’est pourtant reçue, entendue, comprise, transcrite que par des hommes. Sa réception et sa transmission sont nécessairement limitées par la relativité de leur point de vue, par leur propre subjectivité. Prétendre l’imposer à autrui, fût-ce pour son salut, relève de l’oubli de ces limites, de l’illusion d’avoir contracté une alliance avec l’absolu. Celui qui bénéficie d'une expérience mystique peut en faire son miel à titre personnel, mais n’est pas fondé à stipuler pour autrui, crût-il en avoir reçu l’ordre divin.

C’est ce caractère nécessairement relatif de toute règle qu’occulte le fanatique. C’est pourquoi le fanatisme relève d’une pathologie de la relation à l’absolu plutôt que de la raison proprement dite, c’est pourquoi il peut être défini comme le fait de succomber à la « tentation de l’absolu ».

Malgré son pouvoir évocateur, l’expression « tentation de l’absolu » s’avère peu utilisée, elle est semble-t-il réservée à quelques rares textes théologiques[11].

Pour dire de façon plus concise « le fait de succomber à la tentation de l’absolu », il faudrait emprunter au vocabulaire chrétien et parler de « péché de l’absolu ». Cette expression ne se trouve pas dans la Bible - et pour cause ! On remarquera que, si le mot « péché » est d’origine biblique[12], son étymologie vient du latin peccatum, qui signifie faute, erreur, ce qui nous ramène à la confusion entre l’erreur rationnelle et la faute, éthique, morale ou religieuse. Nietzsche identifiera cette tentation de l’absolu à « l'idéal ascétique »[13] ; il ne critique pas tant les thèses chrétiennes pour elles-mêmes, mais le fait qu’elles se donnent comme absolues ; il n’en conteste pas tant les valeurs que l’absolu des valeurs[14].

Notons encore que le « péché de l’absolu » ne se limite pas non plus au « dogmatisme » : celui-ci relève plus d’une rigidité dans la formulation des principes que dans leur hiérarchisation. Admettre que les priorités ne sont jamais absolues mais qu’elles dépendent du contexte, rechercher l’équilibre entre différentes règles, principes, valeurs, n’en absolutiser aucune, accepter le doute et remettre en cause les certitudes[15], reconnaître la pluralité d’aspects de la vérité, ces différentes attitudes relèvent de la sagesse et non pas de la raison[16]. « Le doute est le commencement de la sagesse » énonçait déjà Aristote.[17]

L’histoire fournit de nombreux exemples des vertus du pluralisme : le « miracle grec » s’est nourri des débats contradictoires sur l’agora, le développement scientifique n’est apparu dans l’histoire que dans des mondes politiquement fragmentés et concurrentiels[18], Christophe Colomb sut faire jouer la compétition entre les princes européens alors que les explorateurs chinois, qui disposaient pourtant de navires plus puissants, ne purent s’opposer à la décision unilatérale de l’empereur de démanteler les chantiers navals (1436).  Démocratie et capitalisme sont des expressions politique et économique du pluralisme.

C’est à l’opposé de cette sagesse pluraliste que se situe le fanatisme.

Le fanatisme dans l’histoire

L’Antiquité

Les premiers exemples de fanatisme attestés historiquement sont relatifs aux cultes de Cybèle, de Bellone, d’Isis, de Dionysos[19]. Leurs adeptes pouvaient aller jusqu’à l’automutilation, voire au meurtre L’archétype en est fourni par le mythe de Penthée, que sa propre mère, Agavé, dévora, égarée par Dionysos.

Le monde polythéiste connaissait le risque de fanatisme, et c’est précisément pour s’en protéger qu’il avait érigé en faute cardinale l’excès, l’extrême, le péché d’absolu : l’hubris. La multiplicité de dieux illustrait par elle-même l’acceptation de la pluralité d’aspect de la vérité. Les procédures romaines de l’evocatio et de l’interpretatio permettaient d’accueillir les dieux des peuples étrangers. « Les vainqueurs ne cherchaient pas à transformer les vaincus »[20].

L’époque chrétienne

La christianisation de l’Europe mit fin à ces protections contre le fanatisme : « The non-relativistic snake had entered the Garden of Eden », écrit Ernest Gellner[21].

Les trois religions abrahamiques, judaïsme, christianisme et islam adorent en effet un Dieu unique qui se pose en absolu exclusif - « Seul Dieu est l'Absolu »[22] -, un dieu personnel ‒ et non un principe impersonnel comme le Démiurge de Platon ou le Premier Moteur d’Aristote ‒ qui communique avec l’homme par sa Parole, par une Révélation, par un texte sacré, par ses prophètes, et qui affirme qu’Il est La Vérité[23]. La faute suprême n’est plus la revendication d’un absolu, mais devient au contraire sa négation, stigmatisée comme idolâtrie.

Jean Soler fait dériver la passion abrahamique de l’absolu d’une caractéristique spécifique de la pensée hébraïque de l’époque biblique : son exaltation de la séparation[24], et en particulier sa conception polarisée et irréductible des contraires (le bien et le mal, le pur et l’impur, la lumière et les ténèbres), par contraste avec l’idéal du juste milieu chez les Grecs[25], avec la complémentarité du yin et du yang chez les Chinois, de l’eau et du feu chez les Aztèques[26]. « L’alliance avec l’Absolu seul et véritable libère les êtres humains de tout ce qui est relatif, et qui, de ce fait, ne peut plus être une idole pour eux », commente ainsi Hans Küng, l’un des théologiens actuels pourtant parmi les plus ouverts[27].

Avec Théodose et Justinien, le pluralisme religieux devint le princeps crimen. Remplacer toute autre religion par la « vraie religion » fut un ordre sacré. Extirper l'hérésie, extirper l'idolâtrie furent les maîtres mots de l'Eglise, réaffirmés solennellement à tous les Conciles, et concrétisés par la chasse aux païens, aux hérétiques, puis aux religions réputées idolâtres lors de l’évangélisation. Il en alla de même en islam, à ceci près que  les dirigeants musulmans préférèrent souvent taxer les dhimmis plutôt que les convertir.

Du relatif à l’absolu, du pluralisme à l’exclusivisme, du doute à la certitude, le renversement des valeurs qui caractérisa le passage du paganisme au christianisme trouve sa meilleure illustration dans le dialogue entre le sénateur romain païen Symmaque et Saint Ambroise :

Arbitrer entre le vrai et le faux présuppose un critère de vérité et une procédure d’arbitrage qui soient extérieurs à la chose considérée. S’agissant des dieux, cette extériorité est impossible. Aussi les textes sacrés tombent-ils dans le paradoxe logique de l’autoréférence[30], comme l’illustre le « Je suis qui je suis » biblique (Exode 3, 14). Les « dieux des nations » (2 Rois 8, 33 ; Esaïe 36, 18…) ne sont donc pas « faux » mais interdits[31], comme le péché n’est pas une erreur mais la transgression d’un interdit, le fanatisme pas une faute de la raison mais une forme d’hubris, une non-sagesse.

L’historien de l’Antiquité Maurice Sartre peut ainsi écrire, sans crainte d’être démenti par ses pairs :  « Les intégristes sont nés avec le monothéisme »[32]. Nombreuses dans l’histoire des religions monothéistes furent les figures fanatiques (dans le judaïsme les Maccabées, les Esséniens, Sabbataï Tsevi ; dans le christianisme les martyrs, nombre de moines, en particulier Savonarole et Thomas Müntzer ; dans l’islam les deux initiateurs de la tradition salafiste Ibn Hanbal , Ibn Taymiyya1, et tant d’autres). Plus nombreuses qu’ailleurs y furent les violences religieuses (guerres saintes, guerres de religion, chasse aux hérétiques, éradication des religions autochtones, etc.)[33]. Les trois textes abrahamiques prescrivent en effet la mise à mort des idolâtres [34]. Si dans le judaïsme rabbinique cette sentence n’a jamais été exécutée [35], elle le fut abondamment dans le christianisme (« L’Eglise persécute par amour », ira jusqu’à dire Saint Augustin[36]) et dans l’islam (combattre les infidèles, c’est gagner le Paradis). Comme il est difficile d’éteindre un feu en y jetant de l’huile, il est rare que les religions abrahamiques sachent mettre un terme d’elles-mêmes à leurs violences : c’est toujours le civil et le politique qui mirent fin aux guerres de religion.

Au-delà des différences des trois religions abrahamiques, au-delà du foisonnement des courants qu’elles abritent, indépendamment de l’existence de quatre Evangiles, ce « péché de l’absolu », ce refus du pluralisme leur est un facteur commun. Le Vatican proclame ainsi encore en l’an 2000 : « La pérennité de l'annonce missionnaire de l'Église est aujourd'hui mise en péril par des théories relativistes, qui entendent justifier le pluralisme religieux »[37].

Les Lumières

Exaltant l’autonomie de la raison, les Lumières prétendirent mettre fin à l’autorité de l’Eglise. Mais en associant le fanatisme à la superstition, elles commirent la même erreur que celle que dénoncée précédemment : confondre la raison et le « péché de l’absolu ».

L'article « Superstition » de L'Encyclopédie stipule en effet : « La superstition mise en action constitue proprement le fanatisme […] Ses préjugés sont supérieurs à tous les autres préjugés […] C'est le plus terrible fléau de l'humanité ». Pour Voltaire, « le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste; celui qui soutient sa folie par le meurtre, est un fanatique ». Pour Nicolas-Antoine Boulanger[38] : « La raison, et la loi fondée sur la raison, devraient être les seuls souverains au-dessus des mortels »[39]. Le philosophe contemporain Nicolas Grimaldi résume : « Les Lumières ne [croiront délivrer] l'humanité du fanatisme qu'en ayant délivré les fanatiques de leurs superstitions »[40].

La superstition, au sens des Lumières, c’est une croyance non fondée en raison. Or ce n’est pas l'irrationalité des croyances qui fonde le fanatisme ‒ l’astrologie par exemple n’est pas en elle-même porteuse de violence ‒, mais la prétention à détenir une vérité unique, l’attitude qui consiste à prendre l’absolu non pas comme une quête idéale inatteignable, mais comme un acquis, comme une révélation. « Croire que le fanatisme est enfant de l’ignorance, qu’il relève du champ du savoir, procède d’une erreur. Le fanatisme relève uniquement du champ des valeurs », renchérit Gérard Haddad[41]. Attribuant la cause de l’intolérance à la superstition, les Lumières ont confondu le combat contre la superstition à celui pour la tolérance[42].

Petit retour à Rome : les Romains opposaient la superstitio à la religio. La religio se préoccupait du respect des rituels, du scrupule qui lie l'homme aux dieux, mais fort peu de croyance. La superstitio quant à elle ne désignait pas seulement une croyance sans fondement rationnel, mais aussi une pratique excessive de la religion, une crainte excessive des dieux : pour Cicéron (-106, -43), la superstitio est « une “vaine crainte” des dieux » (De div., I), pour Varron (-116, -27) « l'homme superstitieux “a peur” des dieux, tandis que l'homme religieux les “vénère” comme des parents et ne les “craint” point comme des ennemis »[43]. Ainsi, alors que les auteurs latins entendaient libérer l'homme d'une crainte excessive des dieux, les trois livres sacrés abrahamiques, à l’inverse, exhortent le pécheur à craindre Dieu : « La crainte de Jéhovah est le début de la sagesse », affirment tant l’Ancien Testament (Proverbes 9:10) que le Nouveau (Mt 5, 28 ; 1 Corinthiens 6:18, Actes 5, 41 ; Apocalypse 14, 71). Ce qui est “vain” porte, à Rome, sur un excès de crainte à l'égard du divin, ce qui est “faux” à Jérusalem, sur l’identité des dieux.

Revenons à nos philosophes du XVIIIème siècle : pour eux, la raison, c'est la lumière naturelle, il n'y a qu'un corps de vérités possible, ces vérités sont toutes nécessaires, il ne peut pas y en avoir d'autres : ils restent sous l’emprise de l'absolu.  Transférant la position centrale de l’objet au sujet, faisant tourner le monde autour de l’esprit, la « révolution copernicienne » de Kant professa qu'il n’y a pas d'accès direct au réel, de « la chose en soi », mais qu'il y a toujours découpage, lecture, traduction et interprétation des « phénomènes ». Il distingua la raison comme « la faculté des règles» et l'entendement comme « la faculté des principes »[44]

Certains, persistant à croire à l’existence d’absolus moraux, ont transformé les impératifs catégoriques,en absolus, la raison n’étant alors plus seulement juge du vrai et du faux, mais aussi du bien et du mal, et finalement source de toutes les valeurs : un pouvoir doté d’une normativité interne. Kant n’a jamais qualifié ses impératifs moraux d’absolus, mais de "catégoriques", ce qui signifie qu’ils s’imposent rationnellement et universellement à tous mais, ils ne sont donc pas absolus au sens d'intangibles, posés par Dieu ou une autorité supérieure.

Nietzsche et le perspectivisme

Il fallut attendre Nietzsche pour dénoncer l’illusion d’un absolu accessible par la raison[45]. Nietzsche donna le nom de perspectivisme à la position selon laquelle toute vérité humaine dépend d'une perspective déterminée, qu’elle n’est valide que depuis un point de vue particulier, complémentaire des autres points de vue : « Un fait n'a de sens, de valeur, que relativement à un point de vue, une certaine perspective sous laquelle une personne particulière le voit, perspective prise par rapport à la vie »[46].

A la différence du relativisme, le perspectivisme ne nie pas l'horizon d'une vérité universelle, surplombante, mais reconnaît que les discours sur la vérité sont tributaires de la subjectivité des locuteurs, de la contingence de leur contexte,  et des insuffisances du langage. Ses représentants les plus connus sont les sophistes grecs, en particulier Protagoras, puis Montaigne, Leibniz, Nietzsche, Henri James, et au début du XXème siècle le philosophe espagnol José Ortega y Gasset (1883-1955), voire le théoricien de « la pensée faible » Gianni Vattimo (1936-). C’est une idée similaire qui sera développée par Foucault, Veyne et bien d’autres lorsqu’ils appellent à distinguer différents « régimes », « programmes », « ordres » de vérité.

Les quinze siècles qui séparent Symmaque de Nietzsche ont ainsi représenté l’âge du « péché de l’absolu ». Comme on l’a rappelé ci-dessus avec Cybèle et Dionysos, le fanatisme n'avait certes pas attendu le monothéisme, mais en érigeant leur Révélation au rang de vérité unique, en sacralisant un texte prescriptif, en intronisant un dieu jaloux, les religions abrahamiques l’ont exalté (de façon emblématique avec l’éloge du martyre). A la condamnation de l’hybris, elles ont substitué celle de l’idolâtrie.

Aujourd’hui

Le fanatisme ne s’est pas  éteint avec « la mort de Dieu ». Il a en effet trouvé un terrain propice dans les « religions séculières » du XXème siècle, et aujourd’hui participe du « réveil du religieux ».

Bien qu’il prétende parfois que « l'ère de l'exclusivisme a été révolue avec le concile Vatican II »[47], le catholicisme est engagé dans une nouvelle croisade contre le relativisme ‒ « le relativisme est dangereux quand il est appliqué en tant que méthode à la religion et à la politique, ce qui conduit en effet souvent au déni d'une vérité absolue », déclarait ainsi Joseph Ratzinger[48], « la méprise trompeuse du relativisme obscurcit la splendeur de la vérité », poursuit le Pape François[49] -, croisade qui englobe le pluralisme religieux[50] et le perspectivisme [51].

L’interprétation littérale des textes sacrés domine non seulement dans l’islamisme, mais aussi dans le protestantisme américain, le courant missionnaire actuellement le plus en expansion ‒ il essaime dans le monde entier, en Amérique latine, en Afrique, en Corée et en Chine ‒, ainsi que dans le judaïsme orthodoxe.

Enfin, à la faveur de la mondialisation, d’autres religions, comme l’hindouisme, se voient désormais contaminées par cette forme de fanatisme qu’est le fondamentalisme, alors qu’elles l’ignoraient jusqu’au XIXème siècle.

Pour une conception perspectiviste de la tolérance

Le concept abrahamique d'idolâtrie a introduit la question du vrai et du faux dans le domaine des dieux[52]. Un dominicain peut ainsi à bon droit écrire : « Le rejet des idoles […] fonde dans l’histoire humaine un nouveau rapport au divin »[53], et Paul Veyne parler d’une « coupure géologique » dans l’histoire des religions[54].

A l’inverse de la condamnation des croyances d’autrui comme « fausses », la tolérance peut se définir comme le respect d’un principe d’égalité d’accès à la vérité[55] : si deux personnes sont d’opinions différentes, ont deux approches divergentes de la vérité, cela ne signifie pas nécessairement que l’une d’elles commet une erreur de raisonnement, mais plus probablement que chacune n’a qu’un point de vue relatif, limité sur l’objet de la controverse.

Cette tolérance ne signifie pas indifférence : elle n'exclut pas, bien au contraire, que chacun recherche l'origine de la différence d'opinion et cherche à la réduire, mais elle accepte que l'exercice puisse ne pas aboutir, et finir par buter sur un désaccord irréductible, au moins provisoirement. Il ne s’agit pas de tolérer avec bienveillance ce qu’on croit être faux, mais d’être conscient du risque de sa propre partialité, de se sentir moins assuré de sa propre vérité lorsqu’elle est contestée de bonne foi.

Ceci vaut pour la tolérance relative à la perception de la vérité. La tolérance dans le domaine des valeurs, entre le bien et le mal, le supportable et l'inacceptable, relève d'un autre registre. De deux éthiques distinctes, de deux échelles de valeurs, on peut seulement dire si elles sont compatibles entre elles ou non, leur compatibilité conditionnant la possibilité de cohabitation. Mais on ne peut rien dire de leur “vérité”, et il n’existe pas de point de vue de Sirius qui permettrait de décréter que l’une est supérieure à l’autre. Cependant, les possibilités de traduction d’une langue dans une autre, l’ethnologie, l’histoire humaine, indiquent qu’il ne faut pas nécessairement désespérer des possibilités de communication, et peut-être d’un processus de convergence entre les différentes cultures[56].

Concluons par cette parabole de Lessing :

« Si Dieu tenait dans Sa main droite toutes les vérités et dans Sa main gauche l’effort infatigable vers la vérité et qu’il me disait : “Choisis !”, je m’inclinerais avec désespoir vers Sa main gauche en disant : “Père ! Donne ! La pure vérité n’est que pour Toi seul !”[57].

 

Bibliographie :

Gérald Bronner : La pensée extrême. Comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques, Paris, Denoël, 2009.

Jean-Pierre Castel :

Bernard Chouvier : Fanatiques (Les) : La folie de croire, Odile Jacob, 9 avr. 2009.

Ernest Gellner : Postmodernism, reason and religion, Routledge, 1992.

Nicolas Grimaldi :

André Grjebine : La guerre du doute et de la certitude : La démocratie face aux fanatismes, Berg International 2008.

Gérard Haddad : Dans la main droite de Dieu, Psychanalyse du fanatisme, Premier Parallèle, 2015.

Maurice Sartre : « Les intégristes sont nés avec le monothéisme », Marianne/L'histoire, hors série Les Intégristes, Aout-Septembre 2009.

Jean Soler, La violence monothéiste, Fallois, 2009.

Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, (312-394), Albin Michel, 2007.

 

 Notes :

[1] Nietzsche, Ecce Homo, « Pourquoi je suis si malin », 1888.

[2] Rappelons qu’historiquement le rituel est antérieur à la croyance, comme les religions du faire, les orthopraxies, sont antérieures aux religions du croire, les orthodoxies, comme la religio romaine, qui repose sur l’exécution scrupuleuse des rituels, est antérieure la religion chrétienne, qui reposera sur la foi. Au commencement était le rite » énonce le titre du livre (en français) de A.M. Hocart  (titre anglais : Social Origins, 1954).

[3] Communauté comprise du plus fermé (ex. : le judaïsme) au plus ouvert (ex. : le christianisme et l’islam, avec leur ambition universaliste)

[4] Gérard Haddad, Dans la main droite de Dieu, Psychanalyse du fanatisme, Premier Parallèle, 2015, p. 108. On critiquera plus loin l’analyse développée par Gérard Haddad : cf. note 35.

[5] On n’abordera pas dans cet article les ressorts psychologiques du fanatisme. On pourra se référer par exemple Gérard Haddad, op. cit. Il évoque en particulier « ce qui permet de surmonter la souffrance du doute », «  la quête du même »,  « le  narcissisme », « l’amour œdipien », « le refus de la castration », pp. 65, 103 et 105.

[6] Sens répertorié B. hyperbolique dans le CNTRL.

[7] Cf. en particulier Gérald Bronner, La pensée extrême. Comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques, Paris, Denoël, 2009.

[8] Cf. Carlo Rovelli, « Aristotle's Physics: a Physicist's Look », Aix Marseille Université, CNRS, CPT, UMR 7332, 13288 Marseille, France.

[9] Cité par Gérard Haddad, op. cit. p. 115, en écho à une citation de Yeshayahou Leibowitz : « Les intentions des hommes, telles qu’elles se concrétisent dans leurs actes, ne découlent pas de leurs connaissances, mais de leurs désirs ».

[10] Nicolas Grimaldi in « Entretien, “Les nouveaux somnambules”», Non Fiction, 09.03.2016.

[11] Par exemple :

[12] Il serait apparu comme traduction dans la Septante du mot hébreu hatta' t qui signifie « manquer le but ou la cible » par le mot grec hamartia qui signifie l’« égarement », l’« erreur », devenu « détournement », « éloignement de Dieu ».

[13]« …ce qui pousse à cet ascétisme, cette volonté absolue de la vérité, c'est […] la foi en une valeur métaphysique, en une valeur par excellence de la vérité, valeur que seul l'idéal ascétique garantit et consacre (elle tient ou elle tombe en même

temps que lui) », Nietzsche, Volonté de puissance.

[14] D’après Benjamin Douplat.

[15] Cf. André Grjebine, La guerre du doute et de la certitude : La démocratie face aux fanatismes, Berg International 2008.

[16] Sur l’opposition entre sagesse et vérité, cf. François Jullien, Un sage est sans idée, Seuil 1998.

[17] Aristote, Éthique à Eudème – IVe s. av. JC.

[18] Cf. David Cosandey, Le Secret de l'Occident, vers une théorie générale du progrès scientifique, Flammarion, Paris, 2008,

[19] Cf. Bernard Chouvier, Fanatiques (Les): La folie de croire, Odile Jacob, 9 avr. 2009.

[20] Serge Gruzinski, L’Aigle et le Dragon, Démesure européenne et mondialisation au XVIème siècle, Fayard, 2012, p. 30, parlant des empires Aztèques et Mayas.

[21] Ernest Gellner, Postmodernism, reason and religion, Routledge, 1992.

[22] Jean-Paul II, Fides et ratio § 80.

[23] « Je suis le chemin, la vérité, et la vie », Evangile selon Saint Jean, 14, 6.

[24] Cf . en particulier Leo Strauss, « Sur l'Interprétation de la Genèse », texte présenté par Nicolas Ruwet, dans Leo Strauss, L'Homme, Année 1981, Volume 21, Numéro 1, p. 21 – 36, EHSS. Cf. aussi la Havdalah, prière de la séparation : « Béni soit l'Eternel, roi du monde, qui sépare le sacré et le non-sacré, entre la lumière et l'obscurité, entre Israël et les nations, entre le septième jour et les six autres. »

[25] Cf. Jean Soler, La violence monothéiste, Fallois, 2009.

[26] Serge Gruzinski, L’Aigle et le Dragon, Démesure européenne et mondialisation au XVIème siècle, Fayard, 2012, p. 38

[27] Cf. Hans Küng, « Religion, violence et “guerres saintesˮ».

Conscients de ce danger, certains théologiens développent des exégèses sophistiquées,  telles que :

Ces savantes constructions n’atteignent malheureusement que quelques happy few. L’exégèse passe, la lettre reste.

[28] Symmaque « Non uno itinere potest perveniri ad tam magnum mysterium » Phrase prononcée en 382 devant l'empereur Valentinien II en défense du paganisme et en faveur du rétablissement de la déesse Victoria dans le Sénat romain.

  1. H. Armstrong : « And anyone who reads Herodotus will be able to see how firmly rooted the non uno itinere is in ordinary classical Greek thinking about other people's religions ».

[29] Le poète chrétien Prudence a écrit, une vingtaine d'années plus tard, un Contre Symmaque.

[30] Etudié depuis Epiménide (paradoxe du menteur, VIIème siècle av. J.-C.) jusqu’à Russel et Gödel (XX ème siècle)

[31] L’expression « faux dieux » n’apparaît jamais dans la Torah hébraïque (elle devrait s’énoncer sheker elohei), mais seulement dans le Nouveau Testament (rappelons que la langue originelle du Nouveau Testament est le grec).

[32] Maurice Sartre, « Les intégristes sont nés avec le monothéisme », Marianne/L'histoire, hors série Les Intégristes, Aout-Septembre 2009.

[33]  Jean-Pierre Castel, Guerres de religion et police de la pensée, une invention monothéiste, L’Harmattan 2016

[34] Y compris le Nouveau Testament, cf. par exemple « Ils adorent des idoles […] ils méritent la mort » (Rom. 1 23-32).

[35] Le Talmud d’une part l’ordonne, mais d’autre part qualifie de meurtrier quiconque l’appliquerait.

Il n’en allait pas de même dans le judaïsme biblique, du moins si l’on en croit les récits de massacres de la Torah.

Gérard Haddad, quant à lui, fait dériver le fanatisme de l’universalisme (il oublie au passage l’universalisme de la philosophie grecque, qui au contraire lutta contre le fanatisme), ce qui lui permet d’en exonérer le judaïsme (son texte ne parle pas des Maccabées ; il évoque Sabbataï Tsevi , mais sans se rendre compte que cette référence contredit sa thèse), bien qu’il reconnaisse par ailleurs : « L’assurance de posséder une vérité absolue constitue le socle de tout fanatisme », op. cit. p. 89, sans voir apparemment que ceci s’applique d’abord, chronologiquement parlant, au judaïsme.

[36] Saint Augustin, Lettre 185.

[37] Déclaration "Dominus Iesus" sur l'unicité et l'universalité salvifique de Jésus-Christ et de l'Eglise.

[38] Nicolas-Antoine Boulanger (1722-1759), philosophe, ami de Diderot, rédacteur de plusieurs articles de l’Encyclopédie.

[39] Nicolas-Antoine Boulanger, Recherches sur l’origine du despotisme oriental, ouvrage posthume de Mr B.I.D.P.E.C., Amsterdam, 1762, vol. 1, p. XII.

[40] Nicolas Grimaldi, Raison et religion à l'époque des Lumières, Berg International, 2014.

[41] Gérard Haddad, Dans la main droite de Dieu, Psychanalyse du fanatisme, op. cit., p. 114.

[42] Echapperont toutefois à cette ornière Hobbes, Pascal et Hume, voire Diderot lorsqu’il écrit :  « Un avantage particulier aux peuples de la Grèce, c’est que la superstition n’étouffa pas en eux le sentiment de la liberté, et qu’ils conservèrent, sous l’autorité des prêtres et des magistrats, une façon de pensée hardie, qui les caractérisa dans tous les temps », Diderot,  Œuvres complètes, Paris, Garnier, t. 15,p. 45.

[43] Cité par Saint Augustin, De Civitate Dei, VI, 9.

[44] Kant, Critique de la raison pure, « Analyse transcendantale ». Cependant, il proposera la relation inverse (l'entendement comme « faculté des principes », et la raison comme «faculté des règles » dans la « Dialectique transcendantale » !

[45] Le débat n’est pas clos, un courant philosophique contemporain défend qu’il existe des valeurs morales objectives, susceptibles de constituer une éthique objective : le « réalisme moral » (cf. par exemple Alain Policar). Le philosophe contemporain Ronald Dworkin défend quant à lui une position intermédiaire : tout en reconnaissant l’impossibilité de définitions « critérielles » (c’est-à-dire précises, non ambigües) des principes moraux, il refuse néanmoins de donner au conflit entre les valeurs une dimension d’incommensurabilité, et considère que la connaissance morale est possible par le raisonnement, sinon par la preuve cf. Ronald Dworkin, Justice pour les hérissons : la vérité des valeurs, Labor et Fides, 2015 et Alain Policar, Ronald Dworkin ou la valeur de l'égalité, CNRS, 2015 ou encore Alain Policar, « La connaissance morale selon Ronald Dworkin. Le réalisme en question », Raison publique 2016/1 (N° 20)

[46] Nietzsche, Par-delà le bien et le mal.

[47] Clément Tchuisseu Ngongang, Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux, Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011.

[48] « Relativism is dangerous when applied as a method to religion and politics, which often leads to a denial of absolute truth ». Cardinal Ratzinger, Relativism : the central problem for faith today, Bishops' Conferences of Latin America, held in Guadalajara, Mexico, May 1996.  

[49] Pape François, Discours du 17 août 2014, Sanctuaire de Haemi, en Corée du Sud.

[50] Dominus Iesus, cf. note 36.

[51]  Mgr Francesco Foll : « Les systèmes normatifs particuliers de chaque culture, fruits de la créativité humaine, n’auraient aucune commune mesure. On retrouve ici le perspectivisme éthique », Intervention du Saint-Siège à la 170ème session du conseil exécutif de l'Unesco, 8 octobre 2004.

[52]  « La distinction mosaïque » selon l'égyptologue Jan Assmann, Le prix du monothéisme, op. cit.

[53] R. P. David Perrin, « Le Scandale de l’idole », in Sénévé, Foi et raison, Noël 2008.

[Sénevé est le journal des aumôneries catholique et protestante de l’École normale supérieure]

Le texte commence par « Le monothéisme se fonde sur la négation du culte des faux dieux que l’Ancien Testament assimile à l’idolâtrie », pour développer ensuite tous les sens éthiques et philosophiques qui ont pu être donnés à l’idolâtrie, sans un mot en revanche sur les siècles de violences commises par l’Eglise au nom de « l’extirpation de l’idolâtrie » - qui fut d’ailleurs le nom d’une institution calquée sur l’Inquisition installée au Pérou pour lutter contre les religions autochtones. Cf. JP Castel, A l’origine de la violence monothéiste, le dieu jaloux ; L’introduction du vrai et du faux dans le domaine des dieux, L’Harmattan 2017

[54] Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, (312-394), Albin Michel, 2007, p. 48 et son Appendice « Polythéisme ou monolâtrie dans le judaïsme ancien », consacrée à l’apparition du « dieu jaloux ».

[55] A noter que Benoît XVI écrit : « La liberté et l'égalité sont des conditions pour accéder à la vérité… » Discours tenu à Barajas en Espagne le 18.8.2011.

[56] Carlo Rovelli donne l’exemple de la théorie le terre plate chez les Chinois alors que les Européens étaient arrivés à la théorie de la terre ronde  tournant autour du soleil : les Chinois comprirent vite que la théorie européenne était meilleure, au sens où elle donnait une meilleure représentation du monde que la leur, où elle rendait compte de plus de phénomènes, et ils s’y rallièrent. Bien sûr, une telle convergence est plus facile en science, qui ne s’occupe que des réalités concrètes, que dans les autres domaines.

[57] Eine Duplik, 1778, cité par Gérard Haddad, op. cit.

 

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