Revue philosophique

Organisation, structure, système
Des concepts ontologiques ? 



En marge de la substance, une piste intéressante concernant la constitution de l’Univers a été tracée au sein de la modernité en utilisant l’idée d'un agencement, idée reprise sous les concepts d’organisation, de structure et de système. Est-il possible d’en faire un usage ontologique ?

 

Pour citer cet article :

Juignet Patrick. Organisation, structure, système. Des concept ontologiques ? Philosophie, science et société. 2023. https://philosciences.com/organisation-structure-systeme.

 

Plan


  • 1. De l’organisation dans l’Univers ?
  • 2. Structure et structuralisme
  • 3. Système et systémique
  • Conclusion : une ontologie organisationnelle

 

1. De l’organisation dans l’Univers ?

1.1 Les débuts avec Diderot

L’organisation désigne habituellement un ordre social ou un ordonnancement imposé par une action volontaire. Michel Foucault signale que « le concept d’organisation n’avait jamais servi avant la fin du [XVIIIe] siècle à fonder l’ordre de la nature … » 1. En effet, si l'on en trouve quelques traces dans l’Antiquité 2, c’est au XVIIIe siècle que ce concept est venu désigner un certain ordonnancement de l’Univers. Il ne concerne d’abord que le vivant. L’idée apparaît avec Denis Diderot dans Le rêve de d’Alembert 3. On retient généralement de ce texte l’utilisation métaphorique des « cordes vibrantes » eu égard à la sensibilité. L'Homme y est comparé à un « clavecin sensible ». Les cordes vibrantes propagent les impressions, puis, par résonance, vont créer des interférences entre elles. Cette métaphore permet d'envisager la façon dont nous pensons. L’allusion à la musique est intéressante car elle introduit l’idée d’une complexité par rapport à l’instrument qui produit les sons.

Dans son rêve, d’Alembert imagine : « Rien d’abord, puis un point vivant, [auquel] il s’en applique un autre, encore un autre et, par ces applications successives, il résulte un être un, car je suis bien un […] ». On voit formulée ici l’idée d’éléments s’agrégeant pour former un individu unifié. Les éléments ne sont pas simples, ce sont des agrégats, des composés et le tout n’est pas homogène et uniforme, il forme un système. La question suivante est de savoir quelle est cette propriété qui permet l’agrégation ordonnée des éléments. Il propose la « sensibilité »4 sans apporter de réponse sur le fait de savoir si la « sensibilité » est une propriété générale de la matière ou si elle est le produit de l’organisation. Des unités s’assemblent en un tout, à partir d’une propriété qui leur appartient. Nous y reviendrons un peu plus loin.

La notion a été reprise par Pierre-Louis Moreau de Maupertuis en 1754 avec son Essai sur la formation des corps organisés. Son argumentation part d’une intuition de naturaliste. Si quelques philosophes ont cru qu’avec la matière et le mouvement, ils pouvaient expliquer toute la nature, c’est faux, car insuffisant en ce qui concerne les « corps organisés » (plantes et animaux). Une attraction uniforme sur les parties de la matière ne peut aboutir à former les parties simples des corps vivants et encore moins leur union dans des organes. Dans les petites parties des corps vivants, c’est « l’organisation qui fait la différence » 5. L’organisation n’est pas qu’un arrangement des parties, elle est plus que cela. D’où vient ce supplément ? Le raisonnement est le suivant : si, avec toutes les propriétés admises, on n’est pas capable d’expliquer les corps organisés, il faut en admettre de nouvelles, il « faut avoir recours à quelque principe d’intelligence ». C’est une intelligence de la matière qui n’est pas la même que la nôtre, mais qui a des qualités comme « désir, aversion, mémoire » 6, qualités qui caractériseraient les éléments susceptibles d’arrangement.

Jean-Baptiste de Lamarck, en 1778, assigne deux tâches à la botanique, une taxinomique et une autre qui serait « la découverte des rapports réels de ressemblance qui suppose l’examen de l’organisation entière de l’espèce » 7. Dans sa Philosophie zoologique, il estime que c’est en considérant « la plus simple des organisations » 8 qu’il résoudrait le problème, puisqu’elle en donne les conditions nécessaires sans rien de superflu. L’organisation est utilisée pour décrire le vivant, le terme même d’organique reprenant celui d’organisation est un quasi-synonyme de vie. Cela entraîne la radicalisation du partage entre l’organique et l’inorganique, entre le vivant et ce qui ne l’est pas. Cette nouvelle distinction repousse à l’arrière-plan celle des trois règnes, minéral, végétal, animal. Ainsi, Félix Vicq d’Azyr peut écrire, en 1786, « il n’y a que deux règnes dans la nature, l’un jouit et l’autre est privé de la vie » 9. C’est aux naturalistes que l’on doit l’application du concept au monde naturel. Pour Geoffroy Saint-Hilaire « l’organisation devient un être abstrait […] susceptible de formes nombreuses » 10.

Georges-Louis Leclerc de Buffon et Antoine-Laurent de Jussieu avaient dès la seconde moitié du XVIIIe siècle recherché un critère qui sépare le vivant du non-vivant en même temps qu’il unifie plantes et animaux dans un seul règne. Et ce fut déjà dans l’organisation qu’ils le trouvèrent, instaurant ainsi la dichotomie entre les règnes organique et inorganique des êtres. L’identification de la vie à l’organisation fut caractéristique de tout le XIXe siècle, de Lamarck à Claude Bernard.

On retrouve cette idée chez Kant, en 1790, dans la Critique de la faculté de juger, lorsqu'il définit le vivant comme « être organisé et s’organisant lui-même 11. L’organisation, mais surtout la capacité à s’organiser par soi-même sont les critères spécifiques du vivant qui l’opposent au mécanique. « Un être organisé n’est pas simplement une machine, car la machine possède uniquement une force motrice ; mais l’être organisé possède une force formatrice qu’il communique aux matériaux qui ne la possèdent pas (il les organise) 12. Il s’ensuit que la manière de penser mécaniste est insuffisante pour penser la vie. Les organismes vivants s’agencent selon une causalité propre qui produit un tout « dont le concept […] pourrait à son tour inversement être considéré comme la cause de ce tout … ». Autrement dit, dans ces conditions particulières, la liaison des causes efficientes peut être en même temps considérée comme un effet, et donc comprise par l'idée de causes finales. Les totalités organisées sont composées de parties, et les unes et les autres n’existent que réciproquement par rapport à un but qui est aussi la cause de cet agencement (sans ce but, il n’existerait pas). Nous avons affaire, avec le vivant, à une chose qui est « cause et effet d’elle-même 13. Les êtres vivants organisés impliquent la finalité.

Évidemment, cela contrevient à la thèse de la pensée mécaniste selon laquelle, note Emmanuel Kant, « toute production de chose matérielle est possible par des lois simplement mécaniques 14. Pour résoudre le problème, Kant distingue la causalité mécanique à côté de laquelle on pourrait user d’un principe de finalité. Cette précaution est toutefois problématique : deux modes de pensée pour un même domaine, celui de la vie. Kant apporte une solution habile au problème et désamorce le piège de la téléologie, mais le problème de fond reste en suspens. Causes efficientes et causes finales peuvent coexister en étant portées dans des registres de raisonnement différents, mais elles ne s’harmonisent pas.

En France, dans son Cours de philosophie positive (1842), Auguste Comte avait envisagé divers ordres de phénomènes selon « leur degré de simplicité [...] ou de généralité, d'où résulte leur dépendance successive et, en conséquence, la facilité plus ou moins grande de leur étude ». Il établit ainsi deux grandes classes, celle des phénomènes des corps bruts et celle des phénomènes des corps organisés. Ces corps sont plus complexes et particuliers par rapport aux autres ; « ils dépendent des précédents qui, au contraire, n'en dépendent nullement » 15. Comte parle de la plus grande complexité des phénomènes et des corps, complexité qui est due à leur organisation.

Du côté de la médecine, il se passe aussi un événement intellectuel important. Xavier Bichat conçoit le vivant comme ensemble organisé.

« Tous les animaux sont un assemblage de divers organes qui, exécutant chacun une fonction, concourent, chacun à sa manière, à la conservation du tout. Ce sont autant de machines particulières dans la machine générale qui constituent l’individu. Or, ces machines particulières sont elles-mêmes formées par plusieurs tissus de nature très différente qui forment véritablement les éléments de cet organe. […] Ces tissus sont de véritables éléments organisés de nos parties. Quelles que soient celles où ils se rencontrent, leur nature est constamment la même, comme en chimie les corps simples ne varient pas, quels que soient les composés qu’ils concourent à former 16.

Sont organisés, non seulement les organes qui s’assemblent pour constituer l’individu, mais aussi les tissus qui s’assemblent pour constituer les organes. Les essais pratiqués sur les tissus simples

« n’ont point pour but d’indiquer la composition, de fixer les éléments, d’offrir par conséquent, l’analyse chimique des tissus simples. Sous ce rapport, ils seraient insuffisants. Leur objet est d’établir les caractères distinctifs pour ces divers tissus, de montrer que chacun a son organisation particulière, comme il a sa vie propre, de prouver, par la diversité des résultats qu’ils donnent, que la division que j’ai adoptée repose, non sur des abstractions, mais sur les différences de la structure intime 17.

Bichat arrête la dissociation en éléments avant d’atteindre le chimique, ce qui serait, dans la vision réductionniste, le but souhaitable. Intuitivement, guidé par la pratique, il comprend la nécessité de conserver des propriétés typiques s’il veut étudier son objet : les tissus. Cela implique de limiter la simplification destructrice au moment opportun, avant que le tissu ne disparaisse pour laisser place à ce qui le compose. Il se défie des mathématiques, considérant que « c’est bâtir sur du sable mouvant un édifice solide par lui-même, mais qui tombe faute de base assurée 18. La base assurée est celle des mesures auxquelles on puisse se fier et l’existence de lois fixes auxquelles puissent correspondre les calculs. Xavier Bichat suppose des lois pour le vivant, car « L’art de savoir (la médecine) réside dans la connaissance des lois qui régissent la vie et conditionnent l’évolution de maladies 19, mais elles ne sont pas du même type fixe et invariable que les lois physiques. Sur le plan gnoséologique, le mouvement analytique de décomposition est complété par un mouvement synthétique de recomposition. Mais cela ne s’arrête pas là. Xavier Bichat pense également à la fonction. Le mouvement de décomposition-recomposition se règle sur la fonction. Il oscille pour constituer un objet d’étude pertinent et s’arrête au moment où il est possible d’attribuer une capacité fonctionnelle à ce qui a été individualisé. L’objet d’étude naît d’une combinaison entre l’observation empirique et la conceptualisation sur la fonction. Dans cette démarche, on est très loin du paradigme réductionniste moderne, quoique Bichat se réclame d’une conception mécaniste.

1.2. Le concept aux XIXe et XXe siècles

Aux siècles suivants, l’idée d’organisation continue son chemin. Dans A system of Logic, John Stuart Mill considère que, pour le vivant, la juxtaposition et l'interaction des parties constitutives ne suffisent pas à expliquer les propriétés constatées.

« De quelque profondeur que soit notre connaissance des propriétés caractérisant les organes constitutifs du vivant, il est certain que la simple addition des actions séparées propres à chaque organe ne conduira jamais au comportement de l’organisme vivant » 20.

Chez Claude Bernard, on trouve une pensée de l’association élémentaire et de l’organisation 21. D’un côté, l’organisme est « un échafaudage d’éléments anatomiques » ; en comparaison avec la physique et la chimie, il faut arriver « jusqu’aux éléments organiques 22. Mais, d’un autre côté, le déterminisme est très complexe et c’est un « déterminisme harmoniquement subordonné 23. On voit nettement la différence entre les deux manières de penser, l’une élémentariste déterministe et l’autre organisationnelle et modérant le déterminisme. Il avance une conception dialectique comportant à la fois une décomposition en éléments et une recomposition de l’entier. Il conjugue la dissociation en organes isolés fonctionnant dans des conditions expérimentalement modifiées, et l’unification en un système intégré. L’organisme vivant est composé d’éléments ayant une « existence propre » et la vie totale est la somme de ces vies individuelles, mais « associées et harmonisées 24. La force d’innovation vient du jeu entre les deux. L’idée moderne d’organisation vient de cette idée d’une recomposition qui permet d’envisager le jeu combiné des parties entre elles.

La physique atomique ne donne pas l’idée d’un substrat permanent (d’une substance), mais plutôt d’une organisation très complexe, hiérarchisée en niveaux. Les différentes particules élémentaires interagissent entre elles, à leur niveau, et leurs interactions, en se stabilisant, donnent des organisations ayant une certaine autonomie. Ce qui aboutit au concept paradoxal d’une matière non substantielle. Dès 1935, Erwin Schrödinger plaide pour une vision organisationnelle de l’Univers. Il montre que, même pour les choses ordinaires, l’individualité provient de la forme ou de l’organisation et très peu du matériau constitutif. C’est aussi vrai pour les objets de la physique. Ce qui est permanent dans ces particules élémentaires ou pour les atomes et molécules, « c’est leur forme et leur organisation 25 :

« …quand on en vient à considérer les particules élémentaires qui constituent la matière, il semble qu’il n’y ait aucune raison de les concevoir à leur tour comme constituées d’un certain matériau. Elles sont pour ainsi dire de pures configurations, elles ne sont rien d’autre que des configurations 26.

Pour reprendre le mot de Erwin Schrödinger : « la forme remplace la substance comme concept fondamental 27. L’évolution de la microphysique se fait à chaque avancée contre la substance, celle-ci se réfugiant à chaque pas un peu plus « bas ». L’atome insécable composé de matière éternelle et homogène existant par elle-même est décomposé en éléments. La matière se retrouve alors reportée dans ceux-ci. Mais, à leur tour, ils se décomposent. La matière se retrouve dans les quarks. Qui, à leur tour, se décomposent. La matière n’ayant plus de localisation possible, elle se retrouve alors dans les constantes. Comme le remarque Werner Heisenberg :

« ce qui importe pour l’image matérialiste de l’univers, c’est la possibilité de reconnaître ces infimes moellons des particules élémentaires comme dernière réalité objective 28.

À l’extérieur de la physique, la théorie atomique a fortement contribué en chimie, à implanter le concept d’organisation en amenant l’idée d’un monde constitué par des combinaisons entre éléments en nombre fini. En effet, s’il y a un nombre limité d’éléments, c’est à leur composition qu’il faut attribuer les différences. Ce sont les mêmes atomes et parfois en nombre identique, qui constituent des composants chimiques différents, c’est à l’organisation de atomes qu’il faut attribuer les qualités des composés. L’agencement joue un rôle.

La question de l’organisation rebondit au XXe siècle avec la biologie moléculaire. Comme on le sait, l’information (au sens du codage) que l’on trouve dans les gènes vient de la séquence des composants et non des éléments eux-mêmes qui sont toujours identiques. Cet ordre dans les gènes commande la synthèse de protéines qui sont un assemblage d’acides aminés et acides gras selon une organisation précise. Et ainsi de suite jusqu’à la cellule. À chaque étape, on constate une mise en ordre des molécules constituantes et cet ordonnancement est absolument impératif. Il revêt un caractère essentiel, car les molécules utilisées peuvent entrer dans de tout autres agencements et, du coup, avoir d’autres propriétés.

La biologie moléculaire prend en compte l’organisation, indique et montre que c’est elle qui permet à une fonction d’être exécutée. Comme le faisait remarquer Jacques Monod dans sa leçon inaugurale au Collège de France,

« l’expression même de matière vivante n’a aucun sens. Il y a des systèmes vivants, il n’y a pas de matière vivante. Aucune substance […] ne possède par soi-même les propriétés paradoxales d’émergence et de téléonomie 29.

Cette manière de penser est reprise par Henri Atlan 30 : « les constituants chimiques de la matière vivante ayant été reconnus identiques à ceux de la matière inanimée, la seule unité reconnue des êtres vivants est de l’ordre de l’organisation de ces atomes, et non, bien évidemment, une différence de nature entre matière vivante et matière inanimée ». La définition du vivant devient organisationnelle quoique sans renoncer au matérialisme. Pour ces auteurs, comme pour François Jacob, ces niveaux sont le fruit des propriétés « des éléments qui composent la matière ».

1.3 Autonomie de l’organisation

Dès le début, les partisans de l’organisation ont cherché un principe pour expliquer son existence sans intervention extérieure. C'est au XXe siècle que naît le concept d’auto-organisation qui suppose une autonomie au processus qui ne nécessiterait, par conséquent, aucune cause finale. On peut ainsi se passer de l'hypothèse kantienne d'une cause finale pour ce qui est de la formation des totalités organisées 31. Le terme « auto-organisation » a vraisemblablement été introduit en 1947 par le psychiatre et ingénieur Ross W. Ashby. Puis, il a été utilisé par la communauté travaillant sur la théorie générale des systèmes dans les années 1960. Ce terme devint assez courant dans la littérature scientifique à partir du moment où il fut adopté par les physiciens et les chercheurs du domaine des systèmes complexes dans les années 1970 et 1980.

L’auto-organisation s’entend d’abord dans le sens d’une absence d’intervention extérieure. L’organisation se fait spontanément, car les constituants ont des propriétés qui permettent et provoquent leur assemblage. Un exemple simple est donné par les aimants de Von Foerster qui s’assemblent tout seuls lorsque l’on agite leur récipient. Ensuite, l'idée d’auto-organisation suppose des réorganisations qui se produisent par rétroaction de l’environnement immédiat. Un système s’auto-organise lorsqu’il change sa structure en fonction de son environnement 32.

L’auto-organisation, en un sens dérivé, désigne la capacité créatrice des organisations. Les constituants s’auto-organisent pour former de nouveaux constituants qui peuvent eux-mêmes contribuer à forger de nouveaux constituants et ainsi de suite. L’idée d’une autonomie de l’organisation évite l’épineuse question de la finalité. Il devient possible de concevoir un aboutissement cohérent sans rien d’extérieur à l’organisation elle-même, et donc sans avoir à supposer une volonté quelconque. L’organisation se produit d’elle-même, presque sui generis, au sens où elle s’opère uniquement par la vertu des composants, sans autres interventions externes, hormisf un apport d’énergie.

Dans le domaine de la biologie, Henri Atlan en 1972 distingue dans les composants du vivant une structure primaire déterminée par les gènes et une structure secondaire qui prend forme dans l’espace de manière autonome par auto-organisation. C’est ce qui lui permet d’affirmer que « la complexité apparemment inextricable de structures biologiques étroitement associées à des fonctions spécifiques trouve sa source dans des systèmes unidimensionnels relativement simples 33. Ultérieurement certains auteurs tel Stuart Kauffman (1990), vont montrer que les propriétés auto-organisatrices des systèmes dynamiques complexes ont des applications possibles en biologie 34. L’auto-organisation aboutit à un système plus complexe, mais aussi plus stable, plus résistant aux effets possiblement destructeurs de son environnement immédiat. Gilbert Chauvet indique qu’il y a une interaction fonctionnelle commune à tous les systèmes vivants sur la base de laquelle se construit le degré d’organisation supérieure 35.

Après ces travaux, l'organisation peut être conçue comme un agencement spontané sans agent externe (sans avoir à ne supposer ni plan, ni volonté, ni force vitale, ni finalité). Les entités du niveau d’organisation inférieur se groupent spontanément, du fait de leurs propriétés, en entités plus complexes. Cet agencement est spontané et ne suppose aucune force spéciale mal connue. Une organisation, une fois constituée, possède des propriétés auto-régulatrices. Les entités complexes une fois configurées se maintiennent de par leurs propres actions. On ne suppose aucun agent extérieur. Aucun système n'est isolée du reste de l’Univers. Son organisation demande, pour se constituer et se maintenir, un apport d'énergie extérieure au système proprement dit. En cela, le constitution des organisations suit la seconde loi de la thermodynamique. Les systèmes organisés constituent des zones néguentropiques qui, pour se maintenir, prennent de l'énergie aux zones voisines.

L’organisation varie selon des forces qui entrent en jeu : au niveau atomique ce sont les interactions forte et faible et les forces électriques, pour les molécules ce sont les liaisons covalentes, entre molécules ce sont les forces électrostatiques, et enfin pour les constituants plus gros ce sont les forces mécaniques de divers ordres. Nul besoin d’hypothèses métaphysiques comme une harmonie préétablie reliant les éléments ou une action permanente d’un Dieu ou d’un démon qui maintiendrait les composants ensemble. L’idée d’organisation semble suffisamment générale pour avoir une valeur ontologique, quoique non métaphysique au sens d’hypothèses peu rationnelles comme celles qui viennent d’être citées.

2. Structure et structuralisme

2.1 Principes du structuralisme

L'idée de structure

Le terme de structure a eu primitivement et garde encore un sens architectural. Il désigne la manière dont est bâti un édifice, ses lignes de force. Mais, c’est la linguistique du XXe siècle qui lui a donné un emploi dans les sciences de l’homme avec l’école de Prague (Troubetzkoy, Jakobson) et le Danois Hjelmslev, vers 1939. Les années soixante ont été un moment de rayonnement de la linguistique considérée comme « science pilote » pour les sciences de l’homme. Dans l’anthropologie culturelle et la psychanalyse la conception structurale se retrouve dans la « fonction symbolique » avec Lévi-Strauss et dans « l’ordre symbolique » avec Lacan. Elle prend une tournure littéraire avec des auteurs comme Roland Barthes ou Gérard Genette.

Le principe de la théorisation structurale consiste à repérer un ordre présent derrière les faits et leurs variations. La mise en évidence de relations constantes malgré le changement conduit à envisager la persistance d’une structure. Passé ce principe, qui fait l’objet d’un accord général, les utilisations du concept sont bien différentes. La structure est tantôt considérée comme un schéma théorique (position formaliste ou instrumentaliste), tantôt comme ayant une existence (position réaliste), parfois comme une organisation concrète, la structure serait alors « toute forme concrète d’organisation » 36.

Le structuralisme s’accompagne, selon les auteurs, d’un refus de la temporalité ou pas. En effet, la structure est indépendante du temps, puisqu’elle forme une architecture qui ne dépend que d’elle-même. Mais, d’autres mettent en évidence que toute structure a nécessairement une genèse. Les exigences, quant au degré de complexité et à la forme de l’ordonnancement repéré, quant à la rigueur de la formalisation théorique qui en rend compte, quant à solidité et à l’objectivité des ensembles factuels évoqués, quant aux modes d’existence de la structure, ont été si diverses que l'idée de structure est devenu très floue.

De l'idée de structure au structuralisme

Pour Foucault, il s'agit d'une méthode d’analyse qui concerne ce que l’homme produit. Elle cherche à découvrir des relations fixes entre les éléments des diverses activités humaines, postulant que ces ensembles structurés aient une existence propre. La méthodologie structurale cherche à repérer un ordre présent derrière les faits et leurs variations. La saisie de cet ordre a donné l’espoir de sortir la connaissance de l’homme de la « compréhension » et des interprétations subjectives, afin de la faire entrer dans l’ère de la scientificité. La « structure » ainsi conçue est un modèle explicatif synthétique qui est extrait par abstraction des faits épurés et de leurs transformations dynamiques. On peut aussi donner la définition donnée par Michel Foucault selon laquelle le structuralisme est la méthode d’analyse qui consiste à dégager des relations constantes à partir d’éléments qui peuvent changer (Interview, 1971). Par cette méthode jugée largement applicable, le structuralisme a tenté une unification des sciences humaines.

Avec le structuralisme, l’instantané est privilégié au détriment des évolutions temporelles. La doctrine s’est distanciée de l’historicité pour étudier les interactions synchroniques, d’où l’utilisation soit de la combinatoire, soit de la topologie, pour tenter de donner une formalisation au jeu des forces supposées interagir à un moment donné. Quel que soit le domaine, il s’agit de pratiquer de grandes coupes synchroniques et de les formaliser. Le refus de la temporalité laisse de côté les processus de genèse et délaisse la causalité. L'analyse structurale est atemporelle et acausale.

L'accent est mis sur l'invariance, principe de base de repérage des structures. Par exemple, Jean Cuisenier, dans la revue Esprit de 1967, décrit le structuralisme comme « l'application aux phénomènes sociaux de transformations telles que les relations de position entre les éléments d'un système demeurent invariantes ». Il s'agit de trouver une organisation des constituants à partir de la fixité de leurs rapports. C'est le rapport des éléments entre eux qui est considéré comme déterminant et qui doit être décrit et formalisé.

Cette diversité est telle que l’on peut aussi parler des structuralismes au pluriel. « Il existe un grand nombre de structuralismes qui parfois se complètent, souvent s’ignorent et dans certain cas entrent en conflit » 37. Parfois, il faut bien le dire, c’est simplement un mot fétiche qui ne renvoie à rien de précis.

2.2 Structuralisme et scientificité

Le structuralisme a permis de sortir de l’abord purement empirique et de ses pièges subjectifs en ce qui concerne les sciences humaines et sociales. Il l'a fait en dirigeant le regard vers un sous-jacent aux aspects purement empiriques : la structure, que les approches les plus sérieuses, on a cherché à formaliser. Le courant structuraliste s'est simultanément opposé à l’approche littéraire des faits (caractérisée par le commentaire et l’interprétation, la contextualisation sociohistorique). Ainsi, il a indéniablement apporté, sur le plan de la méthode, quelque chose d’intéressant et de nouveau pour les sciences de l’homme.

La vague structuraliste est arrivée à un moment de fort développement des sciences humaines et sociales qui demandaient de nouveaux modèles explicatifs. Il a ainsi accompagné les développements de la psychanalyse, de l’anthropologie et de la linguistique. Il a semblé, à l’époque, pouvoir constituer le nouveau paradigme scientifique à opposer à la démarche littéraire et interprétative qui prévalait dans ces disciplines.

Pour certains, la méthode structurale a apporté un gain de scientificité en ce qu'elle permettrait de neutraliser le sens. C'est ce que soutient Gille-Gaston Granger dans son Essai d’une philosophie du style. Selon Granger, la science doit opérer une réduction des significations, elle doit les neutraliser ou les « objectiver ». Les significations ne sont pas, par elles-mêmes, un matériau possible. Les significations sont du domaine de la philosophie et la science ne peut vouloir jouer le rôle de la philosophie, elle doit construire des structures d’objet (autrement dit : des « modèles »). Les sciences de l'homme dégagent des structures, alors que la philosophie produit une herméneutique des significations. L'exemple d’une herméneutique de type philosophique est donné par Paul Ricœur dans son ouvrage De l'interprétation 38  et celui d'une construction de modèles structuraux par Claude Lévi-Strauss dans ses travaux sur les mythes. C'est un point de vue discutable.

La critique du sujet, en tant qu’unité transcendantale amorcée par le structuralisme, a été également utile pour faire évoluer la conception de l’homme. L’idée d’un sujet hors du monde, d’une unité synthétique présente dans l'esprit de chaque individu, est discutable et a été remise en question par le structuralisme. Mais, cette tendance excessive a été jusqu'à effacer la personne, l’individuation et la singularité de chaque homme. Il faut cependant reconnaître que le structuralisme, en dégageant les sciences humaines du commentaire et de l'herméneutique, a apporté un renouveau méthodologique.

2.3 Critiques du structuralisme

Il y a eu une tentative de généralisation du langage, c'est-à-dire de ramener tout ce qui touche l'homme à des effets de langage. Mais aussi, à un langage lui-même ramené à la syntaxe et peut-être finalement à une unique « structure du symbolique ». Cette volonté d'unification néglige la diversité des systèmes cognitifs et représentationnels humains. Il semble aussi, qu'à un temps donné, il y ait eu une confusion entre la réalité étudiée et la méthode d'étude, ou encore une contamination de l'objet d'étude par la méthode. Au vu de l'ambition de syntaxiser l'humain, on peut soupçonner que la modélisation structurale est, à cette occasion, confondue avec la réalité qu'elle explique. Ramener l’humain à une combinatoire désincarnée, dire que la signification ne vient que du jeu combinatoire d’éléments formels est abusif.

En ce qui concerne les sciences de l'homme, dans les années 1950/60, le structuralisme a subi l'influence de la linguistique. Cela semble normal, puisque c’est elle qui l’a mis en avant mais qu’elle en vienne à imposer son propre objet d’études à d’autres domaines est litigieux. L’importance donnée au logico-linguistique par le structuralisme appliqué aux sciences humaines paraît, a posteriori, sans fondement. Affirmer qu'une structure logico-langagière soit au fondement de l'organisation sociale, des formations de l'inconscient, des mythes, etc., reste une hypothèse sans démonstration probante. L’idée que la structure déterminante pour l’homme serait la « structure du symbolique » paraît infondée.

Le structuralisme a ignoré des courants de pensée proches. Il a laissé de côté la pensée de la relation et de l’organisation pourtant similaire qui s'était développée avant lui, tout comme la pensée systémique (mise en avant par Ludwig von Bertalanffy), alors que le principe méthodologique est identique. La différence entre structure et système est parfois nulle au point que les structuralistes parlent souvent de « système » en lieu et place de structure.

La volonté de trouver l’explication dans la synchronicité est devenue un dogme structuraliste qui s'est appliqué au point de dénier à l’histoire et aux évolutions toute vertu explicative, ce qui est évidemment impossible, car il n’y a pas de génération spontanée des organisations humaines quelles qu'elles soient. Une partie du mouvement structuraliste, reprenant la séparation culture/nature, a eu la volonté de donner une prééminence au culturel. Il y a évidemment une difficulté à nier l’histoire et valoriser la culture, car il faudrait que celle-ci soit sans histoire.

Pour l'avenir, le problème épistémologique de fond est de savoir si une approche globalisante est plus intéressante, dans les sciences humaines et sociales, qu'une approche analytique. Il semble bien qu'une vision d'ensemble permette de trouver des modèles explicatifs et prédictifs intéressants et ainsi d'obtenir une scientificité accrue, par comparaison avec une approche purement descriptive et compréhensive. Reste le difficile problème ontologique. L'approche structurale donne-t-elle une indication sur ce qui fonde l'humain et le social, à savoir son caractère organisé, ou doit-elle être considérée comme une théorisation commode et rien de plus ? Ces aspects épistémologiques concernent le structuralisme comme la pensée systémique que nous allons aborder maintenant.

3. Système et systémique

3.1 Pensée systémique et théorie générale des systèmes

Un système est un modèle théorique qui considère un ensemble d’éléments en interaction dynamique, ce qui permet de rendre compte des caractéristiques et de la stabilité de l’objet étudié, mais aussi de son instabilité, si des changements interviennent. Ce modèle est plus ou moins formalisé selon les cas.

Un grand nombre de sciences construisent et utilisent sans le revendiquer des théories qui ont la forme de structure ou de systèmes, que ce soit dans les sciences fondamentales comme la physique, la chimie, la biologie, ou dans les sciences appliquées comme l'économie, la météorologie, etc.,. À titre d'exemple on peut citer le modèle de refroidissement global de la Terre au cours des temps géologiques 39. Tous les cycles biologiques sont décrits comme des systèmes comportant de nombreux éléments avec des boucles et des rétroactions multiples.

D'autres sciences se réfèrent directement à la manière de penser systémique. L'idée de système a inspiré les travaux du Mental Research Institute de Palo Alto avec Don Jakson et Paul Watzlawick, qui ont développé les principes de la « thérapie familiale », sous l'influence de Gregory Bateson. Plus récemment ont émergé des courants de pensée appliquant les idées systémiques à la gestion de l'économie, des entreprises et des groupes humains. Il est difficile de cerner l'extension des utilisations de l'idée de système, car elle est aussi large que floue. On ne peut pas se fier à l'appellation « systémique », car revendiquée par certains, elle est rejetée ou ignorée par d'autres, qui pourtant utilisent des modèles conçus comme des systèmes.

Utiliser des théories systémiques dans diverses sciences particulières, et mettre au point une « théorie générale des systèmes », une « systémologie », sont deux choses différentes. Dans le second cas, on suppose qu'il existe des identités et régularités, des formes communes, au sein des différentes théories systémiques, permettant d'aboutir à une théorie générale. Ces régularités seraient dues au fait que les schèmes conceptuels appliqués sont en nombre limités. On pourrait donc opérer la synthèse des schèmes homologues retrouvés dans les différentes théories particulières. Il s'agit de systématiser la pensée systémique. Du fait des capacités intellectuelles humaines, le nombres de schèmes conceptuels inventés et utilisés est fini, et, de plus, on ne retiendrait que ceux qui présentent simultanément deux particularités : 1. Ils sont applicables efficacement à l’Univers 2. Ils sont formalisables ou, encore mieux, mathématisables.

La pensée systémique ou structurale est à distinguer de la théorie générale des systèmes qui est une méta-théorie portant sur la pensée systémique elle-même et qui cherche à l'unifier, la formaliser et à lui donner une portée générale. L'idée d’une « systémologie générale » a été proposée par Ludwig von Bertalanffy, qui commença à élaborer cette conception vers 1937. Elle sera vulgarisée tardivement dans le recueil intitulé Théorie générale des systèmes, publié primitivement en 1968 à New-York et traduit en français en 1973.

3.2. Ludwig von Bertalanffy et la systémologie

Selon Ludwig von Bertalanffy, la théorie générale des systèmes s'applique en particulier aux organisations. Mais qu'est-ce que l'organisation ? À titre d'exemples, un atome, un cristal, une molécule, un organisme vivant sont des organisations.

« Les notions de totalité, de croissance, de différenciation, d'ordre hiérarchique, de domination, de commande, de compétitions, etc. sont caractéristiques de l’organisation » 40.

La biographie de l'auteur montre qu'il s'inscrit d'abord dans le champ philosophique avant de s’intéresser à la biologie. David Pouvreau rapporte à ce sujet que Bertalanffy rejoignit en 1924, l’Université de Vienne, où il entreprit ensuite des études doctorales sous la direction de deux philosophes de la connaissance : le néo-kantien Robert Reininger et le néopositiviste Moritz Schlick. Bertalanffy ne commença d'investir le champ de la biologie qu’en 1926, après la soutenance de sa thèse consacrée à la « doctrine des intégrations d’ordre supérieur » de Gustav T. Fechner. Presque tous ses essais de la période 1926-1932 furent consacrés à l’élaboration d’une philosophie de la biologie 41.

Cette démarche épistémologique visait d'abord à rendre possible la construction d’une biologie théorique, fondée sur des concepts et des « principes » systémiques généraux s’appliquant à tous les niveaux d’organisation biologique. Elle aurait pour vocation de « formuler les lois du vivant en tant que lois de systèmes et à unifier de la sorte la connaissance biologique en dépit de l’extrême diversité apparente de ses objets ».

La théorie des systèmes fut élaborée ensuite, à partir de 1937 dans un séminaire à l’Université de Chicago. Elle reposait sur le postulat qu'il existe des principes, modèles et lois systémiques, qui seraient communs et applicables à toutes sortes de domaines scientifiques. Ensuite, la systémique a pris forme dans les années 1950-1980. Il s'agissait d’exploiter les similitudes entre structures conceptuelles existant entre diverses disciplines scientifiques, afin de construire des modèles théoriques généraux.

Von Bertalanffy soutenait qu’une approche holistique est utile dans divers domaines comme la biologie ou la sociologie du fait de l’inadéquation des modes de pensée analytiques et mécanicistes, traditionnels dans les sciences. De plus, la récurrence de certains modèles conceptuels ou de certaines modélisations mathématiques, dans des disciplines diverses, laisse supposer la possibilité de trouver des aspects formels communs. Il pensait que l'on pourrait trouver des lois systémiques communes aux divers types de systèmes indépendamment du domaine concerné.

C'était aussi une nouvelle façon d'envisager l’unité de la science :

« non plus sur d’une réduction ultime des concepts, méthodes et lois de toutes les sciences à une seule jugée plus fondamentale, mais une " unité formelle " qui se manifesterait par les isomorphismes entre des disciplines dont l’autonomie serait garantie, et qui reposerait sur l’ubiquité de concepts et de principes systémiques généraux, parfaitement transdisciplinaires » 41b.

Dans cette période, la « systémologie générale » ou théorie générale des systèmes  devint un projet collectif lié à une société savante internationale qui l'a revendiqué et défendu.

3.3 L’évolution des idées systémiques

La perspective ambitieuse d'une théorie générale et unifiante a été exposée par Ervin László dans la préface qu’il consacre au recueil de textes de Bertalanffy. La Théorie générale des systèmes « substituera à la conception matérialiste et réductionniste de la matière et de l’esprit encore dominante une conception systémique. La révolution qui s’annonce englobe la totalité de notre compréhension de la nature des choses » 42. Ce point de vue peut paraître excessivement optimiste, voire prétentieux.

David Pouvreau note :

« un décalage manifeste entre d’une part les ambitions théoriques et fondatrices révolutionnaires affichées, et d’autre part la relative modestie des constructions effectivement exposées en tant qu’exemples d’applications d’une théorie générale des systèmes » 43.

Edgar Morin, promoteur en France de la théorie des systèmes, avoue volontiers : 

« Bien qu’elle comporte des aspects radicalement novateurs, la théorie générale des systèmes (TSG) n’a jamais tenté la théorie générale du système ; elle a omis de creuser son propre fondement, de réfléchir le concept de système. Aussi le travail préliminaire du système reste encore à faire, interroger l’idée de système » 44.

Force est de constater que l'évolution des idées n'a pas été très favorable à Ludwig von Bertalanffy.

À partir des années, 1970 les critiques ont été nombreuses, certaines justifiées d'autres purement polémiques. Les motivations polémiques sont issues des rivalités disciplinaires (l'approche systémique remet en cause les territoires disciplinaires), de décisions malencontreuses dans les politiques publiques prises en référence à une approche systémique, et enfin du débat sur la limite de la croissance inspiré de considérations systémiques mise en lumière par le club de Rome (1972 et 1974).

On reproche à la théorie générale des systèmes de ne pas être scientifique car elle serait trop générale et ne fournirait aucune prédiction empiriquement testable. Elle ne serait donc pas réfutable. Ce n'est pas faux, mais la théorie générale vient de théories particulières qui elles sont testables et réfutables. L’implantation académique de l'approche systémique globale est restée faible et a quasiment disparue. Toutefois l'utilisation des modes de théorisation par système a persisté. Elle réapparaît ou persiste dans divers domaines comme la biologie, l’écologie, la météorologie, la physique théorique, l’astronomie, la démographie, la géographie, la sociologie et l’économie.

Un nouveau terme est apparu celui de « sciences de la complexité ». Un numéro spécial de l’édition française de la revue Scientific American publié fin 2003 a pu présenter la science de la complexité comme celle du XXIe siècle.

« Comme l’ouvrage collectif édité par Lucien Sève en 2005 consacré à la pensée dialectique de l’émergence et de la complexité, ce numéro est particulièrement typique d’une réémergence actuelle des thèmes « systémologiques » qui se distingue en particulier par une absence quasi-systématique de référence au projet initié par Bertalanffy » 45.

De nos jours, l'étude des systèmes en biologie est une discipline scientifique en plein essor à l’interface entre la biologie, la bioinformatique, les mathématiques et statistiques, et la biophysique. Cette discipline (porteuse de nouveaux concepts et approches expérimentales) a pour ambition d’explorer le vivant de façon quantitative et intégrée, en considérant une entité biologique (une cellule, un embryon, une tumeur) comme un système complexe au sein duquel de nombreuses interactions opèrent entre ses éléments constitutifs.

3.4 Système et complexité aujourd'hui

L'idée de système est de nos jours spontanément utilisée dans les publications scientifiques les plus diverses, celles qui s'intéressent aux champs de la réalité complexes. On peut définir cette complexité en disant que les faits appartenant à ces champs interagissent les uns avec les autres et s'enchaînent selon de nombreuses récursivités et interactions qui les rendent interdépendants. Le changement d'un facteur provoque inéluctablement la modification de nombreux autres et l'acheminement vers un nouvel état. Puis assez souvent, se produit le retour vers l'état antérieur grâce à la robustesse de l'organisation. Si la perturbation et trop forte il se produit une désorganisation et le système disparaît. Un système est un ensemble d’éléments repérés empiriquement en interaction dynamique. Si le lien et l’interaction persistent on considère que le système reste stable, si des changements importants se produisent il se déstabilise et soit l’organisation disparaît, soit un autre système se reforme.

Le terme de système désigne tantôt l’ensemble empiriquement constaté, tantôt le modèle plus ou moins formalisé que l’on en donne. Un grand nombre de sciences modélisent leur objet sous forme de systèmes sans nécessairement le revendiquer. En effet, penser en termes de système, ce qui n'a rien d'évident dans une science massivement analytique et réductrice qui tente d’expliquer le monde par des mécanismes décomposables en éléments derniers.

Si l’Univers présente une organisation (en général, ou des organisations en particulier dans certains champs de la réalité), alors une façon intéressante de l'étudier c'est d'utiliser des modèles systémiques. Ce qui d'ailleurs n'exclue pas des approches causales mécanistes, mais les englobe dans quelque chose de plus vaste. Il n'y a pas d'opposition entre les deux approches, mais plutôt des domaines de validité pour chacune avec des articulations entre les deux.

Il existe un flou entre structure et système. À titre d’exemples, citons Ferdinand de Saussure qui utilise exclusivement le terme de système. Un excellent énoncé des principes fondamentaux du structuralisme en terme de… système a été donné par Michel Foucault en 1966 :

« Le point de rupture s’est situé le jour où Lévi-Strauss pour les sociétés et Lacan pour l’inconscient, nous ont montré que le sens n’était probablement qu’une sorte d’effet de surface, un miroitement, une écume, et que ce qui nous traversait profondément, ce qui était avant nous, ce qui nous soutenait dans le temps et dans l’espace, c’était le système » 46.

On peut citer aussi Claude Lévi-Strauss qui a écrit en 1955 :

« L’ensemble des coutumes d’un peuple est toujours marqué par un style ; elles forment des systèmes. Je suis persuadé que ces systèmes n’existent pas en nombre illimité, et que les sociétés humaines, comme les individus dans leurs jeux, leurs rêves ou leurs délires ne créent jamais de façon absolue, mais se bornent à choisir certaines combinaisons dans un répertoire idéal qu’il serait possible de reconstituer » 46b.

La méthode vise à reconstituer cette combinatoire, c’est-à-dire un système. La différence est faible, elle tient à ce que la pensée structuraliste est plutôt portée sur les rapports fixes, la reproduction, l’invariance, alors que la pensée systémique est plutôt dynamique. C’est là que réside l’intérêt de la pensée systémique, elle propose une réorientation dans la manière de concevoir l’Univers, manière à partir de laquelle une multitude de travaux ont vu le jour.

4. Une utilisation ontologique est-elle possible ?

4.1 Un univers organisé ?

De ces divers courants de pensée, nous ne retiendrons ce qui les relie : l’idée d’ensembles organisés. Les trois concepts, organisation, structure, système, tournent autour de cette même idée : il y a diverses architectures, divers ordres dans l’Univers, que ce soit au niveau physico-chimique, ou du vivant, ou de l’humain et de ses sociétés. Dans tous ces domaines, les sciences saisissent des agencements, des ensembles composites plus ou moins complexes, efficients en tant qu’ensembles dynamiques. Le problème épistémologique qui se pose pour les trois concepts est le même : comment les considérer ? 

Trois manières sont possibles :

- Soit on déclare que ces concepts désignent des théories ce qui est le point de vue dit instrumentaliste. Il s’agit simplement de théories, de modèles qui rendent compte des faits et rien de plus. - Soit, selon un réalisme empirique, on admet que la réalité est structurée, organisée. Les faits seraient effectivement interdépendants, liés entre eux, interagissant selon une organisation définie. - Soit selon un réalisme du fondement, on suppose que le réel est constitutivement architecturé, ce qui se traduit dans les faits, dont les sciences donnent des modèles structuraux.

La question de fond est ontologique, elle concerne la constitution du monde, le réel. Trois conceptions s'affrontent ; la conception idéaliste, celle d'un monde préformé par des idées qui, en dernier ressort, mènent à un Dieu créateur, la conception matérialiste d'un monde chaotique, constitué par le jeu aveugle des atomes et de leurs interactions et, enfin, la conception organisationnelle du monde, supposant que le réel présente une organisation spontanée et diversifiée.

Pour les partisans d'une approche systémique le monde est organisé. « Nous recherchons maintenant un autre regard sur le monde, le monde en tant qu'organisation » 47Cependant, pour Jean Piaget, dans Le Structuralisme (1968), « le danger permanent qui menace le structuralisme, est le réalisme de la structure » 48, ce qui signifie que la formalisation exhumée soit donnée pour exister réellement. Ce réalisme de la structure risque d’être un nouvel idéalisme, car la structure n’est pas concrète, c'est une abstraction formelle. Sur le fond, notre question est de savoir si on peut faire des concepts d’organisation, de structure ou de système, un usage ontologique (c’est-à-dire décrivant une forme d'existence du réel).

Sur le plan de la méthode, le structuralisme veut saisir, derrière la diversité phénoménale, un arrière-plan fondateur qui serait la structure. Mais, aller vers une ontologie de la structure (un réalisme structural) pose un problème et doit être discuté. L’affirmation réaliste selon laquelle la structure serait le fondement réel des choses est un peu abrupte. L’approche des sciences est progressive et la vérité d’adéquation qu’elles cherchent est toujours en marche. De manière plus nuancée, on peut supposer que les structures/organisations mises en évidence donnent une idée du réel et laisse supposer qu’il soit structuré (organisé).

Cela signifie qu’au modèle théorique et au champ de la réalité étudié par une science répond une forme du réel. Cette manière de voir est autorisée par l’action des sciences sur les domaines qu’elles touchent : elles agissent, interrogent, en cernant une résistance. La réalité étant construite par les expériences scientifiques, la résistance rencontrée vient nécessairement d’un réel indépendant qui existe vraiment (au titre de notre postulat réaliste de départ). Que l’organisation puisse concerner le réel est plausible.

Pour notre part, nous pensons légitime de faire un usage ontologique des idées d’organisation-structure-système. Cela tient à la conception triadique des sciences, à savoir qu’elles théorisent une réalité construite qui est reliée au réel. Par leur action de connaissance elles butent sans cesse sur le réel dont elles dévoilent au fil des siècles la constitution. Les expériences scientifiques interrogent le réel par l’intermédiaire des faits. C’est l’exigence de vérification et surtout de réfutation empirique. Le critère de réfutabilité de Karl Popper exige que l’expérience puisse apporter une réponse qui soit éventuellement négative. Autrement dit, la résistance du réel se manifeste par des faits qui répondent : non votre théorie n’est pas adéquate, veuillez la réviser. L’ontologie est liée à une épistémologie qui place l’expérimentation scientifique comme intermédiaire actif entre le savoir hypothétique et ce qui existe.

On constate aussi que les sciences sont diverses et les organisations  mises en évidence aussi, ce qui laisse supposer que l’Univers est architecturé de différentes manières. La diversité des organisations est à mettre en regard de l’unicité ou de la dualité de la substance. On peut repenser ce qui est constitutivement en faisant de la relation et de l'interaction les modes privilégiés de l’existence. Ces modes se stabilisent en organisations identifiables par les sciences. Il est possible de ressaisir la conception du réel au travers d'une grille relationnelle et dynamique qui s’oppose à son interprétation substantielle.

4.2 Remplacer utilement la substance

Pour Emmanuel Kant, l’idée de la permanence du Monde dans le temps peut être rapportée à la catégorie de la substance définie comme ce qui persiste au milieu du changement de tous les phénomènes. Le « principe de permanence de la substance » nous permettrait de penser le Monde. La position « critique » qu’il est le premier à instaurer consiste à ne pas faire passer des concepts utiles à notre entendement pour des vérités métaphysiques. Le concept de substance n’est pas premier et peut être interrogé.

Si par substance, on entendait la fonction de support et de persistance relative des divers aspects du réel, il n’y aurait pas de difficulté à employer le terme (à ceci près qu’il fait doublon avec celui de réel). Si le réel est ce qui persiste et constitue l’Univers, à quoi bon le qualifier de substantiel ? Mais il y a d’autres arguments contre l’assimilation du réel à une substance. Les sens donnés à la notion de substance sont nombreux et certains incompatibles avec ce qui vient d’être supposé du réel : qu’il est diversifié et organisé. À la substance, on attribue simplicité, homogénéité, durée infinie, et elle est qualifiée a priori de matérielle ou spirituelle, ou assimilée à Dieu. Tout ceci n’est pas compatible avec une ontologie qui se veut rationnelle et limitée à l’Univers tel qu’il est connu actuellement grâce aux sciences.

L’idée d’organisation s’oppose à celle de substance et offre ainsi une alternative. Elle invite à penser une pluralité du réel, constitué selon des agencements différents dans des domaines divers. On échappe ainsi au monisme ou au dualisme des substances. Nous misons 49 sur l’idée d’organisation, car elle implique un agencement, une architecture, une dynamique, caractères très largement retrouvés par toutes les sciences contemporaines.

Le structuralisme a mis en avant les relations et les interactions ; ce que rappelle Pierre Auger dans Le visage de la science (au XXe siècle) pour les sciences dites dures :

Les études des structures ont atteint, au fur et à mesure des améliorations techniques, des niveaux de plus en plus profonds ; après la structure des cristaux, des molécules, des atomes, et l’application à ces structures des lois mathématiques, après les grands succès de la mécanique ondulatoire et de la théorie quantique des champs, voici que les corpuscules les plus fondamentaux sont eux-mêmes soumis à l’analyse structurale » 50.

Pour ce qui est du domaine des sciences humaines et sociales, rappelons le propos de Pierre Bourdieu :

« Les gloses philosophiques qui ont entouré le structuralisme ont oublié et fait oublier ce qui en faisait sans doute la nouveauté essentielle : introduire dans les sciences sociales la méthode structurale ou, plus simplement le mode de pensée relationnel qui, rompant avec le mode de pensée substantialiste, conduit à caractériser tout élément par les relations qui l’unissent aux autres en un système, et dont il tient son sens et sa fonction »51.

Conclusion : une ontologie organisationnelle

Pierre Bourdieu souligne l’apport essentiel à nos yeux : avoir un mode de pensée relationnel qui rompe avec le substantialisme. Cet article voudrait montrer que l’idée d’organisation-structuration est suffisamment large et abstraite pour remplacer celle de substance. Les sciences contemporaines indiquent qu’elle est applicable universellement. Si on admet que le réel n’est pas isotrope et homogène (ce qui semble évident et assuré), on peut expliquer les différenciations qui l’affectent par des niveaux/formes d’existence qui se distinguent les uns des autres par leur degré d’organisation ou de structuration. Du plus basique comme les quarks, les particules élémentaires, au plus complexe comme les organismes vivants et jusqu’aux sociétés humaines, partout et toujours, on trouve de l’organisation, de la structure, du système.

 

Notes :

1 Foucault Michel, Les Mots et les choses, Gallimard, Paris, 1966, p. 243.

2 Couloubaritsis Lambros, « Le concept d’auto-organisation dans la pensée de l’Antiquité », in Auto-organisation et émergence dans les sciences de la vie, Bruxelles, Ousia, 1999.

3 Diderot Denis, Le Rêve de d’Alembert, in Œuvres Philosophiques, Paris, Garnier, 1964, p. 288.

4 Dans un entretien avec d’Alembert. Ibid., p. 670.

5 Maupertuis Pierre Louis Moreau (de), Essai sur la formation des corps organisés, A. Berlin, 1754, p. 17.

6 Ibid., p. 29.

7 Lamarck Jean-Baptiste (de), La Flore française, Paris, 1778, Discours préliminaire, p. XC-CII.

8 Lamarck Jean-Baptiste (de), Philosophie zoologique, Paris, 1809, Avertissement, réédition UGE, 1968, p. 38.

9 Vicq d’Azyr Félix, Premiers discours d’anatomie, Paris, 1786, p. 17.

10 Cité par Cahn Théophile, La vie et l’œuvre de Geoffroy Saint-Hilaire, Paris, 1962, p. 138.

11 Kant Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Paris, Vrin, 1968, p. 193.

12 Ibid.

13 Ibid., p. 190, 192, 193.

14 Ibid., p. 203.

15 Comte Auguste, Cours de philosophie positive, 2e leçon, 1842.

16 Bichat Xavier, Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine, p. LXXIX.

17 Ibid.

18 Bichat Xavier, Recherches physiologiques sur la vie et la mort, Brosson et Gabon, Paris, an VIII, p. 91.

19 Bichat Xavier, Notes pour son Discours inaugural à son Cours d’opérations chirurgicales, cité par Genty Maurice, Le progrès médical, Paris, 1932, t.9, pp. 41-48.

20 Mill John-Stuart, A system of logic Ratiocinative and Inductive, Vol I et II, London, Ed John W. Parker, 1840.

21 Claude Bernard, Introduction à la médecine expérimentale, 1865.

22 Claude Bernard, Leçons de pathologie expérimentale, 1872, p. 493.

23 Claude Bernard, La Science expérimentale, 1878, p. 70

24 Claude Bernard, Leçons de pathologie expérimentale, 1872, p. 493

25 Schrödinger E., Physique quantique et représentation du monde, Paris, Seuil, 1992, p. 40

26 Ibid., p. 40.

27 Schrödinger Erwin, Ibid., p. 37.

28 Heisenberg Werner, Ibid., p. 17.

29 Monod Jacques, « Leçon inaugurale au Collège de France », Le Monde, 30 novembre 1967.

30 Atlan Henri, À tort et à raison, Paris, Seuil, 1986, p. 217.

31 Ibid., p. 192-193.

32 Mis en évidence par Farley Clarck, 1954. Voir l’ouvrage collectif, Auto-organisation et émergence dans les sciences de la vie, Paris, Ousia, 1999.

33 Atlan Henri, L’Organisation biologique et la théorie de l’information, Paris, Seuil, 2006, p. 221.

34 Lewin Roger, La Complexité, Paris, InterEditions, 1994.

35 Chauvet Gilbert, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, Paris, Vuibert, 2006.

36 Fages J.-B., Comprendre le structuralisme, Paris, Privat, 1968, p. 10.

37 Vexliard Alexandre, « Les structuralismes et leurs conflits », Séminaire, Nice, 1972.

38 Ricœur Paul, De l'interprétation, Paris, Seuil, 1965.

39 Parenthoen Marc. Modélisation de systèmes complexes. 2015. https://www.youtube.com/watch?v=rgpQT1GBfDM

40 Bertalanffy Ludwig (von), Théorie générale des systèmes, Paris, Dunod, 1993, p. 45.

41 Pouvreau David, Une histoire de la ”systémologie générale” de Ludwig von Bertalanffy, Thèse EHESS, 2013, Introduction.

41b Ibid.

42 Ibid., p. VII.

43 Pouvreau David, Une histoire de la ”systémologie générale” de Ludwig von Bertalanffy, Thèse EHESS, 2013, p. 4.

44 Morin Edgar, La Méthode, Paris, Seuil, 1977.

45 Pouvreau D., Une histoire de la ”systémologie générale” de Ludwig von Bertalanffy, Thèse EHESS, 2013, p. 975.

46 Foucault M., entretien, La Quinzaine Littéraire, n°5, 15 mai 1966.

46b Lévi-Strauss Claude, Tristes tropiques, Paris, Plon, 1958, p. 183.

47 Bertalanffy (von) Ludvig, Théorie générale des systèmes, Paris, Dunod, 1993, p. 192.

48 Piaget Jean, Le Structuralisme, Paris, PUF, 1968, p. 124.

49 Toute ontologie est un pari. Rationnel, mais hypothétique.

50 Auger Pierre, « Le visage de la science », in La science contemporaine XXe siècle, Paris, PUF, 1964.

51 Bourdieu Pierre, Le Sens pratique, Paris, Les éditions de minuit, 1980, p. 11.

52 Lewes Georges Henry,Problem of Life and Mind, Osgood, Trubner & Company, 1875, p. 412.

 

Bibliographie :

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