Revue philosophique

Le terme « substance » nomme la stabilité et la persistance de ce qui existe par opposition aux « phénomènes » qui sont changeants. On peut dire aussi, avec René Descartes et Baruck de Spinoza, que la substance est le support permanent des attributs, qualités ou accidents. La métaphysique traditionnelle suppose une ou plusieurs substances.

Le concept conjugue plusieurs idées :

1/ Le terme est souvent employé pour désigner des constituants concrets (bois, marbre, etc.) qui peuvent prendre diverses formes (opposition classique entre forme et matière). Cette origine empirique n'est pas anodine, car elle constitue une matrice pour le concept.

2/ Par extension de cet usage, le substantialisme métaphysique suppose une entité permanente, la substance, support de toute chose qui existe par elle-même et ne dépend de rien. Le terme d’Hupokeimenon (ὑποκείμενον) signifie ce qui a une fonction de support (substrat) et se traduit en français par substance qui lui-même vient du latin substare (se tenir dessous).

3/ A contrario, Emmanuel Kant définit la substance comme l’idée a priori de la permanence du réel dans le temps. Il en fait une catégorie de la pensée sans prétention réaliste. C’est une définition qui se confond avec le jugement d’existence référé à la temporalité : pour comprendre le Monde, nous devons penser que quelque chose existe et dure dans le temps.

Dans les emplois effectifs du terme, on constate souvent un mélange des trois idées avec une prépondérance de l’une ou l’autre selon le cas.

Le dogme du dualisme des substances s’est installé avec Descartes. Outre Dieu, substance parfaite, le monde se composerait de deux substances : l'une matérielle étendue et l'autre spirituelle ou esprit. L'homme connaîtrait la substance étendue par l’intermédiaire de la substance spirituelle qui constitue son esprit.

Le monisme matérialiste suppose une seule substance, la matière. La matière est définie par Locke comme une « substance corporelle » relevant uniquement des qualités premières. Force est de constater que la physique n’a pas mis en évidence ce constituant fondateur et que, dans les autres sciences, le terme donne l’idée d’un matériau, par exemple, la « matière minérale » ou la « matière vivante ». Jacques Monod a rappelé (Leçon inaugurale, Collège de France, 1967) que cette dernière n’existait pas.

La notion de substance étant source de difficultés et de confusions, il paraît préférable de l’éviter pour qualifier ce qui existe de manière permanente. Décréter le réel substantiel est inutile et source de confusion, car il faut ensuite savoir ce qu'est la substance et combien il y en a, ce qui conduit à des spéculations métaphysiques.

 

Pour en savoir plus, voir l'article : L'idée de substance