Revue philosophique

La notion de paranoïa recouvre un ressort psychologique courant (désigné par le terme populaire « faire une parano ») qui associe méfiance et susceptibilité excessives, et une pathologie psychique grave, d’abord identifié par la psychiatrie comme un délire chronique (fin du XIXe siècle), puis comme une forme de personnalité (au début du XXe siècle).

Chez les personnalités paranoïaques, la relation à la réalité est faussée, ce qui provoque des interprétations tendancieuses qui parfois se transforment en délire. Ces personnes pensent subir des dommages de divers ordres, ce qui provoque une méfiance, des réactions agressives et une lutte active contre leurs ennemis, ou, au contraire un repli.

Le syndrome le plus caractéristique est la formation d'un système délirant chronique parfaitement décrit par Emil Kraepelin dans son Manuel de Psychiatre à partir de 1899. Il parle d'un : « développement insidieux, sous la dépendance de causes internes et selon une évolution continue, d'un système délirant durable et impossible à ébranler, et qui s'instaure avec une conservation complète de la clarté et de l'ordre de la pensée, du vouloir et l'action ».

La paranoïa pose un problème social et politique non négligeable, car, à tous les échelons sociaux (du petit groupe à l'État Nation), des personnalités paranoïaques cherchent à imposer un pouvoir autocratique et à entraîner les autres dans leur subjectivité morbide. La personne se construit avec ceux qu'elle entraine avec elle, une vision caricaturale, partiale, persécutive, désadaptée de la situation, composée en une vision du monde délirante, mais plausible et convaincante à force de démonstration et de conviction. 

La tendance psychologique, consistant à se sentir lésé et à suspecter une intention mauvaise chez les autres, est très présente chez beaucoup de personnes. Elle peut donc facilement être mise en jeu, stimulée et exacerbée en particulier par le procédé consistant à désigner des ennemis, à suspecter des complots, et finalement à désigner des responsables servant de boucs émissaires. Le procédé, constamment employé, est malheureusement très efficace pour entraîner les masses et il est dangereux politiquement. Il conduit à des affrontements destructeurs.