Revue philosophique

Structuralisme et sciences humaines

 

Le structuralisme fut la pensée dominante dans les sciences de l’homme en Europe durant la seconde moitié du XXe siècle. Dans les années 1960, la plupart des intellectuels se rattachèrent au structuralisme (après le déclin de l’existentialisme et de la phénoménologie). C'est vrai tout particulièrement en France où il a connu un succès considérable.

 

Structuralism was the dominant thought in the human sciences in Europe during the second half of the 20th century. In the 1960s, most intellectuals attached themselves to structuralism (after the decline of existentialism and phenomenology). This is particularly true in France where it has enjoyed considerable success.

 

Pour citer cet article :

Juignet Patrick. Structuralisme et sciences humaines. Philosophie, science et société.2015. https://philosciences.com/le-structuralisme.

 

Plan de l'article :


  1. Histoire d'une mode
  2. Principes du structuralisme
  3. Structuralisme et scientificité
  4. Une ontologie de la structure ?
  5. Critiques du structuralisme
  6. Conclusion : un effacement transitoire ?

 

Texte intégral :

1. Histoire d’une mode

Il y a eu de nombreuses formes de structuralisme dans divers domaines d’application, mais nous allons donner une idée générale de ce courant de pensée. La doctrine s’est développée dans les années cinquante et a atteint son apogée vers 1965.

Dans les sciences formelles et empiriques traditionnelles, il a offert une alternative à la conception atomiste et mécaniste de la science héritée du XIXe siècle. Dans ces domaines, il a plutôt pris la forme de la pensée systémique, mais, curieusement, il y a eu peu de communication entre ces courants. Sous la plume de Pierre Auger, dans un article intitulé « Le nouveau visage de la science », on peut lire : une orientation a été prise dans la science du XXe siècle qui pourrait être caractérisée par la notion de structure. « Les études de structure ont atteint au fur et à mesure des améliorations techniques des niveaux de plus en plus profonds […] Les corpuscules les plus fondamentaux sont eux-mêmes soumis à l’analyse structurale » (Auger P., « Le nouveau visage de la science », in : La science contemporaine, t 2., le XXe siècle, Paris, PUF, 1964, p. 10).

Nous nous intéresserons, dans cet article, au structuralisme dans les sciences humaines. Le succès du structuralisme dans ce domaine a été considérable. Puis, soudainement, la mode a passé et, vers les années 1980, l’engouement pour le structuralisme a disparu. Les intellectuels vedettes qui l’ont porté ont disparu et la génération suivante n’a pas repris pas le flambeau. Le structuralisme a aussi été victime de son succès qui lui a donné une extension si vaste et si floue que les conditions d’une transmission sérieuse se sont perdues. En effet, un certain nombre de travaux ont été proclamés structuralistes sans en avoir les caractéristiques minimales. Cette doctrine a enfin été victime de son ambition excessive : la volonté d’unifier sous un même paradigme l’étude de la totalité des activités humaines.

Mais alors, au vu de ces déceptions, pourquoi s’intéresser encore au structuralisme ? Sur le plan méthodologique, lorsqu’il est appliqué avec sérieux et sans excès dogmatique, il donne des résultats intéressants et il se peut qu’il renaisse de ses cendres sous d’autres formes, car les approches globales et synthétiques sont souvent plus pertinentes pour l’homme que les approches analytiques.

2. Principes du structuralisme

L'idée de structure

Le terme de structure a primitivement un sens architectural. Il désigne la manière dont est bâti un édifice, ses lignes de force. Mais, c’est la linguistique du XXe siècle qui lui donne son emploi dans les sciences de l’homme avec l’école de Prague (Troubetzkoy, Jakobson) et le Danois Hjelmslev, vers 1939.

Le principe de la théorisation structurale consiste à repérer un ordre présent derrière les faits et leurs variations. La mise en évidence de relations constantes malgré le changement conduit à envisager la persistance d’une structure. Passé ce principe, qui fait l’objet d’un accord général, les utilisations du concept sont bien différentes.

La structure est tantôt considérée comme un schéma théorique (position formaliste), tantôt comme ayant une existence (position réaliste), parfois comme une organisation concrète, ce serait alors « toute forme concrète d’organisation » (Fages J.-B., Comprendre le structuralisme, Paris, Privat, 1968, p. 10.). Le structuralisme s’accompagne, selon les auteurs, d’un refus de la temporalité ou pas. En effet, la structure est indépendante du temps, puisqu’elle forme une architecture qui ne dépend que d’elle-même. Mais, d’autres mettent en évidence que toute structure a nécessairement une genèse.

Les exigences, quant au degré de complexité et à la forme de l’ordonnancement repéré, quant à la rigueur de la formalisation théorique qui en rend compte, quant à solidité et à l’objectivité des ensembles factuels évoqués, quant aux modes d’existence de la structure, ont été si diverses, que l'idée de structure a perdu une grande partie de sa pertinence.

De l'idée de structure au structuralisme

Un excellent énoncé des principes fondamentaux du structuralisme a été donné par Michel Foucault en 1966 : « Le point de rupture s’est situé le jour où Lévi-Strauss pour les sociétés et Lacan pour l’inconscient, ont montré que le sens n’était probablement qu’une sorte d’effet de surface, un miroitement, une écume, et que ce qui nous traversait profondément, ce qui était avant nous, ce qui nous soutenait dans le temps et dans l’espace, c’était le système » (Foucault M., entretien, La Quinzaine Littéraire, n°5, 15 mai 1966).

Pour Foucault, il s'agit d'une méthode d’analyse qui concerne ce que l’homme produit. Elle cherche à découvrir des relations entre les éléments de l’activité humaine, postulant que ces relations ne soient ni naturelles, ni psychologiques, mais aient une nature propre. Dans la mesure où il découvre quelque chose de singulier et de caractéristique de la plupart des activités humaines, le structuralisme pourrait être une science unificatrice des sciences humaines et sociales.

La  méthodologie structurale cherche à repérer un ordre présent derrière les faits et leurs variations. La saisie de cet ordre a donné l’espoir de sortir la connaissance de l’homme de la « compréhension » et des interprétations subjectives, afin de la faire entrer dans l’ère de la scientificité. La « structure » ainsi conçue est un modèle explicatif synthétique qui est extrait par abstraction des faits épurés et de leurs transformations dynamiques. On peut aussi donner la définition donnée par Michel Foucault selon laquelle le structuralisme est la méthode d’analyse qui consiste à dégager des relations constantes à partir d’éléments qui peuvent changer (Interview, 1971). Par cette méthode jugée largement applicable, le structuralisme a tenté une unification des sciences humaines.

Avec le structuralisme, l’instantané est privilégié au détriment des évolutions temporelles. La doctrine s’est distanciée de l’historicité pour étudier les interactions synchroniques, d’où l’utilisation soit de la combinatoire, soit de la topologie, pour tenter de donner une formalisation au jeu des forces supposées interagir. Quel que soit le domaine, il s’agit de pratiquer de grandes coupes synchroniques et de les formaliser. Le refus de la temporalité laisse de côté les processus de genèse et délaisse la causalité. L'analyse structurale est atemporelle et acausale.

L'accent est mis sur l'invariance, principe de base de repérage des structures. Par exemple, Jean Cuisenier, dans la revue Esprit de 1967, décrit le structuralisme comme « l'application aux phénomènes sociaux de transformations telles que les relations de position entre les éléments d'un système demeurent invariantes ». Il s'agit de trouver une organisation des constituants à partir de la fixité de leurs rapports. C'est le rapport des éléments entre eux qui est considéré comme déterminant et qui doit être décrit et formalisé.

Passé ce principe qui fait l’objet d’un accord général, les conceptions du structuralisme sont bien différentes et parfois très floues. Le degré de formalisation jugé indispensable, le mode d’existence de l’organisation étudiée et son pouvoir de genèse sont conçus de manières diverses et ont été sujet à d’âpres controverses. La structure est tantôt considérée comme un schéma théorique (position formaliste et instrumentaliste), tantôt comme un être véritable (position réaliste).

Cette diversité est telle que l’on peut aussi parler des structuralismes. « Il existe un grand nombre de structuralismes qui parfois se complètent, souvent s’ignorent et dans certains cas entrent en conflit » (Vexliard A., « Les structuralismes et leurs conflits », Nice, 1972). Parfois, il faut bien le dire, c’est simplement un mot fétiche qui ne renvoie à rien de précis, si ce n’est à un phénomène de mode. Le structuralisme se rattache surtout au langage, car les années soixante ont été un moment de rayonnement de la linguistique considérée comme « science pilote » pour les sciences de l’homme. La conception structurale se retrouve dans la mise en avant de la « fonction symbolique » avec Lévi-Strauss et de « l’ordre symbolique » avec Lacan. Elle prend une tournure littéraire avec des auteurs comme Roland Barthes ou Gérard Genette.

3. Structuralisme et scientificité

Le structuralisme a permis de sortir de l’abord purement empirique et de ses pièges en ce qui concerne les sciences humaines et sociales. Il l'a fait en dirigeant le regard vers un sous-jacent formalisable : la structure, dont il a voulu donner une formalisation. Il s'est simultanément opposé à l’approche littéraire (caractérisée par le commentaire et l’interprétation, la contextualisation sociohistorique). Ainsi, il a indéniablement apporté, sur le plan de la méthode, quelque chose d’intéressant et de nouveau pour les sciences de l’homme.

Il est arrivé à un moment de fort développement des sciences humaines et sociales qui demandaient de nouveaux modèles explicatifs. Il a ainsi accompagné les développements de la psychanalyse, de l’anthropologie et de la linguistique. Il a semblé, à l’époque, pouvoir constituer le nouveau paradigme scientifique à opposer à la démarche littéraire et interprétative qui prévalait dans ces disciplines.

Pour certains, la méthode structurale apporte un gain de scientificité en ce qu'elle permettrait de neutraliser le sens. C'est ce que soutient, dans son Essai d’une philosophie du style, Gille-Gaston Granger. Selon Granger, la science doit opérer une réduction des significations, elle doit les neutraliser ou les « objectiver ». Les significations ne sont pas, par elles-mêmes, un matériau possible. Les significations sont du domaine de la philosophie et la science ne peut vouloir jouer le rôle de la philosophie, elle doit construire des structures d’objet (autrement dit : des « modèles »). Les sciences de l'homme dégagent des structures, alors que la philosophie produit une herméneutique des significations. L'exemple d’une herméneutique de type philosophique est donné par Paul Ricœur dans son ouvrage De l'interprétation (Paris, Le Seuil, 1965) et celui d'une construction de modèles structuraux par Claude Lévi-Strauss dans ses travaux sur les mythes. C'est un point de vue discutable.

La critique du sujet, en tant qu’unité transcendantale amorcée par le structuralisme, a été également utile pour faire évoluer la conception de l’homme. L’idée d’un sujet hors du monde, d’une unité synthétique présente dans l'esprit de chaque individu, est discutable et a été remise en question par le structuralisme. Mais, cette tendance excessive a été jusqu'à effacer la personne, l’individuation de chaque homme.

À cette époque, le structuralisme, en dégageant les sciences humaines du commentaire et de l'herméneutique, a apporté un renouveau méthodologique.

4. Une ontologie de la structure ?

Pour Jean Piaget, dans Le Structuralisme (1968), « le danger permanent qui menace le structuralisme, est le réalisme de la structure », ce qui signifie que la formalisation exhumée soit donnée pour exister réellement. Ce réalisme de la structure risque d’être un nouvel idéalisme, car la structure n’est pas concrète, c'est une abstraction formelle. Mais, on constate qu’il y a eu peu de discussions argumentées sur l’existence réelle ou non de la structure ou s’il fallait s’en tenir à une position instrumentaliste en ce qui la concerne. Il peut avoir un autre effet, que nous allons voir dans le paragraphe suivant, qui est de masquer la complexité de la réalité et de l'assimiler au modèle structural qui l'explique.

Sur le fond, la question est de savoir si on peut faire du concept de structure un usage ontologique (c’est-à-dire concernant une manière d’être, une forme d'existence du réel). L’idée que la structure puisse concerner le réel est intéressante. En effet, l’idée de structure s’oppose à celle de substance et offre ainsi une alternative. En même temps, elle invite à penser une pluralité du réel, car il existe des structures bien différentes selon le domaine concerné. On échappe ainsi au monisme ou au dualisme des substances. La question est à discuter.

Sur le plan de la méthode, le structuralisme voulait saisir, derrière la diversité phénoménale, un arrière-plan fondateur qui serait la structure. Mais, aller vers une ontologie de la structure (un réalisme structural) pose un problème et doit être discuté. L’affirmation réaliste selon laquelle cette structure théorique serait le fondement réel des choses est trop abrupte ; une affirmation plus nuancée serait acceptable. On peut supposer que les structures mises en évidence donnent une idée du réel et laisse supposer qu’il soit structuré (organisé).

5. Critiques du structuralisme

Il y a eu une tentative de généralisation du langage, c'est-à-dire de ramener tout ce qui touche l'homme à des effets de langage. Mais aussi, à un langage lui-même ramené à la syntaxe et peut-être finalement à une unique « structure du symbolique ». Cette volonté d'unification néglige la diversité des systèmes cognitifs et représentationnels humains. Il semble aussi, qu'à un moment donné, il y ait eu une confusion entre la réalité étudiée et la méthode d'étude, ou encore une contamination de l'objet d'étude par la méthode. Par l'ambition de syntaxiser l'humain, on peut soupçonner que la modélisation structurale soit, à cette occasion, abusive. Ramener l’humain à une combinatoire désincarnée, dire que la signification ne vient que du jeu d’éléments formels est faux.

Le structuralisme, dans les sciences de l’homme, fermé sur lui-même, a ignoré des courants de pensée proches et intéressants. Il a laissé de côté la pensée de la relation et de l’organisation pourtant similaire qui s'est développée avant lui, puis parallèlement. Vers les années mille neuf cent vingt, les philosophes Samuel Alexander et Lloyd Morgan bâtirent une théorie connue sous le nom d’évolutionnisme émergent, qui supposait l’apparition de configurations de plus en plus complexes. Lorsque la complexité franchit certains seuils, des propriétés nouvelles émergent et ce processus produit des niveaux d’organisation successifs. Une théorie des niveaux d’intégration (Theory of integrative levels) a été proposée par les philosophes James K. Feibleman et Nicolaï Hartmann au milieu du XXe siècle et, presque simultanément, par Werner Heisenberg en 1942. Cette vision du monde fut popularisée par Joseph Needham dans les années 1960.

Curieusement, le structuralisme a laissé de côté la pensée systémique (mise en avant par Ludwig von Bertalanffy), alors que le principe méthodologique est identique. La différence entre structure et système est parfois nulle au point que les structuralistes parlent souvent de « système » en lieu et place de structure. À titre d’exemples, citons Ferdinand de Saussure qui utilise exclusivement le terme de système et nous avons cité précédemment Michel Foucault.

On peut aussi faire appel à Claude Lévi-Strauss qui a écrit en 1955 : « L’ensemble des coutumes d’un peuple est toujours marqué par un style ; elles forment des systèmes. Je suis persuadé que ces systèmes n’existent pas en nombre illimité, et que les sociétés humaines, comme les individus dans leurs jeux, leurs rêves ou leurs délires ne créent jamais de façon absolue, mais se bornent à choisir certaines combinaisons dans un répertoire idéal qu’il serait possible de reconstituer » (Tristes tropiques, p. 183). La méthode vise à reconstituer cette combinatoire, c’est-à-dire un système. La différence est faible, elle tient à ce que la pensée structuraliste est plutôt portée sur les rapports fixes, la reproduction, l’invariance, alors que la pensée systémique est plutôt dynamique.

La volonté de trouver l’explication dans la synchronicité est devenu un dogme structuraliste qui s'est appliqué au point de dénier à l’histoire et aux évolutions toute vertu explicative, ce qui est évidemment impossible, car il n’y a pas de génération spontanée des organisations humaines quelles qu'elles soient. Une partie du mouvement structuraliste, reprenant la séparation culture/nature, a eu la volonté de donner une prééminence au culturel. Il y a évidemment une difficulté à nier l’histoire et valoriser la culture, car il faudrait que celle-ci soit sans histoire.

Sur le plan idéologique, on trouve chez certains structuralistes un antihumanisme. Cette attitude est motivée par la constatation d’une hétéronomie objective : l’homme serait déterminé par des structures qui lui sont extérieures (celle du langage, celle de l’économie). À ce titre et comme il jouerait un rôle de leurre, l'humanisme est dénoncé comme une mystification. Passer de la défense théorique d’un déterminisme structural à une dévalorisation de l’humain est une position idéologique qui présente le grave danger de favoriser une évolution sociale vers la brutalité et le cynisme.

L’antihumanisme de certains structuralistes participe de ce qu’on nomme l’idéologie postmoderne et de son désenchantement. Le structuralisme y a contribué par sa volonté de chasser le sens pour le réduire à un jeu de signifiants. Mais, il ne s’intègre que pour partie à la postmodernité. En effet, les divers structuralismes ont toujours maintenu l’idée d’une validité de la science, ce que la postmodernité conteste.

Une partie des auteurs déclarés structuralistes se sont exprimés dans un langage obscur et ésotérique, ce qui exclut de pouvoir prétendre à une quelconque scientificité (pourtant revendiquée). Le structuralisme n'est pas homogène et présente de nombreuses contradictions.

Concernant les sciences de l'homme, dans les années 1950/60, le structuralisme a subi l'influence de la linguistique. L’importance donnée au logico-linguistique par le structuralisme appliqué aux sciences humaines paraît, a posteriori, sans fondement. Affirmer qu'une structure logico-langagière soit au fondement de l'organisation sociale, des formations de l'inconscient, des mythes, etc., reste une hypothèse sans démonstration probante. L’idée que la structure déterminante pour l’homme serait la « structure du symbolique » paraît infondée.

L'inconvénient de cette mode a été le refoulement du rôle de l'imaginaire, du pulsionnel et de la pensée magique, dans la détermination des conduites humaines, individuelles et collectives.

6. Conclusion : un effacement transitoire ?

Bien que mettant en avant une méthodologie intéressante, le structuralisme a pâti de ses excès, au point qu’il semble, au XXIe siècle, s’être dissout. Parti d’hypothèses heuristiques et d’une forme de modélisation valide sa tendance totalisante (tout expliquer et par ce seul modèle) l’a discrédité, car on pouvait  difficilement y adhérer sans exclure les autres approches, par ailleurs intéressantes. Ce superbe isolement du structuralisme est artificiel ; il a été favorisé par la mode intellectuelle qui l'a survalorisé au détriment des courants complémentaires. On peut parfaitement associer la modélisation structurale à une approche diachronique (historique ou génétique) et aussi fonctionnelle. 

On peut penser que les mouvements d’idées désordonnés, mais dynamiques et productifs dans les sciences de l’homme durant la seconde moitié du XXe siècle, dont le structuralisme a fait partie, participent de la période préscientifique (ou mieux protoscientifique) décrite par Thomas Kuhn, période pendant laquelle une multitude de doctrines se pressent et se concurrencent, avant qu’intervienne un paradigme qui les unifie pour un temps.

Pour l'avenir, le problème épistémologique de fond est de savoir si une approche globalisante est plus intéressante, dans les sciences humaines et sociales, qu'une approche analytique. Il semble bien qu'une vision d'ensemble permette de trouver des modèles explicatifs et prédictifs intéressants, et ainsi d'obtenir une scientificité accrue, par comparaison avec une approche purement descriptive et compréhensive.

Reste le difficile problème ontologique. Du point de vue ontologique, l'approche structurale donne-t-elle une indication sur ce qui fonde l'humain et le social, à savoir son caractère organisé, ou doit-elle être considérée comme une théorisation commode et rien de plus ?

Ces aspects épistémologiques concernent aussi bien le structuralisme que la pensée systémique, qui sont des approches voisines. Après l'effacement transitoire du structuralisme, il n'est pas impossible qu'une synthèse entre ces approches concurrentes se produise.

 

Bibliographie :

Auger P., « Le nouveau visage de la science », in : La science contemporaine, t. 2, Paris, PUF, 1964.
Cuisenier J., "Le structuralisme du mot, des idées et des outils", Esprit, mai 1967.
Dosse F., Histoire du structuralisme, Paris, La découverte, 1992.
Fages J.-B., Comprendre le structuralisme, Paris, Privat, 1968.
Foucault M., entretien, La Quinzaine Littéraire, n°5, 15 mai 1966.
Granger G.-G., Essai d’une philosophie du style, Paris, Armand-Colin,1968.
Levi-Strauss C., Tristes tropiques, Paris, Plon, 1955.
Piaget J., Le structuralisme, Paris, PUF, 1968.
Vexliard A., « Les structuralismes et leurs conflits », Cours à la faculté de Nice, 1972.

 

Note : Pour plus de détails sur les différents structuralismes, voir les articles sur Claude Lévi-Strauss, Michel Foucault, Noam Chomsky.