Une montée en popularité de l’extrême droite se produit partout en Europe. En arrière-plan, se profile la stagnation économique européenne, qui se traduit par une baisse de pouvoir d’achat d'une partie de la population. L’autre difficulté, l’immigration, est mise au premier plan par ces partis populistes qui en ont fait leur cheval de bataille. Ils misent aussi sur l'insécurité.

L’immigration n’est pas envisageable d’un bloc. Il faut distinguer l’arrivée de personnes d’autres pays, d'avec la question de la différence culturelle. C'est elle qui pose véritablement un problème, si elle s'accompagne d'un refus d’intégration, voire d'une opposition à la culture et aux mœurs des pays d'accueil. Lorsque les immigrés se fondent ou s'accommodent avec la culture du pays dans lequel ils arrivent il n'y a pas de heurts. 

Les problèmes posés par l'absence ou l'insuffisance d’intégration ont été niés par les partis politiques traditionnels. Face à ce déni la partie de la population qui en souffre s'est tournée vers ceux qui en tiennent compte : les partis populisme d'extrême droite. L’absence de réponse, voire la stigmatisation des inquiétudes concernant l’identité culturelle profite ces partis, qui prétendent avoir une réponse aux problèmes posés.

L'immigration ne peut pas être considérée d'un seul tenant. Il faut distinguer l’arrivée de personnes d’autres pays, d'avec l'arrivée en masse de populations d'une culture différente avec une volonté communautariste et religieuse marquée. C'est ce dernier cas qui a pour conséquence de déstabiliser les populations locales et de provoquer des réactions de rejet. Il ne s'agit pas de problèmes économiques puisqu'il y a en Europe une insuffisance de main d'œuvre. La difficulté est celle du choc culturel et religieux. 

Le dilemme moral et politique est le suivant : préserver l'identité culturelle européenne conduit à contrôler les frontières ce qui, par ailleurs, contrevient au droit fondamental de l’Homme à la mobilité.

Deux problèmes se télescopent : la mobilité des personnes, et celle de populations aux mœurs différentes. Face à cette dualité d'aspects, on se retrouve à devoir hiérarchiser et à préciser les valeurs sur lesquelles on s'appuie pour choisir une attitude politique, en tenant compte (ou pas) des conséquences de cette action. Une éthique humaniste conduit à une posture d’accueil. Cependant, elle impose de préserver les valeurs, elles aussi humanistes, comme l'égalité des sexes, la laïcité, la démocratie. La préservation des acquis civilisationnels européens est éthiquement légitime. Comment sortir de cette contradiction ?

La Suède est à cet égard exemplaire. Elle est restée longtemps un pays homogène sur le plan ethnique et culturel, ouverte aux étrangers. La social-démocratie suédoise a réussi à créer une société la plus égalitaire possible en encadrant l’économie libérale du pays. Cela a permis un bon développement économique et de faibles différences  de classe. La porte ouverte à tous les migrants a durée une longue période. Ce faisant, la politique suédoise a nié les effets sociétaux négatifs causés par cette immigration massive. En septembre 2022, une coalition avec l'extrême droite a remporté les élections avec le soutien d’un parti d’extrême droite. En Finlande et au Danemark le même phénomène de montée de l'extrême droite s'est produit pour la même raison. 

D'un point de vue éthique, c'est-à-dire des principes, on tombe sur des contradictions insolubles : d'une part l'accueil des personnes et la libre circulation et d'autre part, le respect de l'identité des populations locales et de certaines valeurs civilisationnelles. En revanche, lorsque que l'on décline les principes éthiques dans des règles de conduites morales et politiques, certaines solutions s'offrent en adoptant un point de vue conséquentialiste. Si l’on tient compte des conséquences, alors on peut avoir une action efficace pour éviter les effets fâcheux. Dans divers pays européens les partis politiques ne veulent pas différencier les migrations problématiques de celles qui ne le sont pas. L'extrême droite a intérêt à amalgamer tous les migrants pour alimenter son fonds de commerce xénophobe. La gauche refuse de distinguer le communautarisme islamisant fauteur de trouble, pour des raisons idéologiques. La conséquence est un amalgame irresponsable dans un problème dit « migratoire » qui ne répond pas à la réalité sociale

En Suède, Finlande et Danemark, des mesures ont été prises pour limiter les conséquences indésirables : réduction des flux migratoires, politique d'intégration des populations migrantes au sein des populations locales. Ce qui demande de déployer des moyens sociaux (surtout éducation et formation). Depuis, l'extrême droite a fortement régressée dans ces pays.

Concernant la Suède, voir : Ruiz, Ugo. Le virage nationaliste en Suède. La vie des idées. 2024. https://laviedesidees.fr/Le-virage-nationaliste-en-Suede/.
Sur la différence entre déontologisme et conséquentialisme, voir : https://philosciences.com/deontologisme-consequentialisme.