Les manifestations psychosomatiques

 

Dans la mesure où l'on retrouve des manifestations fonctionnelles somatiques dans toutes les formes de personnalité, ces manifestations sont à considérer comme des syndromes ubiquitaires, même si dans certains cas, ils prennent le devant de la scène. Nous proposons ici une conception permettant de distinguer et différencier les divers syndromes somatiques d'origine psychique.

  

Pour citer cet article :

Juignet, Patrick. Les manifestations psychosomatiques. Philosophie, science et société. 2020. https://philosciences.com/manifestations-psychosomatiques.

 

Plan:


  1. Une base théorique sommaire
  2. La catégorisation clinique qui en découle
  3. Les cinq formes de symptomatologies psychosomatique
  4. Une orientation dans l'immense champ des somatisations

 

Texte intégral : 

1. Une base théorique sommaire

Généralités

L’homme en tant qu’individu doit être considéré selon des degrés d’organisation. Les modes d’organisation présents chez l’homme sont de complexité croissante. Pour simplifier, nous partirons de l’organisation biologique, ce qui est suffisant dans le cadre qui nous intéresse. L'individu peut alors être considéré comme étant constitué d'un niveau biologique au sein duquel émerge un appareil remarquable, le système nerveux. C’est au sein de ce dernier que, par complexification de l’organisation, apparaissent deux niveaux qui nous intéressent particulièrement 2/ le niveau du fonctionnement neurofonctionnel et 3/ le niveau cognitivo-représentationnel.

Le biosomatique regroupe l'ensemble des organes et appareils qui peuvent être associés à un mode d'organisation qualifié de biologique. Le système nerveux en fait partie, car il a un mode d'organisation neurobiologique que l'on décrit sous le registre anatomique (sa structure) et neurophysiologique (l’activité des neurones et des cellules gliales, leurs modifications métaboliques). Mais, de plus, en son sein émergent deux niveaux de complexité supérieure : le niveau du traitement de l’information neuronale (le traitement des signaux électriques et biochimiques dans les réseaux neuronaux) et le niveau cognitivo-représentationnel  (le système des représentations et schèmes cognitifs).

Le psychisme, tout en intégrant le fonctionnement cognitif, y associe des aspects neurobiologiques (pulsionnels) et des influences sociales. C'est donc une entité complexe qui n'est pas homogène et, de ce fait, difficile à cerner. Elle synthétise les deux niveaux vu plus haut. Le psychisme est une entité complexe, évolutive au fil de la vie individuelle. Elle mémorise et traite des contenus qui dépendent de facteurs relationnels, éducatifs, sociaux, et de facteurs biologiques et neurophysiologiques.

Le psychisme est constitué par des éléments complexes organisés en strates (souvenirs, imagos, schèmes relationnels). Il a une dynamique ainsi qu'une structuration d'ensemble en systèmes ou instances. Le psychisme gouverne l'affectif (les relations interpersonnelles investies), le libidinal (le plaisir et la sexualité) et le narcissisme (identité, estime de soi). Tout cela est inconscient par définition, puisque reconstitué à partir de la pensée consciente et des actes observés cliniquement. Le psychisme participe très largement de ce qu'on nomme la personnalité.

Ce modèle permet d’envisager les interactions entre le psychique et le somatique au sein de l’individu. À partir de ces interactions, il est possible de proposer un schéma explicatif extrêmement simple des manifestations fonctionnelles dites « psychosomatiques ». Il suffit de considérer les interactions entre les niveaux qui ont été individualisées, et de voir si elles ont une répercussion biologique somatique, sous une forme ou une autre.

Les interactions envisageables chez l’individu

Les interactions se font entre entités contiguës et en cascade de proche en proche. Ces interactions permettent de comprendre les divers types de manifestations fonctionnelles et psychosomatiques.

1/ Interactions de contiguïté

Le neurofonctionnel et le cognitivo-représentationnel sont en interaction. Le neurofonctionnel contribue aux contenus et processus représentationnels et, dans l’autre sens, il y a une transcription de la pensée et des processus cognitifs en mode neuroinformationnel (signalétique et chimique). Le neurofonctionnel dépend du neurologique proprement dit (des réseaux neuronaux, des neuromédiateurs, des systèmes précâblés), mais en même temps s’autonomise au sens où le traitement de l’information (les signaux électriques et biochimiques circulants) a ses propres règles.

En mode descendant, il envoie des commandes qui empruntent nécessairement le système neurologique central et périphérique. En fin de trajet descendant, le neurofonctionnel commande via les systèmes moteurs et végétatifs l’ensemble du somatique. Ceci est trop connu pour être développé. Cette action est certaine et évidente, puisqu’il faut passer par le somatique pour réaliser un acte quelconque commandé par une idée.

Du somatique au cognitivo-représentationnel, le trajet ascendant est mal connu, mais on sait que, par voie montante, les dysfonctions biologiques d’origine purement somatiques provoquent des effets neurofonctionnels et représentationnels (les maladies graves s’accompagnent d’idées de mort qui sont produites par le fonctionnement cognitivo-représentationnel). De plus, des troubles biologiques mal connus (immunologiques, endocriniens) par voie montante entrent en interaction avec le neurofonctionnel et provoquent des manifestations floues comme par exemple dans la fibromyalgie et la fatigue chronique ou des sentiments et idées dépressives.

Le neurofonctionnel et le neurologique au sens strict agissent constamment sur les régulations du tonus musculaire et sur le système neurovégétatif ayant ainsi des actions viscérales. La régulation n’est pas infaillible et peut dysfonctionner à certains moments pour se rétablir ensuite grâce aux processus homéostatiques.

2/ Une idée incertaine des mécanismes interactifs

Ce sont ces interactions à double sens qui interviennent dans les manifestations psychosomatiques et fonctionnelles et qui permettent de les expliquer. Nous n’avons que des idées très sommaires sur ces mécanismes interactifs qui sont très complexes et mal connus. Donnons quelques exemples.

Le niveau représentationnel peut envoyer, via le niveau neurosignalétique, des signaux au système limbique, au système réticulé et à l’hypothalamus. Par le biais du système réticulé, il peut agir sur la musculature (tensions, dystonie, tremblements) ; par le biais de l’hypothalamus, il peut agir sur l’axe cortico-surrénalien et les systèmes sympathique et parasympathique. Le stress peut être déclenché par des aspects purement représentationnels (par exemple une information verbale signalant un danger imminent). À la phase d’alerte, on note une activation des processus intellectuels à quoi s’ajoute une stimulation des processus biologiques par le système sympathique et médullo-surrénalien et une activation du comportement, notamment l’anticipation de l’action et l’élaboration de réponses.

Tout cela est mal connu et fait l'objet de recherches. Il est cependant certain que ces interactions existent. Nous ne les préciserons donc pas, mais supposons seulement qu’elles existent pour comprendre et catégoriser les manifestations fonctionnelles et somatiques d’origine psychique.

Les aspects neurophysiologiques, le traitement de l'information dans les réseaux neuronaux et ce qui est de l'ordre du cognitif sont regroupées sous une entité unique le psychisme. Pris globalement, il est possible d'en donner un modèle (voir l'article : Un modèle du psychisme). Nous aboutissons pour simplifier à distinguer deux entités, le somatique et le psychisme, qui sont évidemment en liaison constante et dépendent l'un de l'autre.

Pour avoir un trouble, il faut nécessairement qu’il y ait un mouvement affectif. Une idée abstraite et neutre ne provoque pas de symptômes. Il faut une énergie mobilisatrice qui ne peut être que d’ordre affectif et est généralement d’origine relationnelle. Ce que l’on nomme du terme flou d'affect ou d'énergie psychique u de pulsion. L'expérience montre que cette énergie est en relation avec des souvenirs, des représentations, des raisonnements, qui sont de type cognitivo-représentationnel. Pour avoir un trouble psychosomatique, il faut nécessairement qu’il y ait un mouvement affectif intense en relation avec des souvenirs, des représentations, des raisonnements, qui sont de type cognitivo-représentationnel.

2. La catégorisation clinique qui en découle

Le modèle proposé ci-dessus permet de comprendre et de catégoriser les faits considérés comme corporels, fonctionnels et psychosomatiques décrits par la clinique. Il suffit de se demander lequel des niveaux que nous avons individualisé agit le plus dans la genèse de manifestations corporelles et somatiques. Si nous reprenons le schéma de compréhension proposé, la confrontation à la clinique amène à considérer un certain nombre de cas. Nous les séparerons en deux catégories : a/ Les cas exclus de l’étude, b/ Les symptômes qui ont leur origine dans le fonctionnement psychique.

Les manifestations corporelles ordinaires : Les manifestations corporelles, telles que perçues habituellement, sont d’origine principalement représentationnelle. Des attitudes posturales, la gestualité, la présentation, l’adoption de parures, de vêtements, etc. Elles sont comparables à une expression langagière. Ce sont des formes signifiantes, plus ou moins codées, qui sont interprétées au niveau représentationnel. Elles sont explicables par notre modèle, mais ne sont pas pertinentes pour la psychosomatique, car elles ne constituent pas des symptômes. Nous les laisserons de côté.

Les manifestations somatiques biologiques : Les manifestations symptomatiques causées par le fonctionnement somatique sont soit normales, soit pathologiques. Normales, elles sont des indices du bon fonctionnement somatique, de la santé. Pathologiques, elles sont des indices d’une maladie organique et entrent dans les symptômes répertoriés par la clinique médicale classique. Ceci forme l’ensemble de la sémiologie médicale qui nous intéresse ici au titre de pouvoir effectuer un diagnostic différentiel.

Les troubles d’origine psychique : Ce sont les manifestations psychosomatiques. On peut les définir comme les effets descendants (vers le somatique) des niveaux regroupés sous le terme de psychisme. Nous allons voir les cinq formes de pathologies possibles.

3. Les cinq formes de symptomatologies psychosomatiques

Les manifestations corporelles pathologiques

Les manifestations corporelles sont une expression des processus spécifiquement de type cognitif et représentationnel du psychisme. Elles sont une expression indirecte dans un langage non verbal. Ne pouvant s’exprimer de manière directe, claire, efficace, c’est-à-dire par un énoncé verbalisé et une conduite appropriée, les processus représentationnels s’expriment de manière corporelle. Nous le définirons tout simplement comme un processus représentationnel ayant un effet corporel. Ces symptômes sont des « symboles », si par ce terme, on désigne un signe motivé (le signifiant n’est pas arbitraire, il est en rapport avec ce qui est signifié). Un symbole a un sens, mais il est caché, il échappe au premier abord, car il n’est pas conventionnel. C’est le cas de ces manifestations corporelles.

Ce type de manifestations corporelles a été décrit comme « conversion » par la psychanalyse et sont nommées « troubles somatoformes par le DSM-IV ». Ces manifestations sont nombreuses et très diverses. Le diagnostic se fait sur l’inadéquation de la symptomatologie avec ce que décrit la clinique somatique. Il faut rechercher l’aspect symbolique du trouble : il a un sens dans le contexte psychologique et relationnel du patient. Faire le diagnostic, c’est reconnaître la dimension symbolique de ce qui se présente faussement comme un symptôme somatique.

Les manifestations fonctionnelles

Les manifestations dites fonctionnelles consistent en des symptômes somatiques réversibles spontanément. Ils sont d'une grande diversité et ont pour origine un dysfonctionnement psychique. Ils peuvent toucher tous les appareils sans exception. Les manifestations fonctionnelles sont aussi une expression d’origine représentationnelle, mais elles entraînent une modification physiologique pathologique, par relais au niveau neurobiologique, puis somatique. Ici aussi, il est probable que ne pouvant s’exprimer de manière directe, les mouvements affectifs passent dans la physiologie de manière inappropriée.

Ce peut être, par exemple, la dyspnée, tachycardie et la crise d’angor. Ces manifestations sont réversibles et correspondent à un dysfonctionnement physiologique quoique sans lésion. Elles peuvent être aiguës ou chroniques et toucher tous les appareils : elles peuvent être motrices, sensorielles, digestives, respiratoires, cardiaques, urinaires, génitales, neurologiques. La différence avec les manifestations corporelles est qu’il y a une inscription neurofonctionnelle avec effet biologique.

À l'inverse, on a aussi les effets placebo : la relation, les mots, la galénique (présentation du médicament) ont de effets fonctionnels bien réels.

Les symptômes ubiquitaires

Généralement considérés à part, ce sont pourtant les mêmes types de symptômes que ci-dessus, aussi, nous nous permettrons de les rappeler brièvement. Ils sont toujours liés à une interaction somato-psychique.

L’angoisse : Le syndrome associe une sensation de peur à des manifestations somatiques diverses. Certains récepteurs neuronaux génèrent l'angoisse et d'autres l'empêchent. La structure cérébrale la plus concernée est l'amygdale et ses connexions à l'hippocampe. Sont en jeu les récepteurs à l'acide gamma amino butyrique (GABA). Ce sont les récepteurs du genre A, de sous-type oméga 1, qui ont un effet anxiolytique.

La dépression : Elle se manifeste par la tristesse jusqu'à la douleur morale, l'abattement et un cortège de manifestations somatiques. Tout paraît difficile, voire insurmontable. Du point de vue neurobiologique, les connaissances actuelles l'associent au déficit des voies sérotoninergiques centrales et à une diminution de la plasticité cérébrale.

L'excitation : Cliniquement, elle se manifeste par la jovialité, l'hyperactivité, la bonne humeur. L'individu est trop optimiste et trop sûr de lui. On incrimine une hyperactivité sérotoninergique, mais c'est hypothétique.

Les manifestations fonctionnelles constantes et générales

La chronicisation du dysfonctionnement : Les troubles corporels et fonctionnels vus au-dessus peuvent se chroniciser. Ils semblent installés, ce qui implique une modification durable. Comme précédemment, on notera une inadéquation avec ce que décrit la clinique strictement somatique. À la différence avec les troubles corporels conversifs vus avant, l’aspect symbolique est ancien et ne semble plus effectif. De plus, comme signalé plus haut, il y a des interactions montantes d'origine biologique qui provoquent des manifestations fonctionnelles neurologiques et biosomatiques chroniques.

Les tendances réactionnelles : On ne retrouve pas d’origine précise, la tendance semble avoir toujours été là. On peut supposer un manque d’apprentissage à la régulation et au calme pendant l’enfance et/ou un facteur constitutionnel d’origine génétique. C’est ce que l’on appelle les dystonies neurovégétatives. Sans se prononcer sur leur caractère acquis ou inné, il est patent que chez certaines personnes, il existe une tendance anxieuse constitutionnelle. La personne se sent facilement stressée, elle a souvent des somatisations fonctionnelles (douleurs, spasmes, hypotension, sudation, etc.). Ces personnes réagissent trop aux stimulations diverses de l’environnement concret et social.

Les manifestations somatiques pathologiques dite "psychosomatiques"

Définition

Les manifestations somatiques induites ont une origine psychique, mais un double relais au niveau neurophysiologique puis biologique, ce qui entraîne un dysfonctionnement biologique, non réversible spontanément. Dans ce cas, ce qui est prédominant se passe au niveau somatique, même si la maladie a une origine représentationnelle.

Au vu des connaissances actuelles, on peut considérer trois possibilités. 1/ Le dysfonctionnement aboutit à une lésion biologique véritable. C’est ce que l’on nomme généralement les maladies psychosomatiques. 2/ Le dysfonctionnement psychique est un facteur déclenchant par rapport à une maladie préexistante. Par exemple<, les crises d’eczéma ou les crises d’asthme. 3/ Les cas incertains, car l’absence d’étiologie organique peut-être le fait de notre ignorance actuelle, ce qui conduit à une psychologisation abusive tout à fait néfaste.

Les maladies psychosomatiques typiques

Ce sont les asthmes en pneumologie, les eczémas en dermatologie, les colopathies en gastroentérologie, les coronaropathies en cardiologie, les céphalées en neurologie, les coliques idiopathiques en pédiatrie. Le dysfonctionnement psychique est souvent déclenchant ou aggravant par rapport à une maladie préexistante ayant une détermination biologique autonome. Ce peut être l’apparition d’une maladie classique qu’il faut traiter comme telle. Chez l’enfant, on trouve l’anorexie mentale du nourrisson, les manifestations asthmatiques précoces, les eczémas, le nanisme psychogène qui est lié au stress permanent. Ces maladies sont typiques chez les personnalités somatisantes qui ont une pensée pauvre, une incapacité à ressentir les mouvements affectifs qui les habitent et sont tournées vers l’action.

Le stress

Nous le placerons ici, car les effets du stress sont une réponse somatique à une sollicitation de l’environnement qui, au départ, peut être représentationnelle ou informationnelle au sens défini plus haut. Par voie descendante, il se produit une modification biologique. Classiquement, on distingue trois phases de stress : la phase d’alerte, la phase de lutte et la phase d’épuisement. Au dernier stade, il s’ensuit un épuisement des surrénales, une atrophie du thymus, des ulcères gastriques. Le diagnostic est facile devant des circonstances évocatrices : guerre, affrontement, harcèlement au travail.

Les manifestations somatiques provoquées

Dans ce dernier cas, nous sommes à la limite de ce qui peut entrer dans ce chapitre, car il n’y a pas de transmission descendante d’un niveau à l’autre. Les manifestations somatiques provoquées sont des désordres somatiques obtenus par des actes volontaires qui ont une motivation purement cognitivo-représentationnelle. Les deux pôles opposés sont à considérer simultanément, le représentationnel et le somatique. Ces actions ont pour but de provoquer un dysfonctionnement biologique.

Dans l’anorexie, la privation de nourriture, qui est un acte délibéré, aboutit à un amaigrissement et à une modification métabolique. Cette modification a une rétroaction sur le fonctionnement neurofonctionnel au sein duquel elle s'enracine et s'autonomise. L’amaigrissement et la déviation métabolique sont bien des faits biologiques. Seule leur origine représentationnelle les distingue du même amaigrissement lors d’une maladie générale.

À un degré de plus, on trouve le syndrome parfois nommé « syndrome de Münchhausen » dans lequel des actions volontaires et intelligentes provoquent des troubles somatiques (autoprélèvements sanguins, infections et réinfections volontaires).

On pourrait y relier les assuétudes (addictions), car, dans ce cas, il y a une modification métabolique et neurofonctionnelle qui donne une autonomie biologique au trouble, même s’il est déclenché par des actes volontaires. Les addictions à la nourriture, le tabac, l’alcool et aux divers toxiques comportent un dysfonctionnement biologique déclenché et entretenu par une action consciente quoique pas vraiment volontaire.

4. Une orientation dans l'immense champ des somatisations

Il ne s'agit là que d'une tentative pour s'y retrouver cliniquement et faire un diagnostic d'orientation dans l'immense champ des manifestations somatiques d’origine psychique.

Dans la mesure où le praticien ne sait pas à l’avance si les manifestations cliniques qu’il rencontre ont une origine somatique ou psychique, il se trouve devant une énigme. Les causes étiologiques sont radicalement différentes, mais assez difficiles à diagnostiquer pour trois raisons :

1/ Ces manifestations ont presque la même forme clinique.

2/ L’origine psychique suspectée est souvent niée par le patient.

3/ Le symptôme lui-même est présenté de manière déformée (parfois nié, comme l’amaigrissement chez l’anorexique, ou au contraire majoré, comme les précordialgies, les dyspnées ou les douleurs).

Tout cela constitue une difficulté diagnostique, renforcée par le fait que le médecin, qu’il soit généraliste ou psychiatre, a l’obligation de ne pas passer à côté d’une pathologie purement somatique qui pourrait être grave. Dans la mesure où empiriquement les manifestations sont identiques ou très ressemblantes, pour les distinguer, il faut remonter à ce qui les cause, c’est-à-dire arriver à désigner le déterminisme mis en jeu. La démarche est la suivante.

Il faut commencer par des examens médicaux cliniques et paracliniques classiques afin de rechercher une détermination biologique. Le diagnostic se fait sur l’inadéquation de la symptomatologie avec ce que décrit la clinique somatique classique. Si la démarche élimine une étiologie biologique, on incriminera une détermination psychique qu’il faudra explorer.

Il faut alors rechercher la signification du symptôme : il a un sens dans le contexte psychologique et relationnel du patient. Faire le diagnostic, c’est reconnaître la dimension expressive de ce qui se présente faussement comme un symptôme purement somatique. Par exemple, une difficulté à marcher peut signifier « je ne marche plus  au sens de « je refuse», une brûlure « je souffre comme si j'étais en enfer », des nausées « je refuse, ça me dégoûte », une pseudo-surdité « je ne veux rien entendre ».

Ce peut être aussi l'expression d'un malaise diffus, dû à une situation sociale concrète contraignante et anxiogène, à un harcèlement, etc., situation que la personne cerne mal, ou n'arrive pas à résoudre. Dans ce cas, la guérison passe par l'éviction de la situation.

Pour ces troubles, l’intervention thérapeutique est mixte ; il faut à la fois traiter le dysfonctionnement somatique et son origine psychique sans oublier de les situer dans le contexte familial et social.

 

Bibliographie :

« Troubles psychosomatiques de l’adulte » in Widlöcher D, Braconnier A., Psychanalyse et psychothérapie, Flammarion, Paris,1996.

Médecine psychosomatique, Haymal A. Pasini W., Paris Masson, 1984.