Revue philosophique

Ce que l'on nomme ordinairement « pensée » associe des processus psychiques, cognitifs et langagiers. C'est cette association qui permet de produire des pensées manipulables et communicables. La pensée est dynamique, car les processus cognitifs et les formes langagières (verbales ou imagées) s'épaulent mutuellement dans le temps de formation de la pensée. Par opposition, nous dirons que manier des formes syntaxiques sans contenu n'est pas penser. Conceptualiser, imaginer, sans le formuler dans un langage n'est pas non plus penser, car ce qui se passe (l'activité cognitive) reste insaisissable.

Il existe différents types ou formes de pensée selon les processus psycho-cognitifs engagés et les langages utilisés.

La pensée peut être très formalisée (comme en logique ou en mathématique) ou très imagée (comme dans les rêves). En gros, le traitement des processus cognitifs par les différentes syntaxes langagières produit les divers types de pensées identifiables depuis la pensée rationnelle jusqu’à la pensée imaginative la plus débridée. Pour ce qui est de la pensée inconsciente, il vaut mieux utiliser le terme de processus cognitifs inconscients ou processus sémantiques inconscients, car la pensée est, lors de sa formation, rendue préconsciente ou consciente grâce aux processus langagiers utilisés.

Voyons les principaux modes de pensée.

La principale est probablement la pensée imaginative. Elle fournit les rêves nocturnes, les rêveries diurnes, les fantasmes, la poésie, et imprègne les autres pensées, y compris celles qui se veulent rationnelles (comme a pu le mettre en évidence Bachelard).

En second lieu, nous placerons la pensée concrète et la pensée ordonnatrice. La pensée concrète permet de comprendre le monde environnant à partir de ses qualités sensibles. C’est elle qui donne, transmet les procédés opératoires, les manières de procéder, les stratégies pratiques. La pensée ordonnatrice classe et ordonne les aspects de l’environnement concret et social de l’homme. C’est elle qui a été nommé « pensée sauvage » par Lévi-Strauss ou « logique naturelle » par Jean-François Richard. Elle organise les conduites et  elle classifie l'environnement naturel et humain.

Enfin, il existe la pensée rationnelle. C’est celle que l’on s’attend à trouver dans les sciences et la philosophie. Elle peut être formalisée par la logique classique (aristotélicienne) ou moderne, ou les mathématiques. Les raisonnements rationnels sont démonstratifs et peuvent être universellement reconnus comme vrais. La pensée rationnelle s'appuie sur une longue histoire tant en ce qui concerne ses contenus (concepts, problèmes) que pour la validité de ses raisonnements.

La pensée ordinaire est souvent un mixte issu de l'utilisation, dans des proportions variables, des divers modes définis ci-dessus. La pensée ordinaire est floue et, si elle permet de vivre et de communiquer convenablement, elle aboutit rarement à une connaissance pertinente de l'Univers.

La pensée savante utilise des processus cognitifs rationnels selon un langage technique. Elle est mise en jeu au sein d'un ensemble épistémique précis historiquement déterminé (épistémè pour Michel Foucault, paradigme scientifique pour Thomas Kuhn).