Par « réflexif », on entend dans le cadre philosophique le retour de la pensée vers elle-même. C’est l’un des apports les plus importants de la philosophie que d’avoir montré l’intérêt de se retourner vers la pensée pour l’interroger, afin d’en distinguer les différentes formes et contenus, afin d'en juger la pertinence. La réflexivité désigne plus précisément le fait d’appliquer cette analyse à sa propre pensée ou à sa propre doctrine.

Du point de vue de la connaissance empirique, la réflexivité ne concerne pas que la pensée, mais aussi la méthode au sens pratique. Il s'agit d'interroger les conditions de production de la connaissance, de prendre en compte le rôle du processus de connaissance dans le résultat. Le but est d'en comprendre l'impact et de corriger les errements qui lui sont inhérents. Voyons quelques cas où une réflexivité doit être introduite dans la méthode.

Le premier exemple et le plus simple est ce qui a été nommé « l'équation personnelle » des astronomes. On s'est aperçu que certains utilisateurs de lunette astronomique commettaient systématiquement une faible erreur, toujours la même, dans leurs observations. C'est par un retour réflexif (en observant l'observateur) qu'on s'en est aperçu et qu'on a pu corriger les données.

En médecine, on s'est aperçu que les résultats concernant l'efficacité des médicaments ne viennent pas seulement de la molécule, mais de la façon dont elle était donnée. La valorisation du médicament, le recueil des résultats influent. On en est arrivé à la méthode dite « en double aveugle » pour corriger les diverses influences humaines. La méthode d'étude influence les résultats et il faut faire retour sur la méthode pour la corriger.

Le problème redouble dans les sciences de l’homme et de la société, car la discipline et le chercheur en sciences humaines et sociales sont eux-mêmes des produits humains socialisés, d’où une inéluctable influence réciproque entre l’étude et son objet. Le problème épistémologique est aigu du fait de l’identité entre explanans et explanandum. Pour pallier ce problème, il faut une réflexivité développée qui ne concerne pas seulement la méthode, mais toute la discipline.

On peut distinguer divers plans sur lesquels un retour réflexif est indispensable en ce qui concerne les sciences humaines et sociales.

  • On doit s’interroger sur l’objet même de la recherche. Le paradigme du chercheur détermine l’objet de recherche. Par exemple, le totémisme est-il un objet de recherche pertinent en anthropologie ou une vision occidentale inadaptée ?
  • On doit évaluer l’influence directe sur la réalité et les modifications apportées par son étude. L’interaction du chercheur (ou du praticien) produit ou exclut certains faits. La réflexivité permet d’en tenir compte dans la théorie et dans la pratique, qu'il faut adapter, faute de quoi une partie du domaine d'étude sera soit faussée, soit inaccessible. Par exemple, le psychologue qui refoule ou dénie certains problèmes ne peut pas les étudier.
  • La réalité est toujours en partie construite (voir la définition de la réalité) et par conséquent de qualité variable. Lorsque la réalité concernée est humaine, le problème épistémologique est aigu : il y a une identité partielle et une influence réciproque entre explanans et explanandum. La réflexivité explicite cette identité et cette influence et propose des moyens pour améliorer la connaissance.