Revue philosophique

Laissant de côté l'Antiquité, nous ferons référence au matérialisme moderne, apparu au XVIIIe siècle.

Le terme matière gardant souvent sa connotation empirique originelle, il s'ensuit parfois une doctrine matérialiste englobante dans laquelle la matière « c'est ce que nos sensations et nos perceptions nous présentent, c'est, d'une manière générale, tout ce qui nous entoure » (Politzer G., Principes élémentaires de philosophie, Paris, Éditions sociales, 1961).

Le matérialisme est, dans ce cas, une conception issue de l’empirisme spontané. Les choses étant constituées d'un matériau pouvant prendre diverses formes (selon l'opposition classique entre forme et matière), on en conclut qu'il s'agit de choses matérielles. Dans la vie courante, il est utile de connaître le matériau dont est constitué un objet. C'est un usage empirique du terme.

Au XIXe siècle, Karl Marx a voulu ranger l’économie politique sous la bannière du matérialisme, en prenant en considération les conditions de vie concrètes des individus dans la société : leurs revenus, leurs rôles dans la production, leurs places dans la hiérarchie sociale, leurs intérêts socio-politiques. Le terme « matériel » désigne les biens et leur répartition. L’usage empirique du terme matérialisme est étendu vers la sphère économique et sociale. Il s'agit plutôt d'un réalisme économique et social (qui donne une réalité effective à ce domaine).

Le matérialisme a été souvent associé au naturalisme rationnel, qui suppose que le monde existe de manière immanente (sans cause ou origine externe et transcendante) et qu’il peut être connu. Ce matérialisme naturaliste a finalement été la bannière de ralliement de ceux qui s’opposaient à l’irrationalisme et à l’idéalisme/spiritualisme. C’est un naturalisme qui s’ancre sur l’idée d'une substance matérielle. Mais, le naturalisme n'implique pas nécessairement l'idée d'une substance, c'est pourquoi il faut les distinguer.

Le matérialisme est moins une école philosophique qu'une tradition discontinue et plurielle. Ce que réunit ces divers matérialismes, c'est de nier l'existence d'entités transcendantes, de penser l'Homme selon des rapports concrets naturels ou sociaux et de considérer la pensée comme un phénomène dérivé sans autonomie. Mais il y a plus : le matérialisme est au fond une doctrine ontologique.

Le cœur du matérialisme tient dans l’affirmation d’une substance unique ou fondatrice : la matière. L'ontologie matérialiste affirme qu'il y a un constituant unique du réel, nommé matière, qui serait homogène et perdurant. C'est une opinion indémontrable que les avancées de la science ne confirment pas. Alléguer une substance unique est un postulat métaphysique.

Le terme de physicalisme a été inventé au XXe siècle par Rudolf Carnap (Die Physische Sprache als Universalsprasche der Wissenschaft, 1931). Il sous-entend un matérialisme dur, mais il va plus loin en prônant l'utilisation du langage de la physique, quel que soit le domaine d'étude. 

 

 Voir la définition de Réductionnisme et Physicalisme